En bref
Née en 1973, Valérie étudie à la très élitiste École nationale des Chartes au début des années 90. Latiniste, historienne, historienne de l’Art, elle n’arrive pas à envisager de « finir » conservateur d’un grand musée national.
Sa rencontre avec Denis Bajram lui permet enfin de passer de l’Histoire aux histoires.Ses scénarii, en adoptant l’apparence du récit d’aventure, sont avant tout de grands jeux historiques, politiques et culturels. Que ce soit dans la Rome des Chroniques de l’Antiquité galactique, le puzzle conceptuel de Trois Christs, l’autofiction sophistiquée d’Abymes ou le péplum grandiose d’Alix Senator, elle aime à se jouer de tous les codes des littératures populaires.
Avec Denis, elle est à l’origine de la création des éditions Quadrants et participe à la fondation du syndicat des auteurs, le SNAC-BD puis à celle des États Généraux de la Bande Dessinée et de la Ligue des auteurs professionnels.
Biographie complète
Jeunesse
Valérie Mangin naît à Nancy en 1973, un 14 août, comme René Goscinny, le célèbre scénariste des aventures d’Astérix.
Passionnée d’Histoire et de langues anciennes, elle remporte en 1990 un prix en version latine au Concours Général et entre l’année suivante dans les prestigieuses classes préparatoires littéraires du lycée Henri IV.
En 1994, elle réussit le difficile concours d’entrée de l’École nationale des Chartes. Ce grand établissement d’État est en quelque sorte l’ENA des conservateurs du patrimoine. En 1998, elle y soutient avec succès une thèse d’Histoire des Institutions de l’Epoque moderne – La Grande Chancellerie de France sous Louis XVI – qui lui donne le titre d’archiviste paléographe et lui ouvre toutes grandes les portes de la haute fonction publique. Parallèlement, elle suit un cursus d’Histoire et un autre d’Histoire de l’Art à la Sorbonne voisine.
Mais au fur et à mesure qu’elle accumule thèse et diplômes en Histoire, Valérie réalise qu’elle a peut-être surtout envie de raconter des histoires. Grande lectrice de bandes dessinées pendant ses études, Valérie rencontre Denis Bajram lors d’une séance de dédicace de Cryozone. C’est le coup de foudre. Ils commencent à travailler dans le même atelier et se marient fin août 1999.
Les Chroniques de l’Antiquité galactique
Dès 1998, Valérie est entrée en contact avec le dessinateur serbe Aleksa Gajic. Ils travaillent sur Le Fléau des Dieux, un space-opera inspiré de l’affrontement du roi hun Attila et de l’empire romain, adapté en science-fiction. Le premier tome sort début 2001 et rencontre un succès immédiat. Depuis, il a été traduit dans une douzaine de langues et suivi par cinq autres tomes.
En 2004, ces albums intègrent une nouvelle collection : Les Chroniques de l’Antiquité galactique où les rejoint une série sœur, Le dernier Troyen.
Très librement inspiré des poèmes de Virgile et d’Homère, ce récit met en scène les aventures du troyen Enée et le long périple qui le conduit de sa Troie perdue à la planète promise où, selon la légende, il deviendra le père de la Rome galactique découverte dans le Fléau des dieux. Aux commandes du dessin, se trouve cette fois un… décorateur de la Comédie Française, Thierry Démarez. Depuis, le duo Démarez-Mangin a réalisé six albums et s’est retrouvé en 2010 sur un nouveau projet très ambitieux : Alix senator.
Histoire et fantastique
Dans les années 2000, Valérie écrit aussi des récits fortement inscrits dans l’Histoire même s’ils restent nimbés de fantastique. Avec Griffo, elle réalise en 2003-2005, Petit Miracle, un diptyque racontant les aventures d’un enfant né la tête séparée du corps, à la veille de la Révolution française. Le succès critique est au rendez-vous. La série séduit tant par son graphisme raffiné que par son scénario décalé et rempli d’humour noir. L’histoire aurait dû se terminer là, mais Valérie et Griffo retravaillent ensemble en 2010 sur le tome 1 d’Abymes, un étonnant triptyque paru en janvier 2013 chez Aire Libre.
Parallèlement à Petit Miracle, Valérie commence à écrire en 2004, une uchronie, Luxley, dessinée par un solide auteur réaliste, Francisco Ruizgé. On y voit les peuples “précolombiens” découvrir et envahir l’Europe du Moyen-Age. Seul parvient à leur résister Robin de Luxley dit Robin des Bois.
