Femme du jour : Cléopâtre VII

Cléopâtre a beau être sans doute la femme le plus célèbre de l’Antiquité, on ignore sa date de naissance exacte. On sait juste qu’elle vient au monde pendant l’hiver 69 ou 68 avant notre ère. D’origine grecque – sa dynastie descend d’un général d’Alexandre le Grand qui s’est emparé de l’Égypte à la mort du conquérant, elle tente toute sa vie de renouer avec les traditions anciennes de son royaume et surtout de lui rendre sa grandeur passée.

Statue de la reine Cléopâtre VII, seconde moitié du Ier siècle av. J.-C., Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
Ce n’est pas facile : elle hérite d’une Égypte en proie aux révoltes populaires, à des famines récurrentes et déjà sous la mainmise des Romains. Son règne commence d’ailleurs par une guerre contre son propre frère et époux, à laquelle seule l’arrivée de César met un terme en sa faveur. Si Cléopâtre parvient à séduire le général par son ingéniosité et son charisme, et peut-être à le convaincre de ne pas purement et simplement annexer l’Égypte, elle échoue à sortir son royaume de la tutelle italienne.
Cléopâtre et César par Jean-Léon Gérôme, 1866.
Elle a plus de réussite ensuite avec Marc Antoine. Venu vivre avec elle à Alexandrie, il semble prêt à constituer pour leurs enfants un grand royaume oriental fort et indépendant. Mais c’est compter sans le jeune Octave qui ne veut surtout pas laisser son rival devenir aussi puissant. La guerre, inévitable, se dénoue par la bataille d’Actium où Antoine et Cléopâtre sont vaincus. Leur adversaire prend Alexandrie l’année suivante. Les amants savent que tout est fini et se suicident l’un après l’autre en août 30 av. J.-C. C’est la fin de l’Égypte indépendante.
Marc Antoine et Cléopâtre, interprétés par Richard Burton et Elizabeth Taylor dans Cléopâtre de Joseph L. Mankiewicz en 1963
 
Cléopâtre a finalement échoué mais elle est entrée dans la légende. Légende noire d’abord, celle des poètes et des historiens romains qui, à la suite d’Octave devenu Auguste, ne verront en elle qu’une « putain » dangereuse pour la « virtus », la virilité des hommes romains, et une « reine » s’en prenant directement aux idéaux républicains – ce qui est assez amusant quand on sait ce que fera Auguste de la République romaine. Légende dorée ensuite des romanciers et des cinéastes qui en feront une héroïne aussi fastueuse que tragique qui fascine encore aujourd’hui.
Stèle figurant Cléopâtre VII faisant offrande à Isis, Musée du Louvre.

Rosie the riveter

Il n’y a pas longtemps Denis, Fabrice et moi sommes allés voir l’exposition Norman Rockwell dans Le Mémorial de Caen. Jusqu’ici vous avez échappé aux statuts sur ce grand illustrateur américain, mais c’est fini, vous allez y avoir droit.

L’original de « Rosie the riveter », « Rosie la riveteuse » en français n’était pas exposé, pourtant c’est une des plus célèbres couvertures du Saturday Evening Post de Rockwell.
Elle fut publiée en mai 1943 et représente une héroïne de la culture pop de la Seconde Guerre Mondiale. Rosie était alors le symbole des femmes qui remplaçaient les hommes partis au front dans les usines américaines, spécialement les usines d’armement. Ici, la riveteuse piétine même « Mein kampf » le livre d’Hitler.

Plusieurs commentateurs en ont profité pour donner une signification quasi religieuse à son geste et l’ont rapprochée des vierges saintes piétinant le dragon/le mal. Il faut dire que, pour la position de la jeune femme, Rockwell s’est inspiré de celle du prophète Isaïe peint par Michel Ange dans la Sainte-Chapelle.

