Les deux visages d’Artémis

Il y a une déesse dont je n’ai pas encore parlé dans Alix senator mais qui le mériterait bien, c’est Diane/Artémis, la déesse gréco-romaine de la chasse, sœur d’Apollon, le dieu sauvage cher à Jacques Martin.

Comme son frère elle a de multiples visages, du plus classique au plus inquiétant.
Ci-dessous, je vous montre l’Artémis grecque telle qu’on se l’imagine : la chasseresse accompagnée d’une biche à la beauté sans défaut.

Statue d’Artémis à la biche, dite Diane de Versailles, peut-être inspirée d’un original grec du IVe siècle av. J.-C. par Léocharès. Œuvre romaine d’époque impériale. Son nom Diane de Versailles lui vient du fait que Louis XIV fait transférer la statue dans le château de Versailles, lieu qu’elle occupera jusqu’à son retour au Louvre en 1798.

Ci-dessous en revanche, on a une autre Artémis, plus orientale et étrange : l’Artémis priée dans le temple d’Éphèse, en Turquie actuelle.

Accompagnée de lions, elle porte sur son vêtement toutes sortes d’animaux qui témoignent de son statut de maîtresse des bêtes sauvages. Parfois on trouve aussi des plantes, des insectes, des animaux fantastiques (griffons, sphinx…)sur ses jambes ainsi que sur le nimbe divin qui entoure sa tête.

Mais le plus étonnant est peut-être le grand nombre de « mamelles » qui ornent sa poitrine. On les interprète souvent plutôt comme des testicules des taureaux qui lui ont été sacrifiés, symboles à la fois de fécondité et de domination de la déesse sur les mâles en tout genre.

Je vous laisse maintenant deviner celle que je préfère. 🙂

Statue de l’Artémis d’Éphèse, premier siècle avant notre ère, musée archéologique d’Éphèse (Turquie)

Adam… de Notre Dame

Voici bien une statue qu’on ne s’attendrait pas à trouver dans une église médiévale et pourtant ce nu masculin qui représente Adam, le premier homme, provient du bras sud du transept de Notre Dame de Paris.

Il a sans doute été réalisé vers 1260 par le sculpteur Pierre de Montreuil alors chargé de cette partie de la cathédrale. Il faisait pendant à une Ève entourant un Christ du Jugement dernier entouré d’anges.

Adam, de Pierre de Montreuil, vers 1260, musée de Cluny, Paris. © RMN-GP/cliché Hervé Lewandowski

Sa pose rappelle celle du type antique des « Vénus pudiques » et on interprète souvent son anatomie (hanches étroites, corps gracile et flexible, fesses rebondies) comme une adaptation en figure masculine d’une statue féminine. Son auteur avait-il vu les petits bronzes antiques qui circulaient à l’époque ? Ou bien disposait-il de carnets de modèles ? On ne le saura jamais.
En tout cas, ce type physique fut peu repris pas la suite : comme on le sait, les nus sont relativement rares dans l’art médiéval et on s’intéressait plus à l’époque au travail du vêtement, du drapé, qu’à celui du corps.

À noter aussi que l’Adam que nous connaissons aujourd’hui n’est pas exactement celui que le fidèles pouvaient admirer au XIIIe s : plusieurs parties du corps ont été reprises au XIXe s notamment les mollets et la main droite. À l’origine, celle-ci ne faisait pas un geste de bénédiction mais était refermée autour d’un objet, sans doute une pomme du jardin d’Eden.

Mourir à Pompéi

Je suis tombée par hasard la nuit dernière sur France 5 sur l’excellent documentaire Les dernières heures de Pompéi qui retrace la destruction d’un quartier de la ville au travers des dernières fouilles initiées en 2018. Si vous ne l’avez pas encore vu, n’hésitez pas à aller y jeter un coup d’œil sur le site de la chaîne. Il est encore disponible jusqu’au 26 avril (Ici : Les dernières heures de Pompéi )

La reconstitution de la vie quotidienne des habitants de Pompéi ainsi que de leur fin dramatique en octobre 79 sont vraiment réussies. Un peu trop même peut-être. Je vous avoue que je me suis encore laissée émouvoir par le triste sort des victimes du volcan ensevelies sous leur maison ou brûlées par les nuées ardentes.

Moulage photographié par Ken Thomas lors de l’exposition « A day in Pompeii », Charlotte, États-Unis.

Cela m’a donné envie de vous montrer ce soir le moulage du corps d’une des victimes de Pompéi. Il a été réalisé vers 1863 selon la méthode initiée par Giuseppe Fiorelli alors directeur des fouilles. On a versé du plâtre liquide dans l’espace laissé vide par la décomposition du corps dans les couches de pierre ponce et de cendres. On peut donc voir cet homme dans la position exacte dans laquelle il est mort, recroquevillé sur lui-même et sans doute conscient de vivre ses derniers instants. Enfin, je n’en sais rien… Mais j’ai du mal à ne pas me projeter devant un témoignage aussi émouvant de la catastrophe.

Pazuzu

Oui, amis amateurs de culture pop, le démon Pazuzu existait bien avant Adèle Blanc-Sec et le film L‘Exorciste.

Voici sa statuette conservée au musée du Louvre. Vous pouvez admirer sa tête de dragon, ses (quatre) ailes et ses pattes de rapace. Elle date du début du Ier millénaire avant notre ère.

