Voici un extrait d’une peinture Renaissance représentant le mythe de Thésée et du Minotaure. Elle a été réalisée en Italie au XVIe siècle par un anonyme de l’École du Maître des cassoni Campana et conservée au Louvre.
Dans le labyrinthe, le prince athénien, attendu par Ariane et sa sœur Phèdre, tue le Minotaure vu comme une variation du centaure, un homme au bas du corps de taureau, plutôt que sous sa forme habituelle pour nous d’homme à tête de taureau.
Si on regarde ensuite la peinture complète, on s’aperçoit qu’elle enchaîne, sans les séparer, les différentes étapes du mythe un peu dans le désordre.
– Au premier plan à gauche, on voit, Ariane, accompagnée de sa sœur Phèdre, donner son fameux fil à Thésée. Derrière eux, toujours à gauche, on les voit déjà discuter tous les trois devant une sorte de palais.
– Entre ces deux scènes, on a le bateau dans lequel Thésée est venu en Crète avec d’autres jeunes Athéniens et Athéniennes pour être sacrifié au Minotaure.
– Plus à droite, Thésée se dirige vers le labyrinthe.
– Derrière celui-ci, on voit le même genre de créature combattre des guerriers et finir par être capturée par eux : peut-être est-ce le père du Minotaure, le fameux « taureau » envoyé par Poséidon, le dieu de la Mer, dont Pasiphaé, la reine de Crète, tombe amoureuse. Il aurait alors déjà un buste d’homme comme son futur fils.
– Enfin, au centre de l’arrière-plan, on voit des bateaux aux voiles noires s’éloigner sur la mer : c’est le bateau de Thésée qui retourne à Athènes, victorieux mais ayant oublié de mettre des voiles blanches pour prévenir son père, Égée, de l’issue heureuse de son aventure.
Il y a 400 ans, Molière naissait à Paris. Aujourd’hui son nom est synonyme d’auteur de comédie. Mais avant d’être écrivain, Jean-Baptiste Poquelin fut comédien et avant de s’illustrer dans la farce, il joua des tragédies.
Pierre Mignard, 1658, Musée de la vie romantique, Paris.
Vous le voyez ci-dessus dans le costume de César qu’il porta pour jouer La Mort de Pompée de Corneille.
La même pièce inspira le second tableau que je vous montre : Molière en César servit de modèle à Mars et sa compagne, Madeleine Béjart qui interprétait Cléopâtre devint la belle Vénus.
Pierre Mignard, 1658, musée des Beaux-Arts d’Aix-en-Provence
Curieusement, je ne vous ai encore jamais parlé de cet impressionnant bronze étrusque de près d’1,30 mètres de long. C’est bien dommage 🙂
Voici donc la Chimère de bronze découverte à Arezzo (Toscane) en 1553.
La Chimère est un monstre de la mythologie grecque, un ancêtre du dragon. Elle a le corps d’un lion, une queue en forme de serpent et une tête de chèvre qui émerge de son dos. Son nom est d’ailleurs dérivé de « Khimaira », petite chèvre en grec. Elle crache du feu et a l’habitude de tout détruire autour d’elle jusqu’à ce que le héros Bellérophon, monté sur Pégase, la tue d’un coup de lance.
La statue la représente d’ailleurs en position de repli, avec la tête de chèvre pendante et des blessures sur le cou : son combat est presque fini. Ça a fait penser qu’elle devait être originellement accompagnée d’une autre statue représentant Bellérophon, mais celle-ci a été perdue. La queue en forme de serpent de la Chimère avait disparu aussi lors de la découverte du bronze : celle que l’on voit est un ajout de la fin du XVIIIe siècle.
La statue elle-même date probablement du Ve siècle avant notre ère. C’est un ex-voto dédié à Tinia, le plus grand dieu des Étrusques, le peuple qui habitait la Toscane à cette époque. Il était alors fortement influencé par l’art grec qui arrivait via l’Italie du sud où plusieurs colonies helléniques était installées.
Trouvée lors de la réfection des murailles d’Arezzo, la Chimère entra immédiatement dans les collections de Cosme Ier de Médicis alors duc de Florence. Celui-ci, très ambitieux, cherchait à étendre son pouvoir sur l’Italie du nord et à faire pièce à Rome. La découverte de la Chimère lui permit de valoriser son héritage étrusque – un peuple présent en Toscane avant les Romains – tout en mettant en avant ses qualités de grand mécène. Il installa la statue dans son palais d’où elle fut transportée à la galerie des Offices puis au Musée archéologique de Florence où elle se trouve toujours.
Le 13 septembre 335 eut lieu la consécration de l’église du Saint-Sépulcre de Jérusalem. Elle se trouve encore de nos jours dans le quartier chrétien de la vieille ville à l’endroit où la tradition veut que le Christ ait été crucifié puis enseveli jusqu’à sa résurrection.
