Élisabeth Vigée Le Brun

Le projet Princesses que je mène avec Maud Amoretti m’amène en ce moment à beaucoup regarder les peintures du XVIIIe siècle. Cela vous a déjà donné droit à Adélaïde Labille-Guiard, il y a quelques jours. Aujourd’hui, c’est le tour de Louise Élisabeth Vigée Le Brun (16 avril 1755 – 30 mars 1842).

Vivant à la même époque, elles connurent toutes deux les mêmes succès et les mêmes vicissitudes de carrière (scandales, campagnes de calomnies… mais aussi entrée à l’Académie royale de peinture et de sculpture). Au siècle suivant, le style d’Élisabeth Vigée Le Brun fut jugé souvent « mièvre » par les historiens de l’art qui lui reprochaient surtout d’être restée « royaliste » jusqu’à sa mort.
Elle fut aussi jugée très sévèrement par les féministes telles Simone de Beauvoir : « Au lieu de se donner généreusement à l’œuvre qu’elle entreprend, la femme la considère comme un simple ornement de sa vie ; le livre et le tableau ne sont qu’un intermédiaire inessentiel, lui permettant d’exhiber cette essentielle réalité : sa propre personne. Aussi est-ce sa personne qui est le principal — parfois l’unique — sujet qui l’intéresse : Mme Vigée-Lebrun ne se lasse pas de fixer sur ses toiles sa souriante maternité » (Le deuxième sexe, 1949)

Aujourd’hui, si la question de la maternité comme identité féminine et du narcissisme dans son œuvre demeure, les féministes la replacent davantage dans le contexte historique qui la vu naître et s’intéressent à sa place de « femme artiste » dans une société où l’étude Beaux Arts est quasi interdite aux femmes, où les liens clientélistes sont essentiels et où la réputation personnelle et les relations avec les collègues masculins conditionnent toute une carrière.


Ci-dessous :

– Autoportrait de 1790, Florence, Corridor de Vasari.

– La Reine « en gaule », 1783, Collection of the prince Ludwig von Hessen und bei Rhein, Wolfsgarten Castle, Allemagne.
Ce portrait fit scandale à l’époque. La « gaule » est une étoffe qui ne sert qu’aux sous-vêtements. Ici, la reine est donc « en chemise » (et non « en robe »). On n’est pas loin de l’obscénité.

– Autoportrait avec sa fille Julie, huile sur panneau, 1786, Le Louvre.
Ce tableau fit également scandale à l’époque : on voit les dents d’Elisabeth. Ça c’est mal, c’est très mal : seuls les fous ou les ivrognes sourient ainsi… Les gens comme il faut sourient en serrant les lèvres.