Un homme fatal

Il n’y a pas que les femmes fatales comme Theda Bara dont je vous parlais hier. Il y a des hommes fatals aussi. Emily Brontë, née le 30 juillet 1818 en Angleterre, en créa un magnifique dans son unique roman « Wuthering Heights » (« Les Hauts de Hurlevent »), publié en 1847 : Heathcliff.

Ceux qui connaissent le roman peuvent sauter ce paragraphe. Pour les autres en voici l’argument : « Lorsque Mr Earnshaw ramène d’un voyage un enfant abandonné, Heathcliff, les réactions de ses enfants évoquent les orages qui s’abattent sur le domaine des Hauts du Hurlevent. Le fils Hindley n’accepte pas cet enfant sombre et lui fait vivre un enfer. La fille, Catherine, se lie très vite à lui, d’un amour insaisissable et fusionnel. Tous trois grandissent, dans cet amas de sentiments aussi forts qu’opposés. Heathcliff devient un homme sans scrupule, qui jure de se venger des deux hommes ayant empêché le déploiement de son amour : Hindley, le frère ennemi, et Edgar, le mari de Catherine. La destruction de ces deux familles et de leurs descendances constitue alors son seul objectif. »

Heathcliff ira très loin dans sa vengeance, séduisant ses victimes avant de leur infliger cruautés et humiliations avec la plus grande délectation.
Le voici parlant d’Hareton, le fils de son ennemi Hindley qu’il a recueilli tout enfant après le décès de son père :
« Hareton a répondu à mon attente. S’il eût été naturellement idiot, mon plaisir serait moitié moindre. Mais il n’est pas idiot ; et je peux sympathiser avec tous ses sentiments, les ayant éprouvés moi-même. Je sais très exactement ce qu’il souffre en ce moment, par exemple ; ce n’est d’ailleurs qu’un simple avant-goût de ce qu’il souffrira. Il ne sera jamais capable de sortir de son abîme de grossièreté et d’ignorance. Je le tiens mieux que ne me tenait son coquin de père, et je l’ai fait descendre plus bas, car il s’enorgueillit de son abrutissement. Je lui ai appris à mépriser comme une sottise et une faiblesse tout ce qui n’est pas purement animal. Ne croyez-vous pas que Hindley serait fier de son fils, s’il pouvait le voir ? Presque aussi fier que je le suis du mien. Mais il y a une différence : l’un est de l’or employé comme pierre de pavage, l’autre du fer-blanc poli pour jouer un service en argent. Le mien n’a aucune valeur en soi ; pourtant j’aurai le mérite de le pousser aussi loin qu’un si pauvre hère peut aller. Le sien avait des qualités de premier ordre, elles sont perdues ; je les ai rendues plus qu’inutiles, funestes. Moi, je n’ai rien à regretter ; lui, il aurait à regretter plus que qui que ce soit. Et le plus beau est que Hareton m’est attaché en diable ! Vous conviendrez qu’ici j’ai surpassé Hindley. Si ce défunt drôle pouvait sortir de sa tombe pour me reprocher mes torts envers sa progéniture, j’aurais l’amusement de voir ladite progéniture le repousser et s’indigner qu’il ose médire du seul ami qu’elle ait au monde.
Heathcliff laissa échapper un rire de démon à cette idée. »

Laurence Olivier dans le rôle d’Heathcliff en 1939. © Samuel Goldwyn Pictures

Le Serpent du Nil

On le sait depuis Eve et le serpent, la femme est aussi dangereuse que séduisante. Au début du 20e s, apparut un nouvel avatar de cette pernicieuse créature : la « vamp », la femme fatale version gothique.

Bien avant la Vampira du « Plan 9 from outer space » d’Ed Wood (1959) ou plus sérieusement les personnages incarnés par Marlène Dietrich, Theda Bara fut la première vamp du cinéma.
L’actrice était née le 29 juillet 1885 dans l’Ohio et s’appelait en fait Theodosia Burr Goodman. Mais c’était nettement moins évocateur. À l’époque, le Mal fait femme se devait d’être exotique. La peur de la séduction féminine rejoignait alors celle de l’étranger aux coutumes jugées étranges.
Le studio de Theodosia, la Fox Film Corporation, lui créa donc son personnage de Theda Bara, surnommée, « the siren of the Nile », traduit en France par « le Serpent du Nil ». Theda était censée être née au Caire d’un sculpteur italien et d’une actrice française, deux nationalités de séducteurs, comme le veut le cliché. Bien sûr, Theda avait une chambre de sultane, elle aimait les crânes humains en décoration et avait des pouvoirs surnaturels.

