Les cromlechs d’Er Lannic

Le cromlech marin de la page 2 du tome 15 d’Alix senator a été inspiré par ceux du petit îlot d’Er Lannic situé juste devant l’île avec le cairn de Gavrini dont je vous ai parlé le mois dernier. Il s’agit de deux demi-cercles de pierre élevés pendant le néolithique, vers 3 500 ans avant notre ère.

© 2015 IGN/Géoportail, modifié d’après Jeremy Percival pour la localisation des parties immergées

Celui situé le plus au sud est constitué, en plus d’un menhir central, de 64 pierres dressées. Il est peu visible de nos jours : il est largement recouvert par l’eau du golfe du Morbihan. Il faut dire que le niveau de la mer est monté de 5 mètres depuis l’époque à laquelle il a été construit.

L’autre hémicycle, toujours visible sur l’île, est fait de 30 dalles de pierre de plus ou moins 4 mètres de haut chacune et de deux menhirs encore plus imposants. Celui du nord devait mesurer dans les 8,20 mètres avant d’être brisé.

L’îlot d’Er Lannic et son cromlech vu du sud. En arrière-plan l’île de Gavrinis et son cairn, puis le port de Larmor-Baden. © Pierre F631

Toutes les pierres sont d’origine locale. Certaines comportent des gravures difficiles à interpréter : des traits verticaux parallèles ou encore des formes rappelant celles des haches trouvées sur place dans des coffres funéraires, enterrés à côté d’une profusion de silex, de pointes de flèche, de grattoirs et autres rabots.

A côté des ossements humains, d’autres restes de poissons, de bovidés et cerfs ont été découverts, résultats peut-être de sacrifices réalisés au moment des inhumations.

© Pierre F631

Le Cairn de Gavrinis, inspiration d’Alix senator

Dans le post précédent, je vous ai montré la première page du tome 15 d’Alix senator à paraître cet automne. On y voit plusieurs monuments mégalithiques. Le jeune couple se trouve ainsi dans un bâtiment inspiré du cairn de l’île de Gavrinis, dans le golfe du Morbihan.
Il s’agit d’un amas de pierre constitué entre 4 250 et 4 000 avant notre ère pour recouvrir un « dolmen à long couloir et à chambre simple ». Il en existe beaucoup du même genre en Bretagne mais aussi dans les îles britanniques et sur toute la façade occidentale de l’Europe.
Haut de 8 m, le cairn de Gavrinis est légèrement ovale (60 × 54 m). Son couloir intérieur fait plus de 10 m et donne sur une unique petite chambre funéraire quasiment carrée. Avec les moyens de l’époque, il aurait fallu 3 ans à 100 personnes pour le construire !
Mais plus que ses dimensions, c’est la décoration intérieure qui fait de cet endroit un exemple exceptionnel d’art néolithique (et non celte comme on l’a cru longtemps). Les parois verticales du couloir sont ornées de multiples gravures abstraites (arceaux, crosses, zig-zags…) dont on ignore toujours aujourd’hui la signification, si jamais elles en ont eu une.
Ces « dessins bizarres » comme disait Prosper Mérimée, ont donc donné lieu à de multiples hypothèses plus ou moins ésotériques. Ils méritaient bien leur place dans un cycle fictionnel sur l’Atlantide.

Bélizaire et les enfants Frey

En 1837, Frederick Frey, un banquier de la Nouvelle Orléans d’origine allemande, demanda au peintre Jacques Amans de faire le portrait de ses trois enfants Léontine, Elizabeth et Frederick Jr avec leur esclave, le jeune Bélizaire.

Celui-ci avait été acheté à l’âge de 6 ans avec sa mère, Sally, qui devint la cuisinière des Frey. On ignore qui était son père. En 1856, Bélizaire fut revendu pour 1 200 $ à un planteur de canne dont il devint, à son tour, le serviteur et le cuisinier. On perd sa trace cinq ans plus tard, au début de la guerre de Sécession. On ne sait s’il vit l’abolition de l’esclavage en 1865.

Bélizaire et les Enfants Frey

Si je vous en parle aujourd’hui, c’est, parce qu’au-delà de son destin, tragiquement représentatif de son époque, Bélizaire est à peu près le seul esclave, clairement identifié, dont le portrait soit parvenu jusqu’à nous. Et encore, cela faillit bien ne pas arriver.

Le tableau resta longtemps dans la famille de la femme de Frederick Frey. A une date inconnue, des repeints furent ajoutés sur le jeune esclave et le firent disparaître. Seule une ombre marquait encore sa silhouette. On ne sait pas si les propriétaires d’alors avaient honte que leurs parents aient été esclavagistes ou, au contraire, avait honte que leurs parents aient été représentés avec Bélizaire.

Quoi qu’il en soit, il fallut attendre 2005 pour que le tableau, revendus plusieurs fois, soit nettoyé et que la figure de l’adolescent réapparaisse. Il ne fut identifié qu’en 2021.

La toile se trouve à présent au Metropolitan Museum of Art qui lui rend toute son importance historique.

