Comme c’est la fête des pères ce week-end et que je suis d’humeur caustique aujourd’hui, je vous montre ce terrible Saturne, père de Jupiter, dévore un de ses fils peint par Peter Paul Rubens entre 1636 et 1638 et conservé au Musée du Prado.
Saturne, père de Jupiter, dévore un de ses fils par Peter Paul Rubens, vers 1636- 1638, Musée du Prado
C’est une représentation assez classique du mythe gréco-romain. Saturne, le Cronos des Grecs, était le roi des Titans. Il avait détrôné son père Uranus, le Ciel, qui régnait avant lui. Mais il savait qu’un jour, un de ses propres fils prendrait sa place.
Pour éviter cela, il ordonna à son épouse, Cybèle, de lui livrer tous ses enfants, dès leur naissance, pour qu’il les dévore. Elle obéit jusqu’au jour où elle accoucha du petit Jupiter. Elle réussit à le cacher et offrit à sa place à son horrible mari une pierre qu’il dévora aussitôt.
On connait la suite. Jupiter grandit. Il parvint effectivement à renverser son père et lui fit régurgiter ses frères et sœurs. Une nouvelle génération de dieux pouvait s’installer dans l’Olympe. Et son nouveau roi prit bien garde, lui, à n’engendrer aucun fils plus puissant ou plus malin que lui…
Et pour avoir une vision gréco-romaine plus sympathique de la paternité : Silène et Dionysos
Tanis n’est pas seulement le nom de l’héroïne que j’ai créée avec Stéphane Perger et Denis Bajram, c’est aussi et surtout le nom grec d’une très ancienne cité de l’est du delta du Nil.
Vous en avez tous déjà entendu parler : c’est là qu’Indiana Jones découvre l’arche d’alliance dans le premier volet de ses aventures. Mais la ville n’a pas été redécouverte par les Nazis, mais bien avant : dès le premier quart du XVIIIe siècle. Elle est d’ailleurs étudiée depuis la fameuse expédition d’Égypte de Bonaparte.
Elle a été fondée au XIe siècle avant notre ère alors que le pays du Nil était divisé entre la Haute Égypte contrôlée par les prêtres d’Amon, le dieu souverain à tête de bélier, et la Basse Égypte des rois de la XXIe dynastie. Ce sont eux qui fondèrent Tanis. La cité resta très active jusqu’à l’arrivée de Romains au Ier siècle avant notre ère et ne fut abandonnée que plusieurs siècles plus tard, peut-être après un grand tremblement de terre.
Tanis fut copiée sur Thèbe, la capitale de la Haute Égypte et consacrée à la triade divine Amon, Mout, sa compagne, et Khonsou, le dieu lunaire (si vous lisez des comics, oui, c’est bien ce Khonsou-là). Leurs immenses aires sacrées se situaient au nord de la cité qui s’étendait sur plus de 200 ha.
Elle était aussi par une belle nécropole royale où fut découvert le trésor royal le plus important après celui de Toutânkhamon.
Malheureusement, les bâtiments de pierre furent détruits à la fin de l’Antiquité. Ils servirent de carrières et beaucoup finirent dans les fours à chaux des artisans locaux. Seuls restent aujourd’hui les éléments de pierre dure (granit, quartzite…) : obélisque, colosses, stèles… qui gisent en un amoncellement chaotique sur le site.
C’est officiel, Tanis, la série dessinée par Stéphane Perger que je co-scénarise avec Denis Bajram revient déjà dans le journal Spirou. Vous pourrez y lire les premières pages du tome 2, Le Démon de la mer Morte, dans une semaine, le 18 juin.
Pour vous mettre en appétit, voici la petite interview parue dans le journal cette semaine :
La rencontre de Titus et des jeunes Bretonnes se poursuit cette semaine avec la page 7 du tome 16 d’Alix senator, L’Atlantide. Et on dirait bien que le mystère s’épaissit encore…
Les dessins sont toujours de Thierry Démarez et les couleurs de Jean-Jacques Chagnaud. L’album sortira le 27 août prochain aux éditions Casterman.