Deux ans plus tard, illustrée par Malo Kerfriden arrive la série KGB. Dans l’URSS de la Guerre Froide, deux agents très spéciaux des célèbres services secrets soviétiques affrontent de monstrueux démons tout droit sortis des laboratoires d’un savant fou nazi… à moins que ce ne soient des cercles infernaux.
Du scénario à l’édition
En 2006, Valérie développe aussi son activité dans une autre direction : l’édition. Avec Denis Bajram, elle fonde un nouveau département éditorial au sein des éditions Soleil : Quadrant Solaire.
Tout naturellement, il commence par réunir tous leurs albums. Ainsi Le dernier tome du Fléau des Dieux y paraît en juin 2006 en même temps que le premier tome de KGB.
Entre temps, Corinne Bertrand, une amie éditrice, a quitté Dupuis et a rejoint le projet. Denis et Valérie lui en confient les clefs fin 2007. Sous sa nouvelle direction, le département éditorial élargi devient Quadrants.
Des projets collectifs
En 2008, sous la direction éditoriale et surtout amicale de Christophe Bec, Valérie écrit un one-shot sur la fameuse abbaye de Mortemer et ses fantômes. C’est le dessinateur italien Mario Alberti qui le met en image entre deux projets de comics états-uniens.
La même année, Valérie accompagne un autre ami, Frank Giroud, dans son grand défi : l’aventure Destins. 13 scénaristes et 13 dessinateurs illustrent les différents embranchements possibles de la vie d’une femme en proie à des démons resurgis de son passé. Valérie réalise le tome 4, Paranoïa, avec Daniel Hulet, qui, comme elle, a abandonné le temps d’un album le fantastique pour le thriller contemporain. L’album sort en août 2010.
Valérie entame alors sa participation à l’éphémère collection Sorcières lancée par les éditions Dupuis. Elle y écrit une sulfureuse biographie de Jeanne d’Arc qui fait de l’égérie catholique une véritable sorcière. C’est le crayon engagé de Jeanne Puchol qui donne vie à cette femme libre et amoureuse. Après l’arrêt de la collection, les éditions Les Ronds dans l’O publient l’intégrale de ce récit féministe sous le titre Moi, Jeanne d’Arc.
Trois Christs
En 2010 toujours, paraît une autre œuvre de Valérie qui retiendra l’attention des critiques et sera nommée au palmarès du festival d’Angoulême. Il s’agit de Trois Christs, dessiné par Denis Bajram et Fabrice Neaud, un album concept d’un type inédit dans la Bande Dessinée grand public. En 1353, apparaît la relique la plus controversée de la Chrétienté, le Saint Suaire. Mais est-ce le vrai linceul du Christ ? Un faux aussi habile que sordide ? Ou le résultat d’un improbable rituel ésotérique ? L’album explore ces hypothèses au travers de trois variations reprenant les mêmes cases et les même dialogues dans des ordres différents et formant un implacable jeu formel.
Les années qui suivent, Valérie continue d’étonner ces lecteurs d’autres récits comme Skell, un diptyque de fantasy dessiné par Stéphane Servain ou Du Plomb pour les garces, un thriller contemporain au ton très particulier réalisé avec Loïc Malnati.
Alix senator
Puis, en septembre 2012, sort le premier tome d’Alix senator, la suite d’Alix, la série créée par Jacques Martin. Initié avec Denis et illustré par Thierry Démarez, ce nouveau récit de Valérie montre un héros cinquantenaire, accompagné de son fils et de celui d’Enak. Devenu sénateur à Rome et proche de l’empereur Auguste, Alix n’a cependant rien perdu de son courage et de son esprit d’aventure.
Le succès public et critique est à nouveau au rendez-vous. Réédité plusieurs fois dès sa sortie, le livre est également nommé au festival d’Angoulême. La série, toujours en cours, compte déjà treize albums.
Abymes
En même temps qu’écrire des récits grand public, Valérie prend toujours plaisir à explorer les possibilités formelles de la Bande Dessinée. De janvier à mars 2013, est paru un triptyque qui s’efforce de rassembler ces deux facettes de son travail : Abymes.
