23 août 1942. Après une attaque massive de l’aviation nazie

Mystère de la recherche documentaire en ligne. En cherchant des images pour le cahier supplémentaire de l’édition premium du tome 16 d’Alix senator sur les Romains et la mer, je suis tombée sur cette étrange photo à la fois absurde et anxiogène, comme la vision d’une Alice au pays des merveilles post-apocalyptique.

Elle s’intitule 23 août 1942. Après une attaque massive de l’aviation nazie et a été prise par le photographe russe Emmanuel Noevich Evzerikhin. Elle représente la fontaine Danse ronde des enfants qui se trouvait sur la place de la gare de Stalingrad, fontaine créée par Olga Kudryavtseva en 1935.

La minute complotiste : et si l’Apocalypse, c’était pour demain

La mort du pape François est l’occasion de voir remonter à la surface du web un vieux texte ésotérique qui fait couler l’encre des férus d’eschatologie depuis 500 ans : la prophétie de saint Malachie. Selon elle, nous serions au bord de l’Apocalypse et il resterait à l’humanité tout au plus quelques mois ou un an.

Concrètement, la prophétie est un texte « découvert » à la fin du XVIe siècle par le moine Arnold Wion et attribué par celui-ci à Malachie d’Armagh, évêque d’Irlande dans la première moitié du XIIe siècle. Elle consiste en une liste de 112 devises censées représenter les papes depuis Célestin V (1113-1114) jusqu’au dernier successeur de saint Pierre.

Ce 112è pontife est le pape François. La devise qui lui est attribuée dans la prophétie est, traduite du latin, “Dans la dernière persécution de la sainte Église romaine siégera Pierre le Romain qui fera paître ses brebis à travers de nombreuses tribulations. Celles-ci terminées, la cité aux sept collines sera détruite, et le Juge redoutable jugera son peuple.” Bon, François ne s’appelle pas Pierre et il n’est pas né à Rome, mais on ne va pas chipoter. Et, après lui, ce sera donc le Jugement dernier, l’Apocalypse, la fin des temps…

Il va sans dire que cette prophétie a été très vite considérée comme un faux. Personne n’en a entendu parler entre sa soi-disant rédaction et sa découverte par Arnold Wion. De plus, les devises concernant des temps postérieurs à ce dernier sont souvent suffisamment floues pour pouvoir s’appliquer à tout le monde et à n’importe qui ou presque. Pourtant, la prophétie a connu un retour en grâce aux XIXe et XXe et je viens encore de voir plusieurs sites d’informations en faire mention plus ou moins sérieusement…

Alix senator 16 premium : “Les Romains et la mer”

C’est mardi, c’est scenarii… et pages historiques.
Parallèlement aux récits que je vous concocte, j’écris en ce moment le cahier premium qui va accompagner le tome 16 d’ Alix Senator, L’Atlantide : Les Romains et le mer, mythes et réalités. Vous pourrez retrouver l’édition premium en même temps que la classique fin août prochain.

En attendant, je vous montre cette belle mosaïque retrouvée à Sousses, dans l’est de la Tunisie actuelle. Elle date du milieu du IIe siècle de notre ère et représente le grand dieu Océan.

Seule sa tête est visible car son corps est constitué de l’immensité des eaux qui entourent les terres des hommes, eaux qui s’écoulent aussi de sa bouche. Sa barbe et ses cheveux sont hirsutes car Océan n’est pas un dieu civilisé: il fait plutôt partie de la Nature sauvage. D’ailleurs, de nombreuses pattes de homards sortent de sa tête, comme des cornes ornent les cranes de certains dieux terrestres. Il a gardé un côté animal indompté, comme le savent bien tous les marins qui osent, dans l’Antiquité, s’aventurer dans ses vagues souvent très dangereuses.

Alix senator 18 : début du scénario à Jérusalem

Le tome 18 d’Alix Senator ayant été validé par le Comité Martin, je vais pouvoir avancer le scénario de l’album et Thierry Démarez se mettre au story-board. Une nouvelle aventure commence. Pour fêter ça, je vous montre ce magnifique plan idéalisé de la ville de Jérusalem où vont débuter les futures aventures du sénateur.

Bon, il ne date pas de l’Antiquité, mais du Moyen-Âge… Il a été réalisé vers 1170 à La Haye et ornait un psautier, un recueil de psaumes, des poèmes religieux présents dans la Bible.

Vous voyez qu’on n’a pas cherché à rendre la géographie réelle de la ville mais qu’on l’a dessinée de manière symbolique : c’est un cercle parcouru par d’une croix où se trouvent rassemblés de grands monuments ornés d’une croix eux aussi, c’est-à-dire les principaux lieux liés à la vie du Christ. On cherche ainsi à éliminer toutes traces d’une identité autre que chrétienne (sauf exception comme le Temple de Salomon). Juifs et musulmans ont quasiment disparu de la cité.