Voici les différentes étapes de réalisation de la planche :
Je suis passée récemment en librairie pour découvrir les nouveautés. J’ai commencé à regarder les albums, à feuilleter… Je me suis arrêtée sur l’un d’eux. J’avais un bon a priori sur son auteur, dont j’avais déjà lu quelques livres. J’étais plutôt attirée par le thème de son nouvel album ainsi que son dessin et le début de narration entrevue au feuilletage. Il aurait fallu que je l’achète pour savoir si mon attirance était justifiée (ou pas).
Le souci, c’est qu’en regardant de plus près, j’ai remarqué que l’album, de plus de 100 pages, coutait presque 30€. J’aurais pu l’acheter, j’ai le budget pour ça. Mais je l’ai reposé.
Pourquoi ? Parce que j’ai trouvé exagéré de payer une telle somme pour une BD qui me décevrait peut-être (ou peut-être pas). Je vais donc attendre d’avoir des retours critiques de personnes de confiance pour savoir si je me décide ou pas… en espérant que ces personnes de confiance ne vont pas le reposer comme moi.
Maintenant, je ne peux m’empêcher de me demander combien de lecteurs potentiels font comme moi et commencent à trouver les prix des BD excessifs pour tenter de nouvelles expériences, découvrir de nouveaux auteurs ou de nouveaux récits. Les études du CNL nous disent que le nombre de lecteurs baisse en continue. Mais combien de lecteurs perdons-nous, en ce moment-même, à jouer le jeu de l’album toujours plus gros, toujours plus cher ?
La belle déesse Junon dont je vous parlais hier avait son temple sur la colline du Capitole à Rome, à côté de celui de Jupiter. Il était célèbre pour abriter des oiseaux consacrés à la déesse, pas des paons, mais des oies. Moins jolies mais plus utiles, elles sont restées célèbres car la légende veut qu’elles aient empêché leur ville de tomber totalement aux mains des Gaulois en 390 avant notre ère.
Ceux-ci occupaient alors le nord de l’Italie actuelle et avaient bien l’intention de prendre le reste. Leur expédition fut couronnée par la victoire de l’Allia au cours de laquelle ils écrasèrent l’armée romaine en juillet 390. Quelques jours plus tard, ils mettaient le siège devant Rome. Beaucoup de citoyens fuirent la ville. Ceux qui voulurent résister se réfugièrent sur le Capitole. Leur situation était désespérée. Ils manquaient de tout, y compris de nourriture. Pourtant, ils ne mangèrent pas les oies sacrées de Junon.
Paul-Henri Motte, Les Oies du Capitole, 1889.
Incapables de lancer eux-mêmes une contre-attaque, ils attendaient des renforts extérieurs. Une nuit, un soldat du général en exil Marcus Furius Camillus parvint à franchir les lignes gauloises pour leur apporter un message réconfortant : son chef avait rassemblé une nouvelle armée et s’apprêtait à marcher sur Rome pour la délivrer. Mais, Cominius Pontius, c’était le nom du soldat, avait réussi à monter au Capitole en nageant dans le Tibre et en escaladant des rochers accessibles. Des sentinelles gauloises repérèrent les traces humides qu’il avait laissé derrière lui et les envahisseurs décidèrent de suivre le même chemin, la nuit suivante, pour prendre les défenseurs romains par surprise.
Les oies sauvent le Capitole romain des envahisseurs gaulois, de ‘Le Bon Sens Populaire’, c.1900 · Alexandre Grellet
C’est là que les oies interviennent. Réveillées par les Gaulois, elles se mirent à caqueter frénétiquement et avertirent les soldats attaqués de ce qui se passait. Le vétéran Marcus Manlius réagit tout de suite et, avec ses hommes, repoussa dans le vide les premiers Gaulois imprudents. Les autres préfèrent se retirer. Camillus et son armée arrivèrent peu de temps après et libérèrent entièrement Rome.
