Milou m’a ramené ce matin cette édition italienne des tomes 4 et 5 d’Alix Senator.
Je me demande s’il ne s’est pas empâté depuis qu’il n’a plus à s’occuper des colis pour le comité de sélection d’Angoulême. Je devrais peut-être le mettre au régime ?
Après Angoulême, retour au bureau et à mon sénateur préféré. “Les Spectres de Rome” , le titre du tome 9 d’Alix Senator est bien sûr un clin d’œil à l’album de Jacques Martin ” Le Spectre de Carthage”.
(Vous noterez la couleur verte du cahier qui évoque celle desdits “spectres” : tout est pensé )
Comme chaque année, je serai présente au prochain festival de la Bandes dessinée d’Angoulême.
Je signerai mes albums sur le stand Casterman :
– Jeudi 24 janvier de 15h à 16h30
– Vendredi 25 janvier de 15h30 à 17h
– Samedi 26 janvier de 18h à 20h
J’y serai avec Denis Bajram mais Thierry Démarez et Steven Dupré sont restés à la maison pour préparer nos prochains albums.
Chers amis auteurs et autrices de BD, comme chaque année depuis 2013, nous sommes invités à voter pour élire le prochain Grand Prix de la ville d’Angoulême. Nombreux sont ceux dont nous admirons les œuvres et qui n’ont pas encore été récompensés. Et surtout « nombreuses ». Depuis sa création en 1974, le Grand Prix n’a été décerné qu’une seule fois à une autrice : Florence Cestac en l’an 2000.
Claire Brétécher, souvent citée, n’a reçu en fait que le Prix du 10e anniversaire. À l’heure où la question de l’invisibilisation des femmes et plus généralement celle de leur égalité avec les hommes sont plus que jamais au cœur des préoccupations sociétales, il est très tentant de vous demander de voter simplement pour une autrice, quelle qu’elle soit, par principe. Mais ce serait dire que le sexe d’une autrice importe plus que son œuvre. Ce serait la dévaloriser d’une autre façon.
Alors non, je ne vous propose pas de voter que pour une femme, je vous propose surtout de voter pour « un grand auteur ».
Rumiko Takahashi fait partie de ces mangakas, qui ont marqué durablement plusieurs générations d’entre nous. Nous l’avons pour beaucoup découverte grâce aux animes tirés de ses récits et diffusés à la télévision à partir de 1988, avant de lire ses livres eux-mêmes après 1994. Ses séries les plus connues sont, bien sûr, Maison Ikkoku (Juliette, je t’aime), Ranma ½ ou Urusei Yatsura (Lamu).
Urusei Yatsura (Lamu)
Mais Rumiko Takahashi n’est pas seulement une des plus grandes autrices de comédies loufoques et romantiques ou de shonen d’arts martiaux, elle excelle aussi dans le récit historique, le fantastique ou même l’horreur. Quel que soit le sujet, sa créativité débordante, sa narration aussi claire qu’inventive et son dessin extrêmement attachant lui ont fait toucher le plus grand public.
La récompenser, c’est aussi réaffirmer que la Bande dessinée n’a pas à avoir honte d’être une culture populaire, que le « tout public » n’est pas forcément synonyme de « médiocrité » et que s’adresser en priorité aux adolescents ne veut pas dire qu’on ne fait pas œuvre d’auteur.
La Maison Ikkoku (Juliette, je t’aime)
J’emploie les termes « Bande dessinée », mais je devrais, bien sûr, plutôt dire « Manga ». Voter pour Rumiko Takahashi, c’est aussi voter pour une créatrice japonaise, donc faire un choix doublement radical et résolument actuel. Pendant très longtemps le palmarès du Grand Prix est resté très franco-belge.
Les Américains Will Eisner et Robert Crumb, primés en 1975 et 1999, faisaient figure d’exceptions. Depuis 2011 et le Prix attribué à Art Spiegelman, les choses ont un peu évolué. Mais seul un Japonais, Katsuhiro Otomo, a reçu le Grand Prix en 2015. Akira Toriyama a dû se contenter du Prix du quarantenaire deux ans plus tôt.
Ranma 1/2
Alors, et c’est une amoureuse de la Bande Dessinée franco-belge qui vous le dit, il est temps d’amplifier l’ouverture des Grands Prix sur le monde et de rendre compte de l’impact qu’ont eu les mangakas sur notre imaginaire, notre sensibilité et nos propres créations.
Rumiko Takahashi est arrivée quatrième des votes l’an passé. Faisons en sorte qu’elle reçoive enfin en 2019 le Grand Prix qu’elle mérite depuis bien longtemps.