Basé sur la « mise en abyme », ce procédé stylistique qui consiste à placer à l’intérieur d’une œuvre un autre œuvre du même type, il raconte de manière très romanesque des épisodes de la vie d’Honoré de Balzac, d’Henri-Georges Clouzot et de… Valérie Mangin. Aux dessins, on retrouve des complices de longue date de Valérie : Griffo, Loic Malnati et Denis Bajram.
Retour à la science-fiction
Valérie n’en continue pas moins d’écrire des récits de science-fiction ou de fantastique. Chez Casterman, elle scénarise Le Club des prédateurs, un conte gothique illustré par Steven Dupré, qui explore les méandres horrifique du Londres victorien ainsi qu’une histoire courte dessinée par Ronan Toulhoat et Denis pour le nouveau périodique Pandora.
Mais c’est surtout aux éditions Ankama qu’elle continue à surprendre ses lecteurs avec d’autres histoires tout aussi originales et fortes : Expérience Mort, un diptyque coscénarisé avec Denis et illustré par Jean-Michel Ponzio ou encore Rayons pour Sidar, une adaptation du roman de Stefan Wul.
Toujours chez Ankama, elle participe en 2016 à Doggybags, la série grindhouse du label 619 avec deux histoires “100% violence graphique” avec la complicité de Thomas Rouzière et de Loïc Sécheresse au dessin.
Détours par l’Asie
Les années suivantes, Valérie a à cœur de tenter de nouvelles expériences. En 2019, elle participe à un hommage au grand auteur de manga Osamu Tezuka en réalisant une histoire courte pour le magasine japonais Tezucomic. Ce manga, dessiné par Brice Cossu, s’inspire de la scène d’ouverture de la Vie de Bouddha et mêle avec bonheur science-fiction et tradition japonaise.
Parallèlement, Valérie entame une collaboration avec l’éditeur chinois FT Culture grâce Corinne Bertrand, qui dirige toujours aussi la collection Quadrants. Elle se propose alors d’adapter en bande dessinée les nouvelles de Liu Cixin, le romancier qui a remporté le prix Hugo en 2015 pour son roman Le Problème à trois corps. Valérie scénarise Yuanyuan’s bubbles dans cette nouvelle collection avec Steven Dupré au dessin. Ce récit, à la fois tendre et ambitieux, montre une jeune fille sauver une ville de l’avancée du désert grâce à… des bulles de savons. Il est paru en Chine en 2022 et en France l’année suivante.
L’Histoire encore et toujours
Parallèlement, Valérie continue ses récits historique. En 2018, elle participe au collectif Traces de la Grande Guerre aux éditions de la Gouttière pour commémorer les soixante-dix ans de la fin de la Première Guerre mondiale. Avec ses amis de l’Atelier virtuel, elle réalise Guerre éternelle, un court récit montrant les forêts du nord de la France comme parcourues par des siècles, voire des millénaires de terribles combats.
Quelques mois plus tard, les éditions Casterman et les enfants de Jacques Martin qui apprécient le développement donné à son univers par Alix senator, demandent à Valérie de poursuivre directement une autre de ses série : Jhen. Elle en écrit donc le tome 18 qui sort en 2020. Se déroulant à Bayeux, la ville d’adoption de Valérie, il met aux prises les Anglais de la Guerre de Cent ans et le fantôme de Guillaume le Conquérant autour de la tapisserie qui a fait la célébrité de la ville.
Space-opera, contes fantastiques, uchronie, sagas historiques… Les univers développés par Valérie sont toujours aussi nombreux et variés.
De nouveaux engagements
Dès 2007, elle a fait partie avec Denis des fondateurs du syndicat des auteurs de BD au sein du SNAC (Syndicat National des Auteurs et des Compositeurs).
Cela les a amenés 8 ans plus tard, à créer avec Benoît Peeters les États Généraux de la Bande Dessinée. Dans le contexte de forte crise que connaît la BD, l’association a pour but d’analyser économiquement et sociologiquement la situation des acteurs de la BD pour essayer de dessiner un avenir plus favorable à tous.
Ces réflexions trouvent tout naturellement leur prolongement, dans la fondation, en 2018, de la Ligue des Auteurs professionnels, le rassemblement inédit d’un collectif d’auteurs et d’une fédération d’organisations. Tous se liguent pour sauvegarder leur métier et améliorer concrètement les conditions de création de tous les auteurs.