A ce jour, plus de 10 000 hectares de forêt ont été dévastés par le feu en Gironde cet été. A titre de comparaison, d’habitude ce sont « seulement » 11 000 hectares qui brûlent en moyenne par an (sur les 16,9 millions d’hectares boisés qui existent en France). Mais ce caractère exceptionnel n’est malheureusement pas une première. Le pire incendie que connut notre pays eut lieu aussi en Gironde, en 1949, pendant un été déjà caniculaire.
Du 19 au 25 août, l’incendie ravagea 52 000 hectares dont 25 000 de forêt landaise et surtout causa la mort de 82 personnes.
A cette époque, les bois de la région étaient peu entretenus et il y avait peu de moyens de lutte contre le feu. Les premiers à intervenir le firent avec… de simples branches de pin. Plus tard, les contre-feux allumés échouèrent tous à limiter le désastre. Le 20 août, le vent soufflait si fort que le feu parcourut jusqu’à 6 000 hectares en 20 minutes. Il s’abattit en tempête sur son front nord et tua 82 des pompiers, militaires, bénévoles et intervenants des Eaux et Forêts sur les 89 qui se trouvaient là. En fin d’après-midi, une pluie de cendres recouvrit Bordeaux. La situation ne redevint contrôlable que quand le vent tomba naturellement. Mais il fallut encore plusieurs jours pour que tous les feux soient maitrisés.
Plus tard, l’enquête révéla que tout était parti de la cabane d’une scierie dont le gardien fumait dans son lit.
Vous le savez nous n’en sommes pas à notre première canicule. La plupart d’entre vous doivent même se souvenir de l’été 2003 qui fit énormément de victimes parmi les personnes âgées. Au total, on enregistra cette année-là plus de 15 000 décès surnuméraires.
Mais d’autres étés furent encore plus meurtriers en France. Celui de 1636 emporta ainsi plus de … 500 000 personnes, ceux de 1718-1719, quelques 700 000. L’essentiel des morts était causé par la dysenterie : par manque d’eau, on se mettait à boire des étendues de liquides plus ou moins croupis qui ne tardaient pas à rendre malade.
Plus près de nous, la canicule qui sévit entre le 5 juillet et le 13 septembre 1911 fit plus de 40 000 victimes. Un quart d’entre elles étaient déjà des personnes âgées. Les autres étaient des enfants, quasiment tous de moins de 2 ans. Les plus frappés étaient ceux des deux extrémités de l’échelle sociale : les enfants abandonnés et les bébés mis en nourrice. Ils étaient nourris au biberon et, cette année-là, une épidémie de fièvre aphteuse causa une pénurie de lait de vache et obligea à leur donner des aliments moins appropriés pour eux. Cela les fragilisa face à l’eau parfois croupie voire franchement polluée qu’on leur fit absorber pour les hydrater pendant les chaleurs.
Cette tragédie frappa les esprits et une vaste politique sanitaire fut mise en place à destination des nourrissons. Mais, comme on le vit en 2003, on oublia un peu vite qu’ils n’avaient pas été les seuls frappés par la canicule intense.
Il y a 400 ans, Molière naissait à Paris. Aujourd’hui son nom est synonyme d’auteur de comédie. Mais avant d’être écrivain, Jean-Baptiste Poquelin fut comédien et avant de s’illustrer dans la farce, il joua des tragédies.
Pierre Mignard, 1658, Musée de la vie romantique, Paris.
Vous le voyez ci-dessus dans le costume de César qu’il porta pour jouer La Mort de Pompée de Corneille.
La même pièce inspira le second tableau que je vous montre : Molière en César servit de modèle à Mars et sa compagne, Madeleine Béjart qui interprétait Cléopâtre devint la belle Vénus.
Pierre Mignard, 1658, musée des Beaux-Arts d’Aix-en-Provence
Le 13 septembre 335 eut lieu la consécration de l’église du Saint-Sépulcre de Jérusalem. Elle se trouve encore de nos jours dans le quartier chrétien de la vieille ville à l’endroit où la tradition veut que le Christ ait été crucifié puis enseveli jusqu’à sa résurrection.
L’église a, bien sûr, été beaucoup modifiée depuis le IVe siècle. Mais je vais vous parler aujourd’hui d’un artefact qui date sans doute du XVIIIe : l’échelle inamovible. Vous pouvez la voir sous une des fenêtres de la façade du bâtiment. Elle figure déjà au même endroit sur une gravure de 1728.
En théorie, rien n’empêche qu’on la déplace. Elle n’a aucun pouvoir magique, elle n’est pas sainte ou sacrée. Mais elle n’a bougé que trois fois brièvement depuis son installation avant d’être très vite remise en place.
Pourquoi ? L’église du Saint-Sépulcre est officiellement gardée par six ordres chrétiens différents et on ne sait plus exactement qui a la charge de la corniche et de la fenêtre sur lesquelles l’échelle est posée. De plus, selon le Statut Quo de 1757 qui régit le lieu saint, aucun membre d’un des ordres ne peut déplacer ou modifier quelque chose sans le consentement des cinq autres.
Comme de tels actes ont parfois conduit à de violentes rixes dans le passé, nul ne veut plus se lancer et retirer l’échelle. En 1964, le pape Paul VI a d’ailleurs pris soin de préciser que l’échelle devrait rester en place jusqu’à que les églises catholiques et orthodoxe soient unies à nouveau.
L’échelle incongrue n’est donc pas prête de quitter la façade de son église.
