Voilà plusieurs fois que j’entends citer « l’épée de Damoclès » dans les discours politiques ces derniers jours pour désigner une catastrophe menaçant de nous tomber dessus incessamment sous peu.
Vous vous en doutez, cette expression, « l’épée de Damoclès », date de l’Antiquité, de l’Antiquité grecque pour être précise. Mais elle a été popularisée par Cicéron qui s’en est servi dans ses Tusculanes, les discours qu’il a prononcés dans sa cité de Tusculum pour présenter sa philosophie morale. Pour ceux qui ont vu la série « The Good place », Cicéron, était un peu le Chidi des guerres civiles romaines. Il a d’ailleurs beaucoup tergiversé lui aussi, mais c’est une autre histoire.
Revenons à Damoclès et à son épée. Selon la légende, Damoclès était un orfèvre qui vivait dans la cité grecque de Syracuse, en Sicile au IVe siècle avant notre ère. Il était proche du tyran local, Denys l’Ancien, auquel il ne cessait de dire à quel point il avait de la chance d’être le maître absolu de la ville. Denys, à force d’entendre son courtisan lui répéter les mêmes choses, finit par lui proposer de prendre sa place un jour durant pour voir en quoi consistait vraiment la vie d’un tyran. Damoclès accepta.
La journée se passa au mieux et se conclut par un somptueux festin. L’orfèvre était au comble de la joie quand il leva la tête et aperçut une épée suspendue par un unique crin de cheval au-dessus de lui. Elle pouvait tomber et le tuer à tout moment.
Bien sûr, c’était Denys qui l’avait fait accrocher là. Il voulait ainsi montrer à Damoclès que, si un tyran jouissait d’une grande richesse et d’un grand pouvoir, il avait aussi constamment peur d’être assassiné. Il était donc plus angoissé, voire plus malheureux que la plupart des hommes, que ceux en tout cas qui ne recherchaient ni le pouvoir ni la richesse.
On voit bien où Cicéron voulait en venir en racontant cette histoire… Un dernier détail « amusant » : il a rédigé les Tusculanes en 45 avant notre ère, quelques mois avant l’assassinat de Jules César. Le dictateur perpétuel de Rome aurait peut-être dû prendre le temps de lire un peu plus de philosophie morale.
Le cromlech marin de la page 2 du tome 15 d’Alix senator a été inspiré par ceux du petit îlot d’Er Lannic situé juste devant l’île avec le cairn de Gavrini dont je vous ai parlé le mois dernier. Il s’agit de deux demi-cercles de pierre élevés pendant le néolithique, vers 3 500 ans avant notre ère.
Celui situé le plus au sud est constitué, en plus d’un menhir central, de 64 pierres dressées. Il est peu visible de nos jours : il est largement recouvert par l’eau du golfe du Morbihan. Il faut dire que le niveau de la mer est monté de 5 mètres depuis l’époque à laquelle il a été construit.
L’autre hémicycle, toujours visible sur l’île, est fait de 30 dalles de pierre de plus ou moins 4 mètres de haut chacune et de deux menhirs encore plus imposants. Celui du nord devait mesurer dans les 8,20 mètres avant d’être brisé.
Toutes les pierres sont d’origine locale. Certaines comportent des gravures difficiles à interpréter : des traits verticaux parallèles ou encore des formes rappelant celles des haches trouvées sur place dans des coffres funéraires, enterrés à côté d’une profusion de silex, de pointes de flèche, de grattoirs et autres rabots.
A côté des ossements humains, d’autres restes de poissons, de bovidés et cerfs ont été découverts, résultats peut-être de sacrifices réalisés au moment des inhumations.
Dans le post précédent, je vous ai montré la première page du tome 15 d’Alix senator à paraître cet automne. On y voit plusieurs monuments mégalithiques. Le jeune couple se trouve ainsi dans un bâtiment inspiré du cairn de l’île de Gavrinis, dans le golfe du Morbihan.
Il s’agit d’un amas de pierre constitué entre 4 250 et 4 000 avant notre ère pour recouvrir un « dolmen à long couloir et à chambre simple ». Il en existe beaucoup du même genre en Bretagne mais aussi dans les îles britanniques et sur toute la façade occidentale de l’Europe.
Haut de 8 m, le cairn de Gavrinis est légèrement ovale (60 × 54 m). Son couloir intérieur fait plus de 10 m et donne sur une unique petite chambre funéraire quasiment carrée. Avec les moyens de l’époque, il aurait fallu 3 ans à 100 personnes pour le construire !
Mais plus que ses dimensions, c’est la décoration intérieure qui fait de cet endroit un exemple exceptionnel d’art néolithique (et non celte comme on l’a cru longtemps). Les parois verticales du couloir sont ornées de multiples gravures abstraites (arceaux, crosses, zig-zags…) dont on ignore toujours aujourd’hui la signification, si jamais elles en ont eu une.
Ces « dessins bizarres » comme disait Prosper Mérimée, ont donc donné lieu à de multiples hypothèses plus ou moins ésotériques. Ils méritaient bien leur place dans un cycle fictionnel sur l’Atlantide.
En 1837, Frederick Frey, un banquier de la Nouvelle Orléans d’origine allemande, demanda au peintre Jacques Amans de faire le portrait de ses trois enfants Léontine, Elizabeth et Frederick Jr avec leur esclave, le jeune Bélizaire.