Mais d’autres interprétations ont vu le jour plus récemment. Rosie participe désormais à la réflexion sur le genre, dans la lignée des théories de Judith Butler (« Trouble dans le genre. Le féminisme et la subversion de l’identité »).

Du Mont-Tombe au Mont-Saint-Michel

Selon une tradition locale remontant au XIe s, c’est le 16 octobre 709, que l’évêque d’Avranches, le futur saint Aubert, aurait fait la dédicace de la première église couronnant le tertre le plus célèbre de Normandie : le Mont-Saint-Michel.

L’archange était adoré en Occident depuis le Ve siècle de notre ère mais c’est seulement sous Charlemagne, au début du IXe, qu’il devint vraiment populaire. C’est alors qu’un chanoine de Normandie écrivit la « Revelatio ecclesiae sancti Michaelis in monte Tumba » racontant la légende fondatrice du Mont.

Comme dans beaucoup de récits hagiographiques de cette époque, Aubert est né fils de seigneur avant de distribuer son héritage aux pauvres et de devenir prêtre. Promu évêque, il chasse un dragon qui harcèle les fidèles. Puis il assiste à un combat entre saint Michel et un autre dragon qui se termine sur le Mont alors appelé « Tombe ».

L’archange ordonne alors en rêve à Aubert de lui consacrer un sanctuaire à l’endroit même de sa victoire. Mais l’évêque n’obéit pas tout de suite: devant l’incongruité de la demande, il croit avoir affaire au Malin en personne. Il faut dire que le Mont est alors une pointe rocheuse quasi isolée en mer et peuplée uniquement de mauvais herbes et de bêtes sauvages.
Mais saint Michel insiste une deuxième fois. Aubert ne le croit pas davantage. Lassé, l’archange appuie fortement son doigt sur le crâne de l’évêque et lui laisse une marque (la relique du crâne d’Aubert est même percée d’un gros trou !).

Convaincu (par la douleur ?), l’évêque se met donc à l’ouvrage et les miracles commencent au Mont. La « pierre païenne » (un menhir ?) qui se trouve sur l’îlot est renversée dès qu’Aubert appuie contre elle un simple nouveau-né. Puis un taureau montre au religieux où construire le premier oratoire avant qu’un rond de rosée ne lui en indique la forme. Plus tard, c’est une source d’eau pure qui apparaît soudainement entre les pierres et qui est bien vite transformée en puits.

Satisfait, saint Michel envoie un dernier rêve à Aubert. Il lui enjoint de ramener au Mont des reliques de son sanctuaire du Mont-Gargan, en Italie : une pierre avec l’empreinte de son pied, un morceau de son voile… Aubert, qui a compris la leçon, obéit tout de suite cette fois. Tandis que ses envoyés se hâtent vers le sud, un raz-de-marée a lieu dans la baie : il engloutit la forêt de Scissy qui reliait le Mont à la terre et en fait une vraie île.

Aubert n’a plus qu’à installer douze chanoines dans le nouveau sanctuaire. Le Mont-Saint-Michel est né.


Ci-dessous :
La Fête de l’Archange, page de l’ouvrage Les Très Riches Heures du duc de Berry, musée Condé, Chantilly, ms.65, f.195.
La miniature est attribuée à l’un des frères de Limbourg, qui l’a peinte entre 1411 et 1416

Le Mont-Saint-Michel vu du ciel © Amaustan

Les Tournesols de Van Gogh

Pourquoi vous montrer les tournesols de Van Gogh aujourd’hui ? Eh bien, c’est un peu tiré par les cheveux 🙂

Ceux d’entre vous qui me suivent régulièrement savent que j’adore les calendriers et les éphémérides. Pourtant il y en a un dont je n’ai encore jamais dû vous parler : le calendrier républicain. On s’en est servi en France seulement de 1793 à 1806.

Les Révolutionnaires l’avaient créé pour rompre avec les traditions monarchiques et catholiques qui prévalaient jusque-là. Ainsi chaque jour, le saint fêté était remplacé par un fruit, un animal, un outil… Par exemple, le 10 octobre n’était plus le jour de la saint Ghislain mais celui… du tournesol.

Et voilà, je tiens mon prétexte pour vous montrer ceux que Vincent van Gogh a peints entre 1888 et 1889. À l’origine, les premiers étaient destinés à la chambre de Paul Gauguin, un ami proche de Van Gogh. On peut les admirer de nos jours dans divers musées américains et européens… sauf celui que je vous montre en premier : « Vase avec cinq tournesols ». Acheté par un amateur japonais, il fut détruit le 6 août 1945 dans un incendie déclenché par un bombardement américain, juste avant la capitulation de Tokyo !

Allez, je vous laisse jouer au jeu des 7 différences maintenant.

Le Caravage

Le 29 septembre 1571 naissait à Milan un peintre qui m’a beaucoup marquée quand j’ai enfin vu ses œuvres « en vrai » pendant de mon voyage à Rome en 2014: Michelangelo Merisi da Caravaggio.
C’est évidemment son « goût des ténèbres » ainsi que la puissante de son réalisme qui m’ont frappée dans la solitude des galeries muséales ou la pénombre des églises.

Le Caravage connut un énorme succès dès les années 1600. Mais, en 1606, déjà bien connu de la justice du pape pour sa violence et ses excès, il tua un adversaire en duel. Il dut alors quitter Rome pour le sud de l’Italie et Malte. Il ne revint jamais dans la capitale italienne et mourut seulement quatre ans plus tard en Toscane toujours poursuivi par sa mauvaise réputation d’homme violent.

Elle lui valut d’être négligé par l’histoire de l’art jusqu’au début du XXè siècle, fait curieux autant qu’injuste vu l’influence qu’il eut sur de nombreux artistes postérieurs de Georges de La Tour (Post FB ) à Jacques Louis David dont « La Mort de Marat » s’inspire de la mise au tombeau conservée au Vatican et bien d’autres.

 

La reddition de Vercingétorix

Le lendemain de la défaite d’Alésia, le 27 septembre 52 av. J.-C., Vercingétorix se rend à César ou lui est livré après un échange diplomatique. Selon la légende, c’est un acte de « devotio » : il offre sa vie en échange de celle des autres survivants, qui seront effectivement épargnés par César.

Longtemps négligé par les historiens français qui s’intéressent peu aux Gaulois, Vercingétorix n’est « redécouvert » qu’au XIXè siècle. Sous la Troisième République, il devient un héros national, celui qui résiste envers et contre tout à l’envahisseur et qui finit par se sacrifier à un vainqueur cruel et vindicatif. Il faut dire qu’on est juste après la défaite de 1870 face à l’Allemagne.

C’est cet esprit nationaliste qui anime la grande peinture de l’époque et le fameux tableau de Lionel Royer (ci-dessous). Aujourd’hui, on envisage le personnage avec plus de recul mais il reste une figure populaire qui apparaît à la télévision, dans les jeux vidéo ou, bien sûr la bande dessinée.


Ci-dessous :
– Vercingétorix jette ses armes aux pieds de César, de Lionel Royer, 1899, musée Crozatier du Puy-en-Velay.
– Vercingétorix jette ses armes aux pieds de César, de Jacques Martin dans Alix, Le Le Sphinx d’or, 1956.
– Vercingétorix jette ses armes aux pieds de César, d’Uderzo et Goscinny dans Astérix, Le Bouclier arverne, 1968.

La Hyène de Géricault

Le 26 septembre 1791 naquit à Rouen le peintre romantique Theodore Gericault. C’est, bien sûr, l’auteur du fameux Radeau de La Méduse. Mais c’est un autre tableau que je vous montre aujourd’hui : La Monomane de l’envie ou La Hyène de la Salpêtrière.

