Le Serpent du Nil

On le sait depuis Eve et le serpent, la femme est aussi dangereuse que séduisante. Au début du 20e s, apparut un nouvel avatar de cette pernicieuse créature : la « vamp », la femme fatale version gothique.

Bien avant la Vampira du « Plan 9 from outer space » d’Ed Wood (1959) ou plus sérieusement les personnages incarnés par Marlène Dietrich, Theda Bara fut la première vamp du cinéma.
L’actrice était née le 29 juillet 1885 dans l’Ohio et s’appelait en fait Theodosia Burr Goodman. Mais c’était nettement moins évocateur. À l’époque, le Mal fait femme se devait d’être exotique. La peur de la séduction féminine rejoignait alors celle de l’étranger aux coutumes jugées étranges.
Le studio de Theodosia, la Fox Film Corporation, lui créa donc son personnage de Theda Bara, surnommée, « the siren of the Nile », traduit en France par « le Serpent du Nil ». Theda était censée être née au Caire d’un sculpteur italien et d’une actrice française, deux nationalités de séducteurs, comme le veut le cliché. Bien sûr, Theda avait une chambre de sultane, elle aimait les crânes humains en décoration et avait des pouvoirs surnaturels.

Elle joua son premier grand rôle en 1915 dans « A fool there was » (« Embrasse-moi, idiot ») de Frank Powell. Le film décrit la déchéance d’un riche diplomate qui perd famille et emploi après avoir rencontré une « vampire », une femme séduisant les hommes pour les abandonner et détruire leur vie. Theda joua ce personnage, l’archétype qui donna son nom à la fameuse « vamp ». Il la rendit célèbre et fit la fortune du studio.

Par la suite, elle tourna une quarantaine d’autres films dont l’un rencontra, en 1917, un succès encore plus grand qu’« A fool » . Il faut dire que Theda y incarnait la vamp ultime, une Orientale aussi rusée que puissante, donc forcément vénéneuse et déterminée à asservir tous les hommes passant à sa portée : la trop charismatique Cléopâtre. En plus de causer la perte de pauvres Romains (presque) innocents et bien incapables de résister à ses charmes, la reine d’Égypte se montrait dans des tenues qui valurent au film d’être censuré dès la proclamation du Code Hays en 1930.

Theodosia arrêta dès 1919 ce genre de rôle, mais elle ne retrouva plus jamais le succès. Hélas, la plupart de ses films furent détruits en 1936 dans l’incendie d’un entrepôt.

Ci-dessous :
– Theda Bara photographiée par Orval Hixon en 1921
– La même dans Cléopâtre