L’église a, bien sûr, été beaucoup modifiée depuis le IVe siècle. Mais je vais vous parler aujourd’hui d’un artefact qui date sans doute du XVIIIe : l’échelle inamovible. Vous pouvez la voir sous une des fenêtres de la façade du bâtiment. Elle figure déjà au même endroit sur une gravure de 1728.
En théorie, rien n’empêche qu’on la déplace. Elle n’a aucun pouvoir magique, elle n’est pas sainte ou sacrée. Mais elle n’a bougé que trois fois brièvement depuis son installation avant d’être très vite remise en place.
Pourquoi ? L’église du Saint-Sépulcre est officiellement gardée par six ordres chrétiens différents et on ne sait plus exactement qui a la charge de la corniche et de la fenêtre sur lesquelles l’échelle est posée. De plus, selon le Statut Quo de 1757 qui régit le lieu saint, aucun membre d’un des ordres ne peut déplacer ou modifier quelque chose sans le consentement des cinq autres.
Comme de tels actes ont parfois conduit à de violentes rixes dans le passé, nul ne veut plus se lancer et retirer l’échelle. En 1964, le pape Paul VI a d’ailleurs pris soin de préciser que l’échelle devrait rester en place jusqu’à que les églises catholiques et orthodoxe soient unies à nouveau.
L’échelle incongrue n’est donc pas prête de quitter la façade de son église.
Saint Barthélémy par Michel-Ange, extrait de la fresque du Jugement dernier dans la Chapelle Sixtine (Rome), réalisée entre 1537 et 1541.
L’apôtre, fêté par les Catholiques le 24 août, tient dans une main un couteau et dans l’autre… sa propre peau.
Ces attributs font référence à son martyr. En effet, selon la tradition chrétienne le malheureux aurait connu la même terrible fin que le satyre Marsyas dont je vous ai raconté l’histoire pendant la fête de la musique. Barthélémy aurait été écorché vif dans une ville d’Arménie qu’il s’efforçait d’évangéliser.
Humour noir involontaire (ou pas), l’Église a ensuite fait de lui le patron des bouchers, des tanneurs et des relieurs.
L’Infant Philippe Prosper par Diego Vélasquez (6 juin 1599 – 6 août 1660)
Ou le portrait mélancolique du prince Felipe Próspero José Francisco Domingo Ignacio Antonio Buenaventura Diego Miguel Luis Alfonso Isidro Ramón Víctor de Austria (oui, tout ça), le prince des Asturies, c’est-à-dire le premier fils du roi d’Espagne Philippe IV et de la reine Marianne d’Autriche.
Le garçonnet n’a que deux ans sur cette peinture de 1659. Vélasquez aurait pu le peindre majestueux comme il est convenu de représenter les princes de cette époque quel que soit leur âge. Il aurait pu aussi l’idéaliser, le rendre mignon comme on voudrait que soient tous les bambins. Mais il a écarté ces solutions convenues : le petit prince est bien pâle et on a déjà l’impression que toute la souffrance du monde s’est abattue sur ses épaules. De fait, il est de santé fragile et mourra deux ans plus tard, sans doute d’une crise d’épilepsie.
Pour changer des héros grecs et autres saintes médiévales que je vous montre le plus souvent, voici Coatlicue, la déesse de la Terre et de la fertilité aztèque ou plutôt un monolithe de 2,5 mètres (!) qui la représente.
Il est totalement symétrique : la tête de Coatlicue est faite de deux serpents affrontés. D’autres serpents lui font une jupe grouillante de vie. Elle porte au-dessus un collier de mains, de cœurs et de crânes humains. Vous l’avez compris: c’est autant une divinité de la mort que de la vie.
Découvert en 1790 sous la Plaza Mayor de Mexico, le monolithe fut exposé à l’université de la Nouvelle-Espagne. Mais les frères dominicains qui administraient l’endroit se rendirent vite compte que les descendants locaux des Aztèques lui portaient des colliers de fleurs et continuaient de l’adorer malgré leur conversion au catholicisme. Les religieux enterrèrent donc à nouveau la grande sculpture. À part une brève exhumation en 1803, elle dut attendre 1821 et l’indépendance du Mexique pour revoir la lumière du jour.
Elle est aujourd’hui exposée au musée national d’anthropologie de Mexico.
Le 25 mai 1720, le Grand-Saint-Antoine, un navire de commerce revenant de Syrie, arrivait au port de Marseille. Hélas, il ne ramenait pas seulement une cargaison d’étoffes précieuses valant plus de 100 000 écus. Il apportait avec lui une des maladies les plus meurtrières de l’Histoire : la peste.
Illustration tirée du Guide sanitaire des gouvernemens européens, ou Nouvelles recherches sur la fièvre jaune et le choléra-morbus : maladies qui doivent être considérées aujourd’hui comme identiques… par Louis-Joseph-Marie Robert, 1826.