Elle joua son premier grand rôle en 1915 dans « A fool there was » (« Embrasse-moi, idiot ») de Frank Powell. Le film décrit la déchéance d’un riche diplomate qui perd famille et emploi après avoir rencontré une « vampire », une femme séduisant les hommes pour les abandonner et détruire leur vie. Theda joua ce personnage, l’archétype qui donna son nom à la fameuse « vamp ». Il la rendit célèbre et fit la fortune du studio.

Par la suite, elle tourna une quarantaine d’autres films dont l’un rencontra, en 1917, un succès encore plus grand qu’« A fool » . Il faut dire que Theda y incarnait la vamp ultime, une Orientale aussi rusée que puissante, donc forcément vénéneuse et déterminée à asservir tous les hommes passant à sa portée : la trop charismatique Cléopâtre. En plus de causer la perte de pauvres Romains (presque) innocents et bien incapables de résister à ses charmes, la reine d’Égypte se montrait dans des tenues qui valurent au film d’être censuré dès la proclamation du Code Hays en 1930.

Theodosia arrêta dès 1919 ce genre de rôle, mais elle ne retrouva plus jamais le succès. Hélas, la plupart de ses films furent détruits en 1936 dans l’incendie d’un entrepôt.

Ci-dessous :
– Theda Bara photographiée par Orval Hixon en 1921
– La même dans Cléopâtre

Diana Rigg

La future actrice Diana Rigg est née le 20 juillet 1938, à Doncaster.

Après une enfance partagée entre l’Inde et l’Angleterre, elle a étudié à la Royal Academy of Dramatic Art. Depuis, même si elle a acquis sa notoriété ailleurs, elle a surtout joué au théâtre des rôles dramatiques comme Médée dans la pièce éponyme d’Euripide, Mère Courage dans « Mère Courage et ses enfants » de Bertold Brecht ou Martha dans « Qui a peur de Virginia Woolf ? » d’Edward Albee.

Mais, tout le monde la connaît évidemment pour son interprétation d’Emma Peel dans la série « Chapeau melon et bottes de cuir » aux côtés de Patrick Macnee, entre 1965 et 1967.
A ce propos, elle a raconté seulement cette année qu’au début, elle gagnait « moins que le cameraman » et qu’elle avait assez mal supporté son statut de sex symbol : « Je me sentais rabaissée, parce que j’étais bien plus que cette simple image de femme sexy. D’ailleurs, la combinaison en cuir que je portais était très inconfortable, et me faisait transpirer beaucoup, ce n’était vraiment pas sexy. »

Tout cela et la volonté de ne pas se cantonner à un seul personnage l’ont amené à quitter la série et à faire « une erreur », comme elle le dit elle-même. Elle a accepté d’incarner Tracy, la femme de James Bond dans « Au services secrets de sa Majesté ».

Malgré ces expériences, disons, compliquées, Diana Rigg a continué à jouer pour le cinéma et la télévision jusqu’à aujourd’hui. En 2013, elle est revenue dans une série très populaire. Elle a interprété Olenna Tyrell dans « Game of Throne » durant 18 épisodes (un nombre respectable vu le taux de mortalité élevé des personnages). La même année, elle a joué aussi dans un épisode d’une autre série culte « Docteur Who : Le Cauchemar écarlate ».

Diana Rigg dans “Game of Throne” ©Le Parisien

Alix senator 9 premium

Le 21 août prochain, les lecteurs d’ Alix Senator seront face à leur éternel dilemme : acheter l’album classique ou premium.
Et vous quel choix ferez-vous ?

En attendant, après vous avoir montré la couverture version classique, voici la version premium ainsi que la première page du dossier historique “Aqua romana, qui contrôle l’eau, contrôle Rome” illustré par Thierry Démarez et écrit par moi.

On ne parlait pas encore de bouleversement climatique en 11 avant notre ère mais la canicule était déjà bien présente à Rome. L’accès à l’eau des centaines de milliers d’habitants de la capitale impériale était à la fois une nécessité très quotidienne et un enjeu de pouvoir considérable.

