En 2015, l’enquête des États généraux a montré que les autrices étaient moins invitées en festival que les auteurs, qu’elles participaient à moins de tables rondes, étaient moins exposées et recevaient globalement moins de prix. Aujourd’hui, même si rien n’est jamais parfait, les choses ont évolué. Les autrices participent davantage aux manifestations culturelles et sont, de manière générale, plus visibles.
Autrice moi-même, je ne peux que m’en féliciter. Je profite d’ailleurs du mouvement. J’ai eu le plaisir d’être conviée à de multiples salons et mise en avant dans plusieurs expositions. On m’a aussi proposé de participer à des débats thématiques, des jurys d’écoles de Bande Dessinée ou de prix, de donner des masters class…
Tout va donc très bien pour moi. Enfin presque. Quand je commence à discuter avec l’organisateur de la manifestation qui me contacte… Je dis « organisateur » parce que c’est un homme 90% du temps. Quand je commence à discuter avec lui donc, arrive très vite la vraie raison pour laquelle il m’invite. La moitié du temps, c’est « parce que, tu comprends, on manque de femmes ». Bon, je passe sur le fait que les autrices doivent représenter aujourd’hui le tiers, si ce n’est plus, des auteurs, et qu’il n’est donc pas si difficile d’en trouver. Je me retrouve donc invitée à un festival/une table ronde/un jury/… uniquement parce que je suis une femme. Parce qu’on veut mettre les femmes en avant pour réparer des années d’inégalité de traitement. Voire, largement pire, parce qu’il est de bon ton, de nos jours, d’avoir au moins une femme dans une manifestation, si on ne veut pas se faire épingler sur les réseaux sociaux comme ringard et sexiste.
Je suis donc conviée pour ce que je suis et pas pour ce que je fais. Mon travail, j’allais dire de manière ronflante « mon œuvre », n’a aucune importance. Que je sois une bonne autrice ou une autrice complètement nulle, que j’ai des choses intéressantes ou pas à dire, peu importe. Je suis une femme, je suis invitée. Et on me le dit, en plus. Sans que cela ait l’air de poser le moindre problème.
Eh bien, si. Je veux être appréciée pour mes albums, ma vision de la Bande Dessinée, le discours que je tiens sur notre art. Mon genre ne devrait avoir aucune importance. On devrait mettre en avant les autrices parce qu’on a, enfin, reconnu l’importance et la qualité de leurs œuvres et pas juste parce qu’« il faut mettre les femmes en avant ».
J’espère que cela viendra un jour prochain. On ne sait jamais, on n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise.