L’actualité

Lune rousse et saints cavaliers

Nous sommes en ce moment en pleine lune rousse. Que les lecteurs de ma génération se rassurent: Véga ne va pas attaquer. La “lune rousse” est la lunaison qui suit immédiatement la fête de Pâques. La tradition veut que la lumière de la lune puisse alors avoir une mauvaise influence sur les jeunes pousses. Elle ferait « roussir » les bourgeons et les détruirait à moins que les nuages ne leur offrent leur protection.

En fait, comme vous l’avez remarqué, nous sommes encore dans une période où les nuits sont très fraîches. Mais, s’il y a des nuages pendant celles-ci, ils réverbèrent la chaleur accumulée au sol pendant la journée. La température sur les champs ne descend donc pas autant que pendant les nuits claires. Dans ce cas, ce n’est pas la lumière de la lune mais bien le gel qui fait roussir les plantes.
C’est pour contrer ce phénomène qu’aujourd’hui des agriculteurs brûlent des ballots de pailles dans leurs champs ou leurs vignes. Il ne cherchent pas à réchauffer les plantes mais bien à créer un écran artificiel avec la fumée.

Bien sûr, le gel nocturne se produit également avant Pâques mais, comme les bourgeons ne sont pas encore sortis, il ne peut pas avoir de conséquences dramatiques. Il ne marque donc pas les esprits.

Dans le sud de la France, pour contrebalancer l’influence néfaste de la lune rousse, on priait autrefois les « saints cavaliers » : saint Georges (23 avril), saint Marc (25 avril), saint Eutrope (30 avril), saint Philippe ou fête de la Sainte Croix (3 mai) et saint Jean Porte latine (6 mai). Tous avaient surtout pour mission de protéger les vignes. Le dernier était même le patron des vignerons et des tonneliers. On le représentait avec un tonneau ou un maillet.

Publié le Catégories Actualités générales, Éphéméride
Partager LinkedIn

De la confusion entre poésie amoureuse et économie domestique

Voici une des fresques les plus célèbres de Pompéi. C’est un tondo, un portrait peint sur un support en forme de disque. Réalisé vers l’an 50 de notre ère, il est conservé actuellement au Musée archéologique national de Naples.

Il représente une jeune femme aisée avec un filet d’or sur les cheveux et de lourdes boucles d’oreille du même métal. L’air songeur avec lequel elle approche son stylet de la bouche et tient ses tablettes de cire a longtemps fait penser qu’elle écrivait une lettre ou composait des vers. On l’avait même surnommée Sappho, du nom de l’autrice grecque qui avait chanté son amour des jeunes filles dans ses nombreux poèmes. Mais la réalité est moins romantique : au 1er siècle, les tablettes de cire ne servent pas aux activités culturelles – on leur préfère alors le papyrus – mais économiques et comptables. La jeune femme n’est donc pas en train d’écrire mais… de faire ses comptes.

Les très riches Heures de mai

Ce mois-ci encore vous n’échapperez pas aux Très Riches heures du duc de Berry.
La miniature correspondant au mois de mai représente la cavalcade de riches jeunes gens en forêt. Traditionnellement, au début du mois, on allait y chercher des branches et des feuillages pour faire les couronnes porte-bonheur que l’on voit déjà portées par plusieurs personnages. On s’habillaient aussi parfois de vert pour l’occasion.

La jeune femme au centre avec la grande coiffe blanche a souvent été identifiée à Marie de Berry, fille du duc dont les fiançailles sont représentées sur la miniature du mois d’avril. On aurait alors une scène de son mariage avec Jean de Bourbon présent sous la forme du cavalier en bleu ou bien de celui en blanc, rouge et noir.

A l’arrière-plan, les bâtiments sont plus difficilement reconnaissables que sur d’autres miniatures. Les historiens y voient souvent le Palais de la Cité avec le Chatelet et la Tour de l’Horloge. C’est là que Marie de Berry et Jean de Bourbon se sont effectivement mariés. On le retrouve d’ailleurs sur la miniature suivante du mois de juin.

On aurait alors trois scènes qui se suivent des mois d’avril à juin :
©R.M.N. / R.-G. Ojéda

Dans les très riches Heures, vous pouvez découvrir aussi :

les autres mois : janvier, février, mars, avril, mai, juillet, août, septembre, octobre, novembre , décembre

une fête chrétienne illustrée dans le livre : l’Ascension

Un étonnant “homme zodiacal”

La Mort de Léonard de Vinci

Léonard de Vinci est mort à Amboise le 2 mai 1519. La tradition qui veut qu’il se serait éteint dans les bras du roi François 1er est sans doute fausse. Le souverain était à ce moment-là à Saint-Germain-en-Laye où il signa plusieurs ordonnances (lois valables dans tout le royaume) la même semaine.

Il n’en reste pas moins que le roi était fasciné par le peintre italien. C’est lui qui le fit venir en France en 1515 pour le prendre à son service comme « « premier peintre, premier ingénieur et premier architecte du roi » avec une pension de mille écus par an.
Déjà malade à cette époque, Léonard de Vinci vit sa santé décliner rapidement. En 1517, il développa une paralysie partielle de la main droite et mourut seulement deux ans plus tard.

Comme j’aime bien taquiner mes amis lecteurs de ce mur, je vous propose aujourd’hui « La Mort de Léonard de Vinci » peint par Jean-Auguste-Dominique Ingres en 1818 et conservé au Petit Palais à Paris.
© Wikimedia Commons, DP

La Nuit de Walpurgis

La fameuse toile que vous pouvez voir ci-dessous est « Le Sabbat des sorcières » de Francisco de Goya, peinte entre 1797 et 1798 et conservée au Musée Lazaro Galdiano de Madrid.

