Voici La Fiancée de Bélus, un tableau peint par Henri Paul Motte en 1885, conservé au Musée d’Orsay.
On y voit une jeune fille nue, assise sur les genoux d’une inquiétante statue géante au cœur d’un sanctuaire obscur. Le visage de la divinité assise évoque celui des taureaux ailés de Khorsabad mais elle est censée être un dieu babylonien : Bel, Belus en latin, et, souvent, Baal pour nous.
En fait, « Baal » veut simplement dire « seigneur » et se retrouvait dans le nom de nombreux dieux de Mésopotamie : Baal Moloch, par exemple. Vous savez, le terrible dieu dévoreur d’enfants de la Salammbô de Gustave Flaubert qu’on rencontre aussi dans les pages du Spectre de Carthage ou du Tombeau étrusque de Jacques Martin. Ceux qui regardaient La Fiancée à la fin du XIXe siècle ne pouvaient manquer de penser en frémissant à ce terrible rituel et en imaginant que la jeune fille allait connaître, elle aussi, un sort funeste. Allait-elle mourir dévorée par les lions ?
Pourtant, les sacrifices d’enfants à Moloch n’ont peut-être jamais existé (en tout cas, on n’en a jamais trouvé de trace certaine jusqu’à maintenant et le débat reste vif). Le rituel qui a inspiré Henri Paul Motte est lui une pure invention : tous les soirs, on offrait à Bel une reine de beauté qui passait la nuit sur ses genoux. Le peintre pensait s’inspirer de l’historien grec Hérodote mais sa source était en fait une citation apocryphe.
On le voit, la Mésopotamie et les divinités orientales, mal connues au XIXe siècle, étaient alors de grands objets de fantasmes basés sur une image négative de l’Orient censé être moins civilisé que l’Occident, plus cruel et d’une sensualité plus débridée.