La papesse Jeanne

Je ne sais pas pourquoi mais nous avons beaucoup de parlé de « sidération » et d’ « effet de sidération » aujourd’hui à la maison. Alors, ce soir, pendant que je m’adonnais aux joies de l’intertextualité sur internet, je me suis soudainement rappelée une scène réputée avoir « sidéré » le Moyen-Âge.

La voici :

Extrait du Livre des femmes nobles et renommées, traduction anonyme en français du De Claris mulieribus de Giovanni Boccaccio, réalisée en 1403 pour le duc Jean de Berry et conservée à la Bibliothèque Nationale de France.

Le pape met au monde un enfant… Ou plutôt la papesse Jeanne met au monde un enfant.

Selon la légende, Jeanne, une jeune fille née à Mayence au IXe siècle, se serait déguisée en homme et aurait pris le nom de Johannes Anglicus (Jean l’Anglais) pour aller étudier en Angleterre puis à Athènes, patrie de la philosophie. Elle serait ensuite allée à Rome où elle aurait fini par entrer à la Curie, l’administration qui entoure le souverain pontife. Devenue cardinal, elle aurait été élue pape par acclamation populaire, les Romains admirant sa piété et son grand savoir. Hélas, quelques années plus tard, elle aurait accouché en public pendant la procession de la Fête-Dieu. Le peuple, passé sa première sidération, aurait été outré d’avoir été trompé et l’aurait alors lapidée (à moins qu’elle ne soit morte en couches ou simplement déposée comme inapte à assurer davantage ses fonctions pontificales).

Bien sûr, tout cela est faux et Jeanne n’a jamais existé : la liste des papes est bien connue et la légende elle-même comporte de nombreux anachronismes. Il n’y a pas d’université en Angleterre au IXe siècle par exemple. Mais, le personnage, apparu semble-t-il au XIIIe siècle, connut une grande prospérité littéraire, d’abord chez les divers ennemis de la papauté (une institution qui a pu commettre une telle erreur et mettre une femme à sa tête est forcément corrompue et indigne de diriger les Chrétiens, n’est-ce pas 🙂 ), puis chez de nombreux auteurs séduits par le caractère à la fois romanesque et tragique de la vie de la papesse.

Qui était le vrai Arminius ?

Le tome 14 d’Alix senator sort aujourd’hui. Pour l’accompagner, je vous propose une vidéo sur le destin d’Arminius, le jeune garçon que rencontre le sénateur en Germanie. Il a vraiment existé et il est devenu, quelques années plus tard, la terreur des Romains !

Jupiter, Neptune et Pluton

Jupiter, Neptune et Pluton, fresque du Caravage (29 septembre 1571 – 18 juillet 1610). Elle orne le cabinet d’alchimie du cardinal des Monte dans la villa Ludovisi à Rome.

Comme son nom l’indique, la fresque représente les trois fils du titan Cronos: Jupiter le roi des dieux et du ciel, assis sur son aigle, Neptune, le dieu des mers sur son cheval marin, et Pluton, le maître des Enfers avec Cerbère, son chien à trois têtes.

Ils entourent une sphère céleste que Jupiter fait tourner de la main. En regardant bien, on y voit les constellations zodiacales printanières au centre, devant la Terre. En bas, le cercle lumineux est le soleil.

La symbolique alchimique de l’ensemble a suscité diverses interprétations : les dieux seraient des symboles des éléments ou bien des différentes étapes du Grand Œuvre. Je vous laisse en juger 🙂

L’échiquier de Charlemagne

L’échiquier de Charlemagne est une merveille de l’art médiéval. Ça fait un moment que j’avais envie de vous le montrer et de lui consacrer un peu plus qu’un petit texte. Ça tombe bien, je m’essaye de plus en plus à la vidéo.

J’espère que ce petit sujet vous plaira. N’hésitez pas à m’encourager à en faire d’autres en partageant ce statut. Et je lirai bien sûr avec plaisir vos commentaires 🙂

Un petit dieu étrusque dans mon jardin

Photo © Pépinière des Carlines

Ça fait des années que nous plantons des œillets d’Inde dans notre petit jardin de Bayeux et je découvre seulement aujourd’hui que leur espèce porte, en fait, le nom d’un petit dieu étrusque adopté par les Romains. Nos braves œillets sont des « tagètes », des plantes herbacées nommées d’après Tagès, une divinité de l’ancien Latium.

Selon la mythologie, Tagès serait apparu un jour, sans prévenir, dans le sillon creusé par un paysan dans un champ près de Tarquinie, à quelques dizaines de kilomètres au nord-ouest de Rome. Il avait l’apparence d’un enfant mais sa sagesse était celle d’un vieux dieu.

Aussitôt, la rumeur de ce prodige se répandit dans les campagnes et beaucoup accoururent pour le voir. Il leur enseigna alors l’art de la divination et de l’haruspicine, celui de lire l’avenir dans les entrailles des animaux sacrifiés. Hélas, sitôt fini son enseignement, il mourut aussi soudainement qu’il était né. Mais ses paroles avaient porté et ses disciples consignèrent ses conseils et ses visions du futurs dans des livres prophétiques.