La peste était bien connue depuis la grande épidémie de 1347 qui avait coûté la vie à un tiers de la population de l’Europe. Les navires commerçant avec le Levant étaient donc censés respecter d’importantes règles sanitaires pour empêcher une nouvelle propagation en Occident. Mais, en 1720, à Marseille, ces mesures de sauvegarde ne furent pas respectées.
Ainsi, tous savaient sur le Grand-Saint-Antoine qu’ils ramenaient le mal avec eux. Plusieurs passagers étaient déjà morts en mer lorsque le bateau accosta à Livourne à Italie. Là, le médecin du port lui en refusa l’entrée, mais il accorda pourtant au capitaine un certificat affirmant que les décès étaient dus à la fièvre et non à la peste. Muni de ces précieux papiers, le navire put donc se présenter à Marseille. Comme plusieurs personnes étaient mortes à bord, il dut mouiller un peu à l’écart. Mais, dès le 3 juin, les ballots d’étoffe furent débarqués, sans doute sous la pression des commanditaires de l’expédition. On pense ainsi que Jean-Baptiste Estelle, premier échevin de Marseille, tenait à vendre sa part des marchandises à la foire de Beaucaire qui se tenait à ce moment-là.
En tout cas, ce fut le début de la contamination de la ville : le premier cas de peste fut déclaré le 20 juin. Mais l’annonce officielle de la maladie par les autorités n’eut lieu que plus d’un mois plus tard, le 31 juillet, alors qu’elle s’était déjà fortement répandue. Une partie de la population s’enfuit alors de la cité répandant l’épidémie dans toute la Provence. Plus de la moitié de la population de Toulon en fut victime par exemple. Pendant ce temps, à Marseille même, plus de 1 000 personnes moururent tous les jours de septembre.
À la fin de ce mois, le Grand-Saint-Antoine et sa cargaison furent enfin brûlés tandis qu’on commençait à établir des lignes sanitaires autour des zones contaminées. Il était interdit d’y entrer et d’en sortir, sauf à présenter des « billets de santé » en règle.
La contagion fut ralentie par l’hiver et les mesures de désinfection commencèrent : on brûla vêtements et mobilier, on nettoya les rues, on fit des fumigations dans les maisons pour, pensait-on, purifier l’air. On finit aussi d’exterminer tous les animaux qu’on pensait vecteurs de la maladie comme les chiens.
Au printemps, les mesures de d’isolement s’amplifièrent : les cordons sanitaires furent élargis et on construisit le fameux « mur de la peste » de Monieux à Cabrière, relayé dans la plaine par un large fossé ou d’imposantes barrières jusqu’à la Durance. Grâce à ces mesures, la peste ne se répandit finalement pas ailleurs en France et elle finit par disparaître à la fin de 1722. En 1723, le port de Marseille put même ouvrir à nouveau.
Au total, cette peste due à un non-respect des règles sanitaires pour des raisons sans doute économiques put finalement être contenue. Mais ce ne fut qu’au prix de trop nombreuses victimes : on décompte entre 90 000 et 120 000 morts en Provence sur seulement 400 000 habitants environ.
Milon est un athlète qui vécu à Crotone (en Grèce) au VIe siècle avant notre ère. Il remporta de très nombreuses victoires dans les concours de lutte des Jeux panhelléniques au point de devenir le symbole de la force brute et le sujet de nombreuses anecdotes légendaires. Plusieurs me font beaucoup penser à Obélix.
Ainsi, lors d’un banquet réunissant les disciples de Pythagore, le plafond manqua de s’effondrer, mais Milon réussit à le soutenir à lui tout seul, le temps que la salle soit évacuée. À croire qu’il était tombé lui aussi dans la potion magique quand il était petit.
Une autre fois, faute de sanglier, Milon marcha la longueur d’un stade (200 mètres environ) avec un taureau sur le dos. Puis, il l’assomma à coups de poings et le mangea tout entier dans les heures qui suivirent.
Milon de Crotone, sculpture réalisée entre 1671 et 1682 par Pierre Puget, Musée du Louvre.
Hélas, toujours selon la légende, Milon eut une fin particulièrement tragique. C’est elle que représente la statue de Pierre Puget que je vous montre ci-dessus. Milon voyageait en Italie quand il vit au bord de la route un vieux chêne à l’écorce fendue. Il glissa sa main dans l’ouverture pour casser l’arbre en deux. Mais la fente se referma sur sa main et il fut incapable de l’en sortir… même quand il fut attaqué par une meute de loups qui le dévorèrent vivant. Puget a remplacé ces loups par un lion pour donner un aspect plus héroïque à son œuvre.
En réalité, il semble bien que Milon soit mort dans sa maison mais d’une manière tout aussi douloureuse : il aurait succombé à un incendie criminel pendant une guerre civile qui mit à mal sa cité.