 

Suétone et César

Quand Suétone veut montrer que César était vraiment trop sympa :

[César] était fort doux de nature, même dans ses vengeances. Quand il eut pris, à son tour, les pirates dont il avait été le prisonnier, et auxquels il avait alors juré de les mettre en croix, il ne les fit attacher à cet instrument de supplice qu’après les avoir fait étrangler.

Suétone, Vie de Jules César LXXIV

( illustration : Alix senator, tome 1, avec Thierry Démarez, chez Casterman BD)

Maillot, mon beau maillot

Ce week-end de grands départs en direction des plages, ayons une pensée émue pour Annette Kellerman.
Vous ne connaissez pas cette Australienne née le 6 juillet 1886 ? Ce fut pourtant la première actrice à apparaître entièrement nue dans un film hollywoodien : La Fille des dieux.

Mais ce n’est pas pour cela que je vous en parle aujourd’hui. Nageuse accomplie, elle milita pour le droit des femmes à pratiquer librement les sports aquatiques. Pour cela, elle devaient avoir le droit de porter un maillot de bain confortable et n’entravant pas la nage, contrairement à ceux qui étaient en usage au début du XXe siècle (voir ci-dessous).

La tenue qu’elle porte sur la photo de droite lui valut d’être arrêtée en 1907 à Boston pour indécence mais le juge trancha en sa faveur. Il reconnut que sa combinaison moulante était juste parfaitement adaptée à une pratique sportive. Cette décision, très médiatisée, contribua à l’évolution des mentalités. Le maillot de bain d’Annette Kellerman devint très courant dans les années 1920 et le sport féminin commença à se développer en parallèle.

À quoi bon un livre sans images, ni dialogues ?

Le 4 juillet 1865, était publié “Alice’s Adventures in Wonderland”, le conte de Charles Lutwidge Dodgson dit Lewis Carroll, professeur de mathématiques à Oxford.

J’imagine que vous en connaissez tous les principaux épisodes : la poursuite du lapin blanc, la rencontre avec Tweedledee et Tweedledum, la découverte du chat du Cheshire, le thé avec le chapelier toqué et le lièvre de Mars, la fuite devant la reine de cœur…
Chacun d’eux mériterait son statut sur cette page. Mais c’est autre chose qui m’a donné l’envie d’en faire un aujourd’hui.

Voici la première phrase de Carroll sur laquelle je suis tombée en faisant ma petite recherche : « À quoi bon un livre sans images, ni dialogues ? ». C’est Alice qui se pose la question en regardant sa sœur lire un de ces livres bien austères. Cela pourrait être la devise de l’auteur ou de l’amateur de Bande Dessinée. Lewis Carroll en aurait sans doute été un grand si elle avait existé à son époque.

On sait que les images étaient très importantes pour lui. Photographe amateur, il a lui-même choisi l’illustrateur de son Alice : John Tenniel alors connu pour ses caricatures dans le magazine Punch. Ses dessins donnent d’ailleurs un côté assez inquiétant au conte. Avec lui, si l’absurde garde le côté merveilleux qui sera mis en avant plus tard par Disney, il tombe aussi parfois dans une sorte de folie bien angoissante.


– Autoportrait de Lewis Carroll, 1855
– Portrait d’Alice Littell par Lewis Carroll. C’est pour elle qu’il improvisa la première version du conte en 1862, lors d’une promenade en barque.
– Illustrations de John Tenniel pour les Aventures d’Alice

Un mystérieux paquet du Japon

Milou vient de me rapporter un mystérieux paquet en provenance du Japon !

Pratt aurait eu 92 ans

Corto Maltese : “Raspoutine ! Tu es fou !”
Raspoutine : “Mais non !… Aujourd’hui, je me suis caché pendant que tu parlais et puis je me suis blessé pour te faire croire qu’il m’était arrivé quelque chose. J’ai voulu t’offrir une émotion, Corto, parce que je t’aime bien… C’est pour toi que je l’ai fait. Dieu seul sait ce que c’est moche de vivre dans un monde sans aventure, sans fantaisie.”

Corto Maltese en Sibérie, 1979, Hugo Pratt (15 juin 1927 – 20 août 1995)