Les Romains, puis les Byzantins lui attribuèrent donc plusieurs « libri rituales » qu’ils continuèrent de consulter et de transmettre. Certains extraits sont même parvenus jusqu’à nous cités par différents auteurs.

(Sinon si vous vous demandez pourquoi on parle plus généralement d’ « œillets d’Inde », c’est à cause de la ressemblance des fleurs avec les traditionnels œillets et du fait qu’ils ont été apportés en Europe depuis les Antilles à l’époque où on les appelait encore « Indes occidentales »)

Errances documentaires

Préparer un projet de BD, surtout de BD historique, cela veut dire passer de nombreuses heures à chercher de la documentation. Parfois, cela permet de croiser des images amusantes ou étonnantes. je vous en mets quelques-unes ici que j’ai croisées cet été. Je les ai déjà montrées sur mes réseaux sociaux avec les petits textes joints.

Le Rat de bibliothèque par Carl Spitzweg, vers 1850, musée Georg-Schäfer en Allemagne

 

– En cherchant des exemple de temples funéraires pour Le Gardien du Nil, le nouvel Alix classique que je suis en train d’écrire pour Chrys Millien, je suis tombée sur cette restitution de 1910 du temple funéraire du pharaon Montouhotep II à Deir el Bahari, en Égypte.
Aujourd’hui, on ne croit plus qu’il y avait une pyramide au centre, plutôt une cour intérieure.
Mais ce monument m’a fait penser à la célèbre case du Sphinx d’or où Alix découvre le temple imaginaire d’Efaoud. Décidément, Jacques Martin savait s’inspirer des modèles antiques pour créer des bâtiments encore plus grandioses.

– Quand tu découvres que le bœuf musqué, ce féroce ennemi du loup arctique et de l’ours est… un mouton, enfin presque : un “capriné”, c’est-à-dire un cousin aberrant de la chèvre et du chamois, proche des souches primitives et adapté au climat arctique. Source : wikipedia, photo © Floris Smeets.

– Quand tu cherches des images de pyramides égyptiennes et que tu tombes sur des enfants allemands en train de jouer à construire une pyramide… de billets de banque.
On est en 1923 et le pays connaît une période d’hyperinflation. A titre d’exemple, le dollar, qui s’échangeait autour de 420 marks en juillet 1922, grimpe à 49 000 marks en janvier 1923. Pendant l’année 1923, le cours du dollar par rapport au papiermark augmente ainsi de 5,79 × 10 puissance 10.
Le prix au détail passe de l’indice 1 en 1913 à 750 000 000 000 en novembre 1923 !
Source photo : Three Lions/Getty Images. Source texte : wikipedia.

– En cherchant de la doc sur les dernières théories en cours sur le tombeau de Cléopâtre (jamais retrouvé), je suis tombée sur la momie d’une autre Cléopâtre que je ne résiste pas au plaisir de vous montrer.
Je n’en avais encore jamais vue d’aussi ornée et peinte. Il s’agit donc de la momie de Cléopâtre, une jeune fille de l’aristocratie thébaine du temps de Trajan (empereur de 98 à 117). Les inscriptions précisent qu’elle est morte à l’âge de 17 ans, 1 mois et 25 jours.
Même si son portrait est clairement d’inspiration greco-romaine, de nombreuses divinités égyptiennes ont été représentées sur son linceul : Nout, Isis, Nephtys, Anubis.
Elle est conservée au British Museum.

Soucoupes volantes ou assiettes à tarte ?

Affiche d’un film américain de 1956

C’est le 24 juin 1947 que Kenneth Arnold, un aviateur américain, dit avoir aperçu dans le ciel du mont Rainier (État de Washington), neuf objets volants plats, arrondis et très brillants.

Ils faisaient, selon lui, de 12 à 15 mètres de long et auraient volé à 1 800 km/h, voire plus. Le pilote précisa même sur les ondes de la radio KWRC, deux jours plus tard, que les objets se déplaçaient « comme des oies, formant une chaîne en diagonale comme s’ils étaient attachés l’un à l’autre, en un mouvement sautillant, analogue à celui d’une soucoupe ricochant sur l’eau ».

Mal ou trop rapidement interprétés, ces propos devinrent dans les rapports des journalistes : neufs objets qui ressemblaient à des « soucoupes volantes ». Une nouvelle mythologie était née.

Pendant son interview radiophonique Kenneth Arnold parla aussi d’ « assiettes à tarte » coupées au milieu avec un triangle convexe à l’arrière. Mais si l‘expression fit beaucoup rire à l’époque, elle n’eut pas le même succès que « soucoupes volantes ».

L’affaire fit grand bruit. Le mont Rainier vit très vite défiler une foule de touristes mêlée de journalistes, agents du FBI, du renseignement… Chacun se demandait alors si Kenneth Arnold avait vu des prototypes d’avions américains, russes (c’était le début de la guerre froide) ou bien si l’invasion extraterrestres commençait.

D’ailleurs, n’est-ce pas le 4 juillet 1947 qu’on raconte qu’un ovni s’est écrasé près de Roswell, au Nouveau Mexique ? Simple coïncidence ou ?