Agrippine la Jeune

Julia Agrippina dite Agrippine la Jeune est née le 6 novembre 15 apr. J.-C. bien loin de Rome, à Ara Ubiorum, la future Cologne. Mais on la connaît davantage pour sa mort tragique. Elle fut assassinée à 44 ans par son propre fils, le fameux empereur Néron.

Une enfance tragique

J’aimerais pouvoir vous dire que, pourtant, tout avait bien commencé pour elle. Mais non, sa mort tragique ne fut que la conclusion logique d’une vie qui le fut tout autant. Agrippine était née en Germanie inférieure car ses parents craignaient que leur oncle Tibère, devenu empereur l’année précédente, n’en profite pour éliminer son père, Germanicus, qu’il jalousait depuis longtemps. Il faut dire que le général était jeune, beau et très populaire, surtout auprès des soldats. Bref, il avait toutes les qualités requises pour s’emparer du trône impérial. Mais Tibère ne tenta finalement rien en 15.

Pourtant, quatre ans plus tard, Germanicus mourut subitement à Antioche. Les mauvaises langues s’empressèrent de dire qu’il avait été empoisonné. Sa veuve, Agrippine l’Aînée, prit très mal sa mort. Elle s’impliqua dans les intrigues politiques romaines et Tibère commença à se méfier aussi d’elle. Il lui interdit de se remarier de peur qu’elle ne pousse son second mari à le renverser. Les mauvais sentiments de l’empereur s’amplifièrent encore quand il perdit son fils et unique héritier. De fait, les enfants d’Agrippine devenaient alors ses successeurs potentiels, chose insupportable pour l’empereur de plus en plus misanthrope. En 29, il finit par faire arrêter Agrippine l’Aînée avec ses deux premiers fils. Tous trois moururent de façon atroce. Battue par des soldats au point d’en perdre un œil, la veuve de Germanicus fut contrainte de se laisser mourir de faim.

Statue d’Agrippine la Jeune en prêtresse, 54-59 apr. J.-C., Rome, © Carole Raddato

Premiers mariages, inceste et premiers empoisonnements

Heureusement, sa fille, Agrippine la Jeune, était à l’abri depuis l’année précédente : elle avait épousé un homme choisi par Tibère lui-même : Cneius Domitius Ahenobarbus. Violent et débauché, celui-ci apprécia d’emblée les qualités de sa jeune épouse. Selon la légende, il proclama que de leur couple ne pouvait naître qu’un monstre. Effectivement, en décembre 37, Agrippine accoucha du futur Néron, son seul enfant. Là aussi la légende s’empara de l’événement : les mages qu’elle aurait consultés pour connaître l’avenir du nouveau-né lui auraient dit qu’il serait empereur mais qu’il la tuerait. Et elle aurait répondu : « Qu’il me tue, pourvu qu’il règne ».

À la même époque, la rumeur accusa Agrippine d’entretenir une relation incestueuse avec le successeur de Tibère : son propre frère Caligula. Mais ce dernier était très versatile et, deux ans plus tard, Agrippine perdit sa faveur. Accusée d’adultère (eh oui…) et d’avoir pris part à un complot, elle fut exilée avec une de ses sœurs et autre maîtresse de Caligula, sur une des îles Pontines. Elles ne purent rentrer au Palatin qu’après l’accession surprise à l’empire de leur oncle Claude.

Devenue veuve, Agrippine se remaria en 41 avec un des hommes les plus riches de Rome… qui mourut opportunément six ans plus tard en laissant toute sa fortune au petit Néron. Bien sûr, la rumeur accusa Agrippine de l’avoir empoisonné. Mais cela ne l’empêcha pas de candidater l’année suivante pour devenir la nouvelle épouse de Claude… qui venait de faire exécuter la précédente, Messaline.

Meurtrière de l’empereur Claude

Agrippine parvint, bien sûr, à ses fins malgré le problème que posait cette union à la morale romaine : le mariage d’un oncle et d’une nièce était jugé incestueux. Parvenue au fait des honneurs, notre héroïne en profita largement. Elle élimina ses rivales potentielles, s’empara des biens de riches romains, prit un riche affranchi pour amant et… fit revenir d’exil le philosophe Sénèque dont on chuchotait qu’il avait été et était toujours lui aussi son amant. Aveugle, Claude adopta tout de même Néron comme son fils en 49, si bien qu’en 54 c’est celui-ci qui lui succéda après qu’il eut mangé un plat de champignons dont Agrippine avait amoureusement préparé l’assaisonnement.

Assassinée par Néron

Les cinq années qui suivirent furent assez calmes. Mais Néron ne supporta pas plus longtemps l’autorité de sa mère, devenue bien encombrante depuis qu’elle ne lui servait plus à rien. En 59, l’empereur décida donc d’assassiner Agrippine en maquillant sa mort en naufrage. Heureusement (ou malheureusement ?), elle survécut à cette première tentative. Néron, furieux, dût envoyer des soldats pour l’exécuter en bonne et due forme. On raconte qu’au moment où elle vit le centurion sortir son glaive, elle s’écria seulement « Frappe au ventre ! », ce ventre qui avait porté Néron.