Le Casque de Skanderberg

Mes amies autrices et auteurs d’héroïc fantasy craignent parfois d’aller trop loin quand ils conçoivent le design des armes de leurs héros. Pourtant, ils ont encore un peu de marge.

Ci-dessous, vous pouvez admirer le « casque de Skanderberg ». Fait de métal blanc et surmonté d’une tête de chèvre en bronze doré, il est sans doute fabriqué en Italie vers 1460. Mais il n’est mentionné dans les sources qu’à partir de la fin du siècle suivant quand il est acheté par l’héritier des Habsbourg, les souverains du Saint-Empire romain germanique.

© Jebulon

Le futur empereur Ferdinand II, alors simple archiduc autrichien, s’est dit en le voyant qu’il pouvait bien s’agir du couvre-chef de Skanderberg, un seigneur albanais célèbre en Europe centrale pour avoir longuement résisté aux Ottomans. Cette attribution, qui ne repose sur rien de concret, a finalement donné son nom au casque. On ne sait toujours pas aujourd’hui pour qui il a été fabriqué, mais il est devenu au fil du temps un des symboles les plus marquants de l’histoire albanaise.

Casque conservé au Kunsthistorisches Museum de Vienne, Autriche.

© Sandstein

Les très riches Heures du duc de Berry : le Jardin d’Eden

Si vous me suivez depuis un petit temps, vous savez que j’ai un faible pour les très riches Heures du duc de Berry, un livre liturgique copié et illustré au XVe siècle.

Les très riches Heures sont célèbres pour la centaine de miniatures que renferment leurs feuillets. J’ai déjà parlé ici de celles illustrant le calendrier mais, ce soir, je vous en propose une autre inspirée de la Genèse, le premier livre de la Bible : « Le Paradis terrestre ».

© IRHT-CNRS/Gilles Kagan

En une seule image toute ronde, le peintre Jean de Limbourg réussit à rassembler les quatre scènes-clés du récit biblique. Elles se déroulent toutes au paradis terrestre et se suivent de gauche à droite dans l’ordre chronologique de l’histoire:

– le serpent, un démon pourvu d’un buste de femme ! tend le fruit de l’arbre de la connaissance du Bien et du Mal à Ève, la première femme, alors que Dieu a formellement interdit à celle-ci d’y toucher.

– Ève donne ce fruit à Adam, le premier homme. On ne le voit pas ensuite mais ils vont tous les deux y goûter et se rendre alors compte qu’ils sont nus.

– Malheureusement pour eux, Dieu choisit ce moment pour venir les voir. C’est lui le vieillard avec l’auréole dorée qu’on voit dans la troisième scène devant Adam et Ève. Honteux de leur nudité, ceux-ci cachent leur sexe avec leur main. À ce geste, Dieu comprend qu’ils lui ont désobéi et ont mangé le fruit défendu. Il décide de les punir.

– Ève et Adam sont chassés du paradis par un ange. Dieu leur refuse dorénavant de pouvoir goûter aux fruits de l’arbre de vie, un autre arbre extraordinaire qui permettait de vivre éternellement. On ne le voit pas ici. Par contre, le grand dais gothique au centre de l’image représente un autre symbole d’immortalité : une fontaine de jouvence, une eau censée pouvoir rajeunir ceux qui la boivent ou qui s’y baignent.

Et la punition ne s’arrête pas là. Dorénavant, Adam devra travailler la terre pour en arracher sa nourriture et Ève, à l’origine de leur faute commune, devra lui obéir en toute chose et enfanter la nouvelle humanité dans la douleur. (Bref, un récit qui nourrit des siècles d’inégalité des sexes, voire de franche misogynie, mais ça, c’est une autre histoire).


Dans les très riches Heures, vous pouvez découvrir aussi :

les différents mois du calendrier : janvier, février, mars, avril, mai, juillet, août, septembre, octobre, novembre , décembre

une fête chrétienne illustrée dans le livre : l’Ascension

Un étonnant “homme zodiacal”

La croix de Lothaire

La « Lotharkreuz » que je vous montre ci-dessous est une grande croix précieuse réalisée à la fin du Xe siècle de notre ère. Elle a été donnée par Otton III, roi de Francie orientale (Germanie) puis empereur, à la cathédrale d’Aix-la-Chapelle où il avait été couronné en 983.