Les habitants n’oublièrent pas ce qu’ils devaient aux oies de Junon. Tous les ans une cérémonie était organisée en leur honneur. On portait l’une d’elles en procession dans la ville en sacrifiant des chiens sur son passage, chiens qui avaient manqué, eux, à leur devoir de vigilance et n’avaient pas prévenu leurs maîtres de la menace nocturne.
Le nom du mois de « juin » viendrait de celui de la déesse Junon, selon le poète latin Ovide. C’est l’occasion pour moi de vous montrer cette aquarelle réalisée par Gustave Moreau en 1881 : Le Paon se plaignant à Junon.
Elle illustre de manière onirique la fable de La Fontaine éponyme (voir texte plus bas). La déesse est une jeune femme séduisante, loin de l’image d’épouse acariâtre de Jupiter qu’on trouve souvent dans la mythologie romaine. D’ailleurs, on a l’aigle du roi des dieux qui surveille discrètement Junon depuis le coin haut gauche du tableau. C’est lui qui est jaloux, pas elle. Junon est donc séduisante mais sans être sombre ou violente, sans être la « femme fatale », chère habituellement au mouvement symboliste, particulièrement misogyne dans un siècle qui l’est déjà beaucoup.
La déesse, au front orné d’une étoile comme toute divinité céleste qui se respecte, trône nonchalamment au-dessus de la terre qui apparaît entre les nuages. Un sceptre à la main, elle semble écouter ce que lui dit le paon qui fait la roue à côté d’elle. Cet oiseau lui traditionnellement associé. Toujours selon Ovide, il lui doit son magnifique plumage. Junon aurait pris les cent yeux du géant Argus, mort à son service, pour les disposer sur les ailes de son animal favori, tels des joyaux.
Mais, nous dit La Fontaine, ce cadeau ne suffit pas au paon qui vient se plaindre de chanter moins bien que le rossignol (qu’on aperçoit à droite, sous la main de la déesse). Vous le devinez, cela va énerver Junon qui menacera son favori de lui reprendre son cadeau.
La reine des dieux peut être gentille, mais il ne faut quand même pas exagérer…
Pour les curieux, voici la fable de La Fontaine illustrée par Gustave Moreau :
Le Paon se plaignait à Junon.
” Déesse, disait-il, ce n’est pas sans raison
Que je me plains, que je murmure :
Le chant dont vous m’avez fait don
Déplaît à toute la nature ;
Au lieu qu’un Rossignol, chétive créature,
Forme des sons aussi doux qu’éclatants,
Est lui seul l’honneur du printemps. ”
Junon répondit en colère :
” Oiseau jaloux, et qui devrais te taire,
Est-ce à toi d’envier la voix du Rossignol,
Toi que l’on voit porter à l’entour de ton col
Un arc-en-ciel nué de cent sortes de soies ;
Qui te panades, qui déploies
Une si riche queue, et qui semble à nos yeux
La boutique d’un lapidaire ?
Est-il quelque oiseau sous les cieux
Plus que toi capable de plaire ?
Tout animal n’a pas toutes propriétés.
Nous vous avons donné diverses qualités :
Les uns ont la grandeur et la force en partage :
Le Faucon est léger, l’Aigle plein de courage ;
Le Corbeau sert pour le présage ;
La Corneille avertit des malheurs à venir ;
Tous sont contents de leur ramage.
Cesse donc de te plaindre, ou bien pour te punir
Je t’ôterai ton plumage.
L’Etna, le volcan sicilien, a connu une spectaculaire éruption ce début de semaine. Il a craché une énorme colonne de fumée et de cendres, heureusement sans danger. Cette montagne est le plus haut volcan actif d’Europe et l’un des plus actifs du monde.