Il s’agit de l’un des cinq portraits de fous que Géricault réalise vers 1819-1820.
L’idée de soigner les malades mentaux est alors toute récente : c’est seulement depuis la Révolution qu’on ne les enferme plus en prison mais dans des hôpitaux comme la Salpétrière. Son médecin-chef, Jean-Estienne Esquirol vient d’ailleurs tout juste de définir la « monomanie » comme une fixation psychique et obsédante d’un malade sur un objet unique. C’est peut-être lui qui commande ce portrait de femme à Géricault, pour le montrer en amphithéâtre à ses élèves et illustrer ses travaux.
Une deuxième théorie veut que le tableau ait été commandé au peintre… pour le guérir de sa propre dépression par son médecin, Étienne-Jean Georget, un autre psychiatre de la Salpétrière.
En fait, on ne saura sans doute jamais ce qui a pu réellement motiver Géricault, mais le résultat est là : je suis sûre que vous aurez bien du mal à oublier ce regard maintenant.

A voir en vrai au Musée des Beaux-Arts de Lyon.

Les Saisons d’Archimboldo

Ça fait trop longtemps que je n’ai pas fait de statut « éphéméride ». Pour me faire pardonner, et puisque l’automne commence ce lundi 23 septembre, voici les Saisons du peintre milanais Giuseppe Arcimboldo.

Ces portraits grotesques d’hommes réalisés avec des fruits et légumes font rire depuis leur réalisation en 1573. L’empereur Maximilien II de Habsbourg les commanda à Archimboldo pour les offrir au puissant Auguste de Saxe dont les armes figurent sur la collerette de l’hiver.
Mais l’empereur ne voulait pas qu’amuser son allié. Il voulait surtout lui signifier tout l’étendue de son pouvoir et lui rappeler combien il lui était supérieur. L’empire Habsbourg se voulait alors semblable aux saisons : éternel et exerçant sa domination sur les hommes et tout le règne de la Nature.


Archimboldo, les saisons, 1573, musée du Louvre.
L’Hiver dialogue avec le printemps et l’été avec l’automne.
Les guirlandes de fleurs ont sans doute été ajoutées au XVIIe siècle.

Gueule d’Enfer

Juste comme ça : extrait du Livre d’heures de Catherine de Clèves, vers 1440-1445, conservé par la Pierpont Morgan Library de New York.

Un livre d’heures est un ouvrage destiné à aider les fidèles catholiques à suivre les différentes prières de la journée formant la « liturgie des Heures ». Progressivement s’y sont ajoutés d’autres prières comme celles de l’office des morts illustrées ici.
Je vous laisse méditer sur ce sympathique démon multigueule.

L’esclave de Vélasquez

Diego Vélasquez (mort à Madrid le 6 août 1660), ce n’est pas que les Ménines ou le portrait du pape Innocent X. C’est plus de 150 œuvres répertoriées et sans doute beaucoup d’autres perdues. En choisir une seule à vous montrer n’était donc pas chose facile.

Finalement, j’ai pris ce (magnifique) portrait réalisé en 1649 à Rome. Vélasquez y avait été envoyé par le roi d’Espagne Philippe IV pour acheter des peintures pour lui. Il n’était pas venu seul. Il avait emmené avec lui son esclave maure Juan de Pareja. Ce dernier l’aidait dans son atelier sans doute depuis au moins une dizaine d’années. Il lui servit ici de modèle. Le tableau fut exposé dès mars 1650 dans le portique du Panthéon. Il remporta un énorme succès.
Peut-être est-ce cela qui incita Vélasquez a affranchir Juan de Pareja la même année, avec tout de même comme condition qu’il reste à son service quatre années supplémentaires. Ce temps révolu, l’ancien esclave se mit à son compte comme peintre indépendant et fit une belle carrière jusqu’à sa mort en 1670.

Ci-dessous donc : portrait de Juan de Pareja, 1649, Metropolitan Museum of Art, New York.