Il faut dire qu’on est en pleine période des croisades : la ville a été conquise par les chevaliers lors de la première croisade en 1099 et va rester la capitale d’un royaume chrétien jusqu’en 1187 au moment de sa prise par le célèbre sultan Saladin.

Narration : une page d’Alinoë, le tome 8 de Thorgal

Christophe Bec termine ces jours-ci notre Thorgal Saga. Cela m’a donné envie de refeuilleter une énième fois les albums de Jean Van Hamme et Grzegorz Rosinski.

Je suis donc retombée sur cette page 40 d’Alinoë, le tome 8 de la série. Dans cet album, Aaricia et Jolan, restés seuls sur leur île (oui, c’est un album quasiment sans Thorgal !), affrontent un étrange garçon aux cheveux verts, Alinoë. Je ne vous spoilerai pas le fin mot de l’histoire mais j’espère que ce post vous donnera envie de la lire.

Voici donc la page 40. C’est le début de l’affrontement final entre Aaricia et Alinoë et, visiblement, c’est mal parti pour la mère de Jolan. Comme dans toutes les bonnes histoires d’horreur des années 80 (d’horreur tout public ici ), il faut que les héros passent par une phase désespérée avant de remporter la victoire finale sur les monstres qui les attaquent. Mais, ici, les auteurs ne se sont pas contentés de raconter leur histoire en mettant bout à bout leurs cases : ils ont aussi donné une dimension esthétique à leur page, dimension qui vient renforcer la puissance de ce qu’ils racontent et des émotions qu’ils veulent faire partager.

La page est divisée en 3 strips et 5 cases, symétrisés autour d’une diagonale allant du coin en haut à droite au coin en bas à gauche. La case 5 est l’écho de la 1 et la 4 de la 2. Autour de cette diagonale, on retrouve 3 fois Aaricia dans une position de plus en plus difficile. Parallèlement, les plans serrés alternent avec les plans larges. Tout cela participe à montrer le côté sans issue de la situation. Non seulement le danger se rapproche d’Aaricia, mais, en plus, elle n’a pas d’endroit où fuir. Elle est totalement encerclée. Elle est prisonnière de la page comme d’Alinoë.

À ce titre, la dernière case avec Jolan est une rupture avec le reste de la planche. Pourtant, les auteurs ont réussi à en faire un subtil rappel : Jolan est encerclé par les eaux comme sa mère l’est par ses ennemis. Mais l’effet de rupture reste dominant et il est, lui aussi, significatif : c’est de Jolan que viendra le salut d’Aaricia, c’est lui qui lui permettra finalement d’échapper à l’emprise d’Alinoë et de se sauver.

Narration : une page de Kogaratsu

Hier, l’envahissement de mon fil FB par des photos de Marc Michetz m’a appris sa mort. Je ne le connaissais pas personnellement mais j’avais lu, il y a quelques années, et beaucoup apprécié la série Kogaratsu qu’il avait réalisée avec Bosse au scénario.

Elle avait commencé en 1983, bien avant la grande mode du manga, 20 ans même avant la traduction du Lone wolf and Cub de Kazuo Koike et Goseki Kojima en français. Comme Ogami Itto, le loup solitaire, Nakamura Kogaratsu est un samouraï qui perd son maître et erre en rônin sur les routes du Japon du XVIIe siècle.

Je vous montre ici une page de l’histoire courte Le Pont de nulle part dessinée en 1988 et publiée en album 3 ans plus tard. Contrairement à la page de d’Astérix que je vous ai présentée il y a quelques temps où il n’y avait que des bulles et pas dessin (voir ici ), ici, on a une page illustrée mais complètement muette. La narration BD peut tout à fait se passer de cartouche et de dialogues pour transmettre un message.

La page se divise en 2 partie égales. La première est une seule grande case qui nous décrit la situation de départ : Kogaratsu, de face à l’arrière-plan, découvre un combattant qui tourne le dos au lecteur et semble bizarrement attendre devant un pont détruit, qui ne mène nulle part. Un homme très mystérieux donc. Michetz a dessiné ces deux samouraïs au milieu d’un site très riche et très évocateur du Japon où la ruine le dispute en élégance à la nature qui l’entoure (rochers, arbres, ciel).