Déjà dans l’Antiquité, il impressionnait beaucoup ceux qui l’approchaient. Une légende raconte que le philosophe Empédocle se serait jeté dans la lave bouillonnante pour y être totalement consumé et disparaître ainsi de la surface de la terre. Il n’aurait laissé que ses sandales sur le bord du cratère pour que chacun sache ce qui lui était arrivé.
Pallas (Athéna) et Encelade, plat attique à figures rouges, vers 525 av. J.-C., musée du Louvre.
Ceux qui préféraient les mythes à la philosophie, racontaient plutôt que l’origine de l’Etna se trouvait dans la punition infligée par Athéna et au géant Encelade. Celui-ci aurait promis d’aider les dieux dans leur combat contre les Titans alors que Zeus cherchait à détrôner son père, Cronos. Mais Encelade prit la fuite pendant la bataille et Athéna l’emprisonna sous la Sicile. Les tremblements de terre, fréquents dans l’île, sont dus à ses mouvements et les coulées de lave à son haleine enflammée.
Zeus dardant son foudre sur Typhon, hydrie à figures noires, v. 550 av. J.-C., Collection des Antiquités de l’État bavarois.
Il ne resta pas longtemps seul : Typhon, le monstre géant aux ailes d’aigle et aux cent têtes de dragons, le rejoignit bientôt sous l’Etna. Zeus l’aurait précipité là car il aurait voulu s’emparer de l’Olympe, épouser Héra, la femme du roi des dieux, et faire des autres divinités ses esclaves après avoir rétabli le pouvoir des Titans de Cronos tout juste vaincus.
Peut-être ces monstres sont-ils toujours là et mûrissent-ils ensemble leur terrible vengeance. Je trouve stimulant en tout cas d’imaginer qu’ils essaient parfois de s’évader, comme en 1669. Cette année-là, eut lieu l’éruption la plus importante des temps historiques. En février, des séismes firent trembler le flanc sud de l’Etna et le 11 mars s’y ouvrit une large fissure longue de 12 km d’où jaillit la lave. Elle engloutit plusieurs villages et détruisit même une partie de la ville de Catane, sans faire de victime.
Nous sommes début juin et j’ai décidé de renouer avec le plaisir de vous montrer le folio correspondant à ce mois dans les Très Riches Heures du duc de Berry.
Un livre d’heures est un ouvrage permettant à son propriétaire de connaître les différentes prières chrétiennes quotidiennes. Il comprend aussi souvent un calendrier avec tous les rites et cérémonies annuels.
Jean de Berry (1340 – 1416) commanda les très riches illustrations du sien aux frères Paul, Jean et Herman de Limbourg vers 1410-1411. Inachevé à leur mort à tous, il ne fut terminé que vers 1485-1486.
R.M.N. / R.-G. Ojéda
Le folio correspondant au mois de juin représente les travaux des champs de la fin du printemps près de Paris. Deux femmes mettent le foin en meulons pour le faire sécher avant son ramassage tandis que des hommes fauchent l’herbe un peu plus loin. Leur champ se trouve au bord de la Seine. Sur la rive en face, on découvre le magnifique palais de l’île de la Cité où demeure l’administration royale de l’époque avec, tout à droite la Sainte-Chapelle.
Si certains d’entre vous s’intéressent à ce qui se passe dans le ciel de la miniature, j’en ai parlé ici : les Très Riches Heures de septembre
Et, pour retrouver le reste des pages de ce site concernant les Très Riches Heures :
Le sénateur Alix et les siens continuent de découvrir la Bretagne cette semaine avec Titus qui rencontre de jeunes habitantes de la région de Stonehenge, page 6 du tome 16, L‘Atlantide.
Voici un petit making of de la planche. Les dessins sont de Thierry Démarez et les couleurs de Jean-Jacques Chagnaud.
L’album sortira le 27 août prochain aux éditions Casterman.
Et pour lire les six premières pages dans la continuité :