Après les Saturnales, Rome sous Auguste célébrait les Opalia, les fêtes de Ops, la déesse de l’Abondance et l’épouse du dieu cannibale Saturne. Ce sont ses enfants qu’il a dévorés un par un.
Selon la coutume romaine, on lui assimila plusieurs déesses orientales, la Grecque Rhéa, et surtout, une divinité orientale que les lecteurs d’ Alix Senator connaissent bien : Cybèle, la terrible déesse de Pessinonte, qui rend fou Khephren.
Historiquement, Livie, l’épouse d’Auguste, avait un faible certain pour la Grande Mère. Elle s’est même fait représenter plusieurs fois avec ses attributs comme sur la statue ci-dessous.
Alors, dans la série, quand Alix affronte la cruelle déesse et ses prêtres eunuques, c’est finalement toujours Livie qu’il combat, mais Livie sous sa forme la plus dangereuse, la plus monstrueuse.
Ci-dessous :
– Statue de Livie représentée en Ops avec sa gerbe de blé et sa corne d’abondance, début du 1er siècle de notre ère, musée du Louvre.
– Planche montrant Livie rendant visite aux galles, les prêtres de Cybèles, dans son temple du Palatin, juste à côté de la demeure impériale, Alix senator, tome 7, éditions Casterman.
Le grand jour est enfin arrivé : vous pouvez retrouver La Cité des poisons, le tome 8 d’ Alix Senator dans toutes les bonnes librairies de l’empire.
“Malgré son deuil, Alix est envoyé par Auguste dans la cité de Pétra, la capitale cachée du royaume de Nabatène. Le cynique ministre Syllaios rêve de renverser son souverain décadent et veut entraîner Rome dans son complot. Mais la reine Hagirû entend bien rallier plutôt le sénateur à la cause royale. Pour le pouvoir, ils seront prêts à tout : dilapider des trésors, s’allier aux terribles guerriers d’Arabie… et utiliser les plus terrifiants poisons.”
Et voilà, après trois années consécutives passées dans le Comité de sélection du festival d’Angoulême, je laisse ma place à un nouvel auteur.
Ces trois années, aussi intenses que passionnantes tant du point de vue humain qu’artistique, ont constitué une expérience que je ne suis pas prête d’oublier.
Un très grand merci à Stephane Beaujean, Anne-Claire Norot, Guillaume Dumora, Thi Nguyen, Jean-Pierre Mercier, Romain Brethes et Xavier Guilbert pour tous ces moments forts passés ensemble.
J’ai eu le grand plaisir de participer cette année au jury du prix Goscinny qui récompense chaque année un scénariste et le plus grand plaisir encore de contribuer à sa remise à celui qui est pour moi un des auteurs majeurs de la Bande Dessinée : Pierre Christin.
Il le reçoit pour “Est-Ouest” paru chez Aire Libre (Éditions Dupuis), mais aussi pour l’ensemble de sa carrière.
S’il ne fallait en citer que deux, “Partie de chasse” ou “Les Oiseaux du maître” (série Valérian), resteront toujours pour moi des albums exceptionnels.
Le mot « jaune » vient du latin « galbinus » dérivé de « galbus » qui signifie déjà vert clair, jaune.
Dès le Moyen Âge, on différencie en Occident deux types de jaune : celui qui tire vers l’orangé ou le doré d’un côté et celui qui tire vers le vert de l’autre.
Si l’or est souvent utilisé dans les icônes ou les représentations de saints, le jaune éteint a, dès cette époque, une forte connotation négative. Ainsi, Judas, le compagnon du Christ qui le livre à ses bourreaux, est représenté avec une robe jaune. De même Ganelon, le chevalier félon, a une livrée jaune.
Depuis cette idée de trahison est restée collée au jaune : le « jaune », c’est toujours l’ouvrier briseur de grève, qui trahit ses camarades.
A cela s’ajoutent d’autres symboliques tout aussi déplaisantes : le jaune est la couleur des cocus trahis par leurs conjoints, des colériques que la bile jaune de la théorie des humeurs rend agressifs et violents, du rire jaune embarrassé ou honteux, du teint jaune des malades… On a l’embarras du choix !
Et ce ne sont pas les quelques utilisations positives de cette couleur comme le maillot jaune cycliste qui suffisent à la réhabiliter : le jaune reste encore actuellement la couleur la moins appréciée des Français
(cf Michel Pastoureau et Dominique Simonnet, Le petit livre des couleurs, Paris, Éditions du Panama, coll. « Points », 2005).