Saint Barthélémy par Michel-Ange, extrait de la fresque du Jugement dernier dans la Chapelle Sixtine (Rome), réalisée entre 1537 et 1541.
L’apôtre, fêté par les Catholiques le 24 août, tient dans une main un couteau et dans l’autre… sa propre peau.
Ces attributs font référence à son martyr. En effet, selon la tradition chrétienne le malheureux aurait connu la même terrible fin que le satyre Marsyas dont je vous ai raconté l’histoire pendant la fête de la musique. Barthélémy aurait été écorché vif dans une ville d’Arménie qu’il s’efforçait d’évangéliser.
Humour noir involontaire (ou pas), l’Église a ensuite fait de lui le patron des bouchers, des tanneurs et des relieurs.
Un tout grand merci à tous ceux qui m’ont souhaité un bon anniversaire. Cela m’a fait très plaisir.
(Et juste pour vous le mignon cadeau que j’ai reçu hier : le légionnaire Anas Saturninus Plasticus. J’adore son petit pilum et son petit bouclier. Il monte désormais la garde dans mes thermes privés. Heureusement, Milou n’est pas jaloux)
L’Infant Philippe Prosper par Diego Vélasquez (6 juin 1599 – 6 août 1660)
Ou le portrait mélancolique du prince Felipe Próspero José Francisco Domingo Ignacio Antonio Buenaventura Diego Miguel Luis Alfonso Isidro Ramón Víctor de Austria (oui, tout ça), le prince des Asturies, c’est-à-dire le premier fils du roi d’Espagne Philippe IV et de la reine Marianne d’Autriche.
Le garçonnet n’a que deux ans sur cette peinture de 1659. Vélasquez aurait pu le peindre majestueux comme il est convenu de représenter les princes de cette époque quel que soit leur âge. Il aurait pu aussi l’idéaliser, le rendre mignon comme on voudrait que soient tous les bambins. Mais il a écarté ces solutions convenues : le petit prince est bien pâle et on a déjà l’impression que toute la souffrance du monde s’est abattue sur ses épaules. De fait, il est de santé fragile et mourra deux ans plus tard, sans doute d’une crise d’épilepsie.
Comme c’est la fête de la musique et que je suis de bonne humeur, j’ai envie de vous raconter une histoire horrible aujourd’hui. Comme elle était d’abord destinée à FB, je ne l’ai pas illustrée par l’image qu’elle mériterait mais par ce sympathique playmobil du dieu Apollon. Il a l’air gentil comme ça, mais c’est le psychopathe de l’histoire.
Elle ne commence pas avec lui mais avec Marsyas, un satyre de Phrygie, en Asie Mineure (Turquie actuelle) ou plutôt avec Athéna, la déesse grecque de la sagesse. Un jour, elle inventa l’aulos, une sorte de double flute, mais voyant comme elle lui déformait les joues, elle la jeta au loin, déçue.
Marsyas ramassa l’instrument et se mit à en jouer. Il subjugua tous ceux qu’il croisa et bientôt sa réputation de musicien se répandit partout. On commença même à dire qu’il jouait mieux qu’Apollon, le dieu de la musique, lui-même. Marsyas, flatté, laissa dire.
Apollon finit par entendre parler de son rival, et furieux, le défia devant le roi Midas et les Muses. Le vainqueur pourrait faire ce qu’il voudrait du vaincu. Trop sûr de lui, Marsyas accepta.
Midas le désigna comme vainqueur mais les Muses, les divinités des arts, choisirent bien sûr Apollon. Le dieu dota Midas d’oreilles d’âne (!) et condamna Marsyas à… être écorché vif (!) afin que nul après lui n’ose se prétendre meilleur qu’une divinité. La sentence fut exécutée sans pitié et Apollon fit ensuite tanner et transformer en outre la peau du malheureux Marsyas.
Dans l’Antiquité, les touristes pouvaient encore frissonner d’horreur devant elle dans une grotte de Phrygie.
Fils de Zeus, le roi des dieux grecs, et d’une mortelle, le jeune Dionysos, le futur dieu de l’ivresse et de tous ses excès, était menacé par Héra, l’épouse jalouse et délaissée de son père. Elle avait coutume de punir sauvagement toutes ses rivales ainsi que leur progéniture.
Pour protéger le bébé, Zeus le confia à Silène, un satyre, plus connu pour son goût de la musique et de la danse que pour son amour des enfants. Pourtant, Silène s’attacha au petit dieu et devint le modèle du père adoptif protecteur et aimant.
Plus tard, Silène et Dionysos restèrent inséparable : le satyre devenu la personnification de l’ivresse prit la tête du cortège divin. Vieillard burlesque et constamment ivre, il est aussi un personnage toujours de bonne humeur et bienveillant (ceci explique peut-être cela, vous me direz).
Ci-dessous : Silène avec Dionysos enfant. Marbre, copie romaine du milieu du IIe siècle ap. J.-C. d’un original grec (vers 300 av. J.-C.), conservée aux musées du Vatican (Museo Chiaramonti, Braccio Nuovo)
La grande épouse royale de Ramsès II dans le métro parisien, on aura tout vu ! Pourquoi pas un dieu à tête de faucon, aussi ?
Ci-dessous : extrait de « Nefertari », histoire courte réalisée par Raymond Poïvet (17 juin 1910 – 30 août 1999) et parue dans le n°23 de l’Echo des savanes, du deuxième trimestre 1976.