Le Diable apparaît sous la forme d’un grand bouc noir, une thématique classique de la tradition basque. En effet, le titre original de cette toile est « Aquelarre », du basque « akelarre » (aker = bouc et larre = lande), qui fait de la lande du bouc le lieu du sabbat par excellence. Celui-ci a déjà commencé: les sorciers ont apporté au diable son plat favori : des cadavres de petits enfants. Il va les dévorer avant de lancer l’orgie rituelle. A moins que ce ne soit déjà fait. On a souvent interprété la femme de dos au premier plan comme une allusion aux fellations et aux autres « pratiques contre-nature » que le démon attendait de ses adeptes.

Je ne vous parle pas de ce tableau aujourd’hui par hasard. Au moins depuis la fin du Moyen-Âge, les traditions populaires d’Europe du Nord et de France font de la nuit du 31 avril au 1er mai, la date d’un des grands sabbats annuels des sorcières. On l’appelait « nuit de Walpurgis » du nom d’une sainte anglaise (Walburge) venue évangéliser les Germains au VIIIe siècle de notre ère. Cette légende est sans doute l’écho déformé par des siècles de christianisme de célébrations antérieures à cette religion. Elles devaient marquer le passage de l’hiver à la belle saison. On allumait alors de grands feux avant de sacrifier aux anciens dieux pour qu’ils réveillent la nature et ramènent le printemps.

Plus tard, « La nuit de Walpurgis » devint un motif littéraire classique des récits fantastiques: on la retrouve dans le « Faust » de Goethe puis chez Paul Verlaine, Bram Stoker ou H. P. Lovecraft. Elle donna aussi son nom à de nombreux morceaux de musique, pièces de théâtre, films ou jeux vidéo.

L’enfant et la cathédrale

Sur le mur de l’ancien cinéma Normandie, un enfant joue a retirer sa flèche à la cathédrale de Bayeux toute proche.
Je ne sais pas s’il avait l’intention de la remplacer par une flèche strictement identique dans le respect du monument et de la tradition ou s’il s’orientait vers un choix résolument moderne : flèche de verre ou jardin suspendu avec nichoirs à abeilles.

Le transi de René de Chalon

J’étais d’humeur gothique hier soir quand j’ai réfléchi à ce que j’allais vous raconter ce matin. J’ai repensé à l’étonnante sculpture que vous pouvez voir ci-dessous : le transi de René de Chalon.

Il s’agit d’une statue funéraire réalisée par le sculpteur lorrain Ligier Richier vers 1545/1547 pour décorer le monument au cœur de René de Chalon dans la collégiale Saint-Maxe du château des ducs de Bar. On peut la voir aujourd’hui dans l’église Saint-Étienne de Bar-le-Duc (Meuse). De taille humaine (1,77 m), elle est encore plus spectaculaire en vrai qu’en photo.
Le fait qu’elle soit debout et non allongée sur un sarcophage comme un gisant est exceptionnel. Sa main gauche lève son cœur vers le ciel, c’est-à-dire Dieu, dans un geste plein d’élan, j’allais dire « plein de vie ».

Pour les curieux :

– Un transi, c’est quoi ?

« transi » signifie « passé », « mort ». C’est un type de statue qui vient remplacer les habituels gisants sur les tombeaux des personnages de haut rang à partir du XIVe siècle dans certaines régions d’Europe. On en trouve beaucoup dans l’est de la France ou l’Allemagne actuelle.
Comme les gisants, les transis représentent les morts, mais d’une manière totalement différente. Ils ne sont plus habillés et en train de dormir sereinement, voire de sourire, mais nus, déjà en train de se décomposer, voire à l’état de squelette, et souvent avec des expressions de visage dures voire torturées. Il faut dire que les temps sont particulièrement difficiles à l’époque dans ces régions ravagées par le Guerre de Cent ans, la grande peste et de nombreuses famines. Plus tard, quand Richier réalise le transi de René de Chalon, ces malheurs (violence, maladie, faim) sont toujours bien présents en Lorraine.

– Un monument au cœur, pour quoi faire ?

A la Renaissance, les grands personnages avaient souvent plusieurs tombeaux. A sa mort, les entrailles de René de Chalon ainsi que son cœur furent ensevelis dans la collégiale Saint-Maxe tandis que sa chair et ses os furent envoyés à Bréda (sud des Pays Bas actuels) dont il était le seigneur.

– René de Chalon, c’est qui ?

René de Chalon, prince d’Orange, était le stathouder, le gouverneur général, des comtés de Hollande et Zélande pour l’empereur Charles Quint. En 1540, il épousa la fille du duc de Lorraine et de Bar et vint dans la région. Elle n’était pas française à l’époque mais relevait de l’empire germanique.
En 1544, la guerre ayant repris entre le roi de France François Ier et Charles Quint, René de Chalon participa au siège de Saint-Dizier, une place forte proche de la frontière. Il y fut blessé à mort par un tir de couleuvrine, une sorte de petit canon à main.

Portraits de Delacroix

Un jour, il faudra que je vous fasse un statut sur le peintre Eugène Delacroix (26 avril 1798 – 13 août 1863) et surtout sur ses grands tableaux romantiques.
Mais, aujourd’hui, j’ai plutôt envie de jouer au jeu des 7 erreurs avec lui :