Celui-ci avait été acheté à l’âge de 6 ans avec sa mère, Sally, qui devint la cuisinière des Frey. On ignore qui était son père. En 1856, Bélizaire fut revendu pour 1 200 $ à un planteur de canne dont il devint, à son tour, le serviteur et le cuisinier. On perd sa trace cinq ans plus tard, au début de la guerre de Sécession. On ne sait s’il vit l’abolition de l’esclavage en 1865.
Si je vous en parle aujourd’hui, c’est, parce qu’au-delà de son destin, tragiquement représentatif de son époque, Bélizaire est à peu près le seul esclave, clairement identifié, dont le portrait soit parvenu jusqu’à nous. Et encore, cela faillit bien ne pas arriver.
Le tableau resta longtemps dans la famille de la femme de Frederick Frey. A une date inconnue, des repeints furent ajoutés sur le jeune esclave et le firent disparaître. Seule une ombre marquait encore sa silhouette. On ne sait pas si les propriétaires d’alors avaient honte que leurs parents aient été esclavagistes ou, au contraire, avait honte que leurs parents aient été représentés avec Bélizaire.
Quoi qu’il en soit, il fallut attendre 2005 pour que le tableau, revendus plusieurs fois, soit nettoyé et que la figure de l’adolescent réapparaisse. Il ne fut identifié qu’en 2021.
La toile se trouve à présent au Metropolitan Museum of Art qui lui rend toute son importance historique.
Je ne sais pas pourquoi mais nous avons beaucoup de parlé de « sidération » et d’ « effet de sidération » aujourd’hui à la maison. Alors, ce soir, pendant que je m’adonnais aux joies de l’intertextualité sur internet, je me suis soudainement rappelée une scène réputée avoir « sidéré » le Moyen-Âge.
La voici :
Le pape met au monde un enfant… Ou plutôt la papesse Jeanne met au monde un enfant.
Selon la légende, Jeanne, une jeune fille née à Mayence au IXe siècle, se serait déguisée en homme et aurait pris le nom de Johannes Anglicus (Jean l’Anglais) pour aller étudier en Angleterre puis à Athènes, patrie de la philosophie. Elle serait ensuite allée à Rome où elle aurait fini par entrer à la Curie, l’administration qui entoure le souverain pontife. Devenue cardinal, elle aurait été élue pape par acclamation populaire, les Romains admirant sa piété et son grand savoir. Hélas, quelques années plus tard, elle aurait accouché en public pendant la procession de la Fête-Dieu. Le peuple, passé sa première sidération, aurait été outré d’avoir été trompé et l’aurait alors lapidée (à moins qu’elle ne soit morte en couches ou simplement déposée comme inapte à assurer davantage ses fonctions pontificales).
Bien sûr, tout cela est faux et Jeanne n’a jamais existé : la liste des papes est bien connue et la légende elle-même comporte de nombreux anachronismes. Il n’y a pas d’université en Angleterre au IXe siècle par exemple. Mais, le personnage, apparu semble-t-il au XIIIe siècle, connut une grande prospérité littéraire, d’abord chez les divers ennemis de la papauté (une institution qui a pu commettre une telle erreur et mettre une femme à sa tête est forcément corrompue et indigne de diriger les Chrétiens, n’est-ce pas 🙂 ), puis chez de nombreux auteurs séduits par le caractère à la fois romanesque et tragique de la vie de la papesse.
Le tome 14 d’Alix senator sort aujourd’hui. Pour l’accompagner, je vous propose une vidéo sur le destin d’Arminius, le jeune garçon que rencontre le sénateur en Germanie. Il a vraiment existé et il est devenu, quelques années plus tard, la terreur des Romains !
Jupiter, Neptune et Pluton, fresque du Caravage (29 septembre 1571 – 18 juillet 1610). Elle orne le cabinet d’alchimie du cardinal des Monte dans la villa Ludovisi à Rome.
Comme son nom l’indique, la fresque représente les trois fils du titan Cronos: Jupiter le roi des dieux et du ciel, assis sur son aigle, Neptune, le dieu des mers sur son cheval marin, et Pluton, le maître des Enfers avec Cerbère, son chien à trois têtes.
Ils entourent une sphère céleste que Jupiter fait tourner de la main. En regardant bien, on y voit les constellations zodiacales printanières au centre, devant la Terre. En bas, le cercle lumineux est le soleil.
La symbolique alchimique de l’ensemble a suscité diverses interprétations : les dieux seraient des symboles des éléments ou bien des différentes étapes du Grand Œuvre. Je vous laisse en juger 🙂
L’échiquier de Charlemagne est une merveille de l’art médiéval. Ça fait un moment que j’avais envie de vous le montrer et de lui consacrer un peu plus qu’un petit texte. Ça tombe bien, je m’essaye de plus en plus à la vidéo.
J’espère que ce petit sujet vous plaira. N’hésitez pas à m’encourager à en faire d’autres en partageant ce statut. Et je lirai bien sûr avec plaisir vos commentaires 🙂
De passage à Paris, j’en ai profité pour aller visiter la grande Galerie de l’Évolution que je ne connaissais qu’en photos. J’y ai passé un très bon moment. Bâtiment et collections sont superbes. Je vous mets quelques images pour vous donner envie d’y aller aussi :