© Sailko

Le principal ornement de la croix est caractéristique de l’idéologie impériale germanique de l’époque qui faisait d’Otton le successeur des empereurs romains : il s’agit d’un camée en sardonyx (mélange de sardoine et d’onyx) représentant l’empereur Auguste couronné de lauriers et tenant à la main un sceptre avec un aigle. Il date même du début du Ier s. de notre ère !

La croix elle-même, haute de 50 cm, sans compter son pied en argent du XIVe siècle, est faite de chêne recouvert de feuilles d’or et incrustée de 102 pierres semi-précieuses et 33 perles, parfois de réemploi comme le camée. Son revers est délicatement gravé d’une crucifixion et d’une main de Dieu.

L’objet tire son nom d’un sceau en quartz vert situé près de sa base qui porte le nom d’un certain « Lothaire », sans doute un roi du IXe siècle, de France ou de Lotharingie (royaume situé entre la France et la Germanie et qui finit par se faire avaler par eux).

Le Diable et saint Augustin

Jamais on n’a représenté le diable avec autant d’imagination qu’au Moyen-Âge, enfin à la fin de celui-ci.

Dans cette peinture de Michael Pacher, il est vert, sa couleur traditionnelle, et vraiment repoussant. Un choix d’apparence curieux quand on sait qu’il essaie de tenter saint Augustin, l’évêque d’Hippone (dans l’Algérie actuelle), un des Pères de l’Église, ces théologiens dont les écrits ont contribué à fixer la doctrine chrétienne.

« Le diable présentant à saint Augustin le livre des vices », panneau peint de la fin du XVe siècle de Michael Pacher, extrait de son retable des Pères de l’Église. Conservé à l’Alte Pinakothek (Munich). Photographie de BPK/RMN-GRAND PALAIS

Ute de Naumbourg

Visage de Ute de Naumbourg. Photo © Linsengericht

Cette belle statue orne la cathédrale de Naumbourg en Allemagne depuis le XIVe siècle. Elle représente Uta de Ballenstedt, une grande aristocrate du XIe siècle, fondatrice du sanctuaire avec son époux, le margrave de Misnie.

Statues en pied d’Ekkehard II de Misnie et de son épouse Ute de Ballenstedt. Photo © Linsengericht

Peut-être son manteau ou son attitude vous disent-ils quelque chose ? C’est normal : Walt Disney s’en est inspiré pour créer la silhouette de la méchante reine Grimhilde de Blanche Neige et les 7 nains. Pour le visage cependant, il s’inspira plutôt de celui de l’actrice Joan Crawford. Celui de la margravine devait être trop serein et angélique pour devenir celui d’une marâtre assoiffée de sang.

© Disney planet

Les heures de Boussu

Quelques pages du magnifique livre d’heures réalisé pour Isabelle de Lalaing, veuve du seigneur de Boussu, par le Maître d’Antoine Rolin, un enlumineur du Hainaut, entre 1490 et 1495.

Grand comme la main, le livre fait plus de 400 feuillets, tous illustrés. Je vous invite à aller feuilleter cette merveille sur Gallica BnF

Et pour tous savoir sur elle, allez cette semaine sur la page Facebook de la BnF – Bibliothèque nationale de France où on vous raconte son histoire en un conte de sept épisodes.

 

Une bande dessinée du XVe siècle

Fra Angelico, un des plus grands peintres du Quattrocento mort à Rome le 18 février 1455, a réalisé les trois séries de panneaux que je vous montre ci-dessous.

Représentant des scènes de la vie du Christ, elles forment une curieuse bande dessinée archaïque. Chaque « case » qui fait à peu près la taille d’un vinyle, est encadrée par deux « cartouches » qui l’explicitent. Celui du bas contient une sentence évangélique et celui du haut un texte de l’Ancien Testament.

À l’origine, ces panneaux ornaient l’armoire recevant les offrandes précieuses destinées à la fresque « miraculeuse » de l’Annonciation de l’église de la Santissima Annunziata de Florence. Ils ont été peints vers 1450-1452 et sont aujourd’hui conservés au Musée de San Marco de la ville.