Ce décor posé, il n’y a plus besoin d’y revenir ensuite. Michetz peut se concentrer sur ses personnages. La deuxième partie de la page se concentre sur leurs regards. Ils se jaugent, sans un mot, avant de s’affronter. Mais, si au centre on a deux petites cases avec les yeux de chacun des adversaires, le reste des cases qui les entourent est consacrée à ce que regarde Kogaratsu : le visage fermé de son futur opposant, ses armes et finalement, son étendard. Celui-ci pourrait briser le silence de la page mais l’inscription qu’il porte est en japonais, c’est-à-dire que lecteur ne la comprendra sans doute pas. Elle ne lui dira rien et restera un accessoire décoratif. Il faudra attendre la page suivante pour apprendre qu’elle est une invitation à combattre son propriétaire.

Cette deuxième partie aurait pu être construite sur de parfaits effets de symétrie, mais cela l’aurait sans doute rendue très figée. Au lieu de cela, Michetz a mis en écho les cases avec le sabre et l’étendard avec deux petites cases au lieu d’une seule. Il a également décalé les yeux des deux hommes vers la gauche et les a placés légèrement par-dessus les autres cases. C’est cela qui donne de la vie à l’ensemble et rend plus intense le duel de regard.

Et ne pensez pas qu’on soit ici dans un effet cinématographique : c’est purement de la Bande Dessinée.

Tintin avant Tintin

En 1898, paraissait le premier album des aventures de Tintin ou plutôt de Tintin-Lutin.
Il s’agissait d’un recueil d’histoires courtes pour enfants créées par Benjamin Rabier et Fred Isly. Elles racontaient les bêtises et les tours joués à son entourage par un jeune garçon surnommé Tintin-Lutin.
Pourquoi ? L’introduction du livre nous répond :
“Ça ! c’est Tintin, oui, c’est Tintin-Lutin,
De son vrai nom il s’appelle Martin,
Mais sa maman lui donna ce surnom :
Car c’était un véritable démon,
Un diablotin remuant et peu sage ;
Du reste, ça se lit sur son visage.”
Bref, un caractère à l’opposé de celui du héros d’Hergé qui n’a jamais caché son admiration pour Benjamin Rabier ni l’influence qu’il eut sur lui.

Comment naissent les idées ?

On m’a souvent posé cette question et j’ai toujours eu beaucoup de mal à répondre de manière synthétique. Heureusement, maintenant je pourrai citer l’excellente série Mad Men que je regarde à nouveau en ce moment.

On est dans les années 60, chez Sterling Cooper, une agence de publicité new-yorkaise. Peggy, une jeune secrétaire, parvient à se faire remarquer et à devenir rédactrice publicitaire, chose quasiment impossible vu le sexisme de l’époque bien mis en avant dans la série. A l’annonce de sa promotion, elle a un moment de flottement et semble perdre sa confiance en elle.

Son chef, le directeur créatif Donald Draper, lui donne alors ce conseil qu’on pourrait donner aussi à tout scénariste/écrivain commençant un projet sur un nouveau sujet : “Immergez-vous dedans, et puis oubliez-le et pouf ! L’idée surgira”.

Je cite de mémoire, mais j’ai souvent fait l’expérience de me plonger dans un sujet, de tourner en rond pendant des heures autour de ses thématiques, de ne rien trouver et de décider, déçue et énervée, de passer à autre chose… Et c’est quelques heures plus tard, pendant que je réaligne mes Playmobils sur leur étagère ou bien que je me brosse les dents, que j’ai enfin une idée, voire un vrai début de récit.

Ouf… Enfin, après il faut écrire une vraie intrigue, mais c’est une autre histoire.

Narration : Vagabond des limbes et mise en abyme

Le scénariste Christian Godard nous a quittés la semaine dernière. Parmi toutes ses nombreuses séries, j’ai toujours eu un faible pour Le Vagabond des limbes qui commence à paraître en 1975.

Dans ce long récit de science-fiction pour le moins déjanté, Axle Munshine parcourt l’univers en quête du bonheur, accompagné de son « petit clown » préféré, Musky, l’ado éternel à la recherche d’un adulte qui lui donnerait envie de grandir.

Les idées narratives et visuelles sont très nombreuses dans la série et c’est dur de ne vous montrer qu’une seule page. Dans celle qui se trouve ci-dessous, la planche 28 du tome 1, Axle découvre ce qui le fascine chez une jeune femme vue en rêve : elle lit une bande dessinée… celle même que le lecteur tient en main ! Rejoindre la belle Chimeer et son album devient alors, bien sûr, l’obsession d’Axle.

Ici la mise en abyme n’est pas qu’une figure narrative amusante : elle participe au « fond » du récit, à son histoire, autant qu’à sa « forme ». Elle pose même la bande dessinée en moteur de l’aventure, en objet-art méritant qu’on passe sa vie à le chercher, comme on le ferait avec un être aimé. Peut-être même est-il moins chimérique que l’amour qui sait ? Je vous laisse répondre (vous avez 4h)