À cette époque, Pazuzu était considéré par les Assyriens, un peuple vivant notamment dans l’Irak actuel, comme un démon maléfique. Il était lié aux vents d’ouest censés amener la peste. Mais cela ne l’empêchait pas d’être aussi souvent invoqué comme un bienfaiteur: il avait le pouvoir de chasser d’autres créatures maléfiques, notamment sa femme, Lamashtu, réputée apporter elle aussi bien des maladies.

Fdj : la reine Musa

Si vous êtes lecteur d’ Alix senator, vous commencez à bien connaître Livie, la « douce et tendre » épouse d’Auguste. Mais ce n’est pas la seule forte femme de cette époque. Comme elle, Musa était dotée d’une ambition proportionnelle à son manque de scrupules.

Musa entre dans l’Histoire en 20 avant notre ère comme… cadeau offert au roi parthe Phraatès IV par l’empereur Auguste.

Les deux hommes viennent de conclure un traité de paix qui fixe la frontière de leur sphères d’influence respectives au fleuve Euphrate. De plus, Phraatès a accepté de rendre à Auguste les enseignes prises aux légions de Crassus lors de la bataille de Carrhes, une des pires défaites romaines qui a eu lieu une quarantaine d’années plus tôt.

Cela mérite bien quelques petits cadeaux en retour du chef de l’État romain. Il offre donc des esclaves au roi parthe. Musa, une jeune italique, en fait partie. Elle séduit rapidement son maître et devient son épouse favorite. Sous son emprise, il se met à mener une politique pro-romaine et accepte même d’envoyer ses fils issus d’autres unions en Italie pour qu’ils soient éduqués « à la romaine ».

Cela laisse le champ libre à Musa, ou plutôt « Thea Musa », « déesse Musa », comme elle commence à sa faire appeler. Elle a accouché d’un fils elle aussi et elle a de grandes ambitions.

En 2 av. J.-C., elle fait empoisonner Phraatès devenu inutile et met son fils sur le trône. Elle règne au travers de l’adolescent, mais cela ne lui suffit pas : quelques années plus tard, elle officialise sa prise de pouvoir… en l’épousant.

C’est aller trop loin : ce genre d’inceste royal entre parent et enfant, qui existe en Égypte ou bien chez les Perses, n’est pas du tout accepté par les Parthes. Le conseil des anciens désavoue le nouveau couple. Les grands aristocrates se rallient à Orodès, un parent de l’ancien monarque assassiné Phraatès. Musa et son fils, abandonnés par leurs partisans, doivent prendre la fuite. Ils sont finalement tués à leur tour en 4 apr. J.-C.

Tête de la reine Musa, Ier siècle av. J.-C., Musée national d’Iran (Téhéran).

Le Buste de Néfertiti

Le buste de Néfertiti est au Neues Museum de Berlin ce que la Joconde est au Louvre. Un million de touristes s’extasient chaque année devant lui, comme si le reste des salles étaient vides. Pourtant, cette statue est l’objet de violentes controverses qui ne sont pas près de s’éteindre.

© Magnus Manske

Elle est censée représenter Néfertiti, la grande épouse royale – c’est-à-dire l’épouse principale – du pharaon Akhénaton, encore célèbre de nos jours pour avoir voulu imposer à l’Égypte le culte d’un dieu solaire unique. On ne sait quasiment rien d’autre de Néfertiti excepté qu’elle eut six filles.

Son buste fut trouvé en décembre 1912 par une équipe allemande dirigée par l’archéologue Ludwig Borchardt. Les hommes fouillaient alors ce qui était peut-être l’atelier de son créateur, le sculpteur Toutmôsis, dans les ruines d’Akhetaton, la capitale créée de toutes pièces par Akhénaton vers – 1360 et qui fut désertée après sa mort.

Dès 1913, le buste rejoignit Berlin. Il n’a plus quitté l’Allemagne depuis au grand dam des Égyptiens qui s’estiment, à juste titre, spoliés d’une de leurs plus belles antiquités. Ils la réclament en vain depuis 1924. Les Allemands refusent en élevant toujours plus d’arguments juridiques et en mettant en avant que la sculpture est trop fragile pour voyager. Ils avancent aussi cet argument pour refuser tout prêt à l’Égypte. Néfertiti n’a même pas été présente lors de l’inauguration du Grand Musée égyptien du Caire en 2012. On le voit, la question de la restitution des œuvres d’art pillées par les Occidentaux pendant l’époque coloniale est encore très loin d’être réglée.

Tout aussi grave, une autre querelle agite depuis 2009, les milieux archéologiques : et si le buste était carrément un faux ? C’est la théorie défendue par l’historien de l’art, Henri Stierlin dans Le Buste de Néfertiti : Une imposture de l’égyptologie ?. Il soutient que Borchardt aurait sculpté Néfertiti pour tester des pigments antiques qu’il aurait découvert et tenter de restituer une statue ancienne. Mais, le jour de la visite de son chantier par Jean-George de Saxe, jour officiel de la « découverte » de la statue, les deux filles du prince restèrent bouche bée devant sa beauté. L’archéologue n’osa alors pas leur dire la vérité et laissa tout le monde croire qu’il s’agissait d’une véritable antiquité.

Pour soutenir sa thèse, Stierlin fait valoir que Borchardt s’opposa pendant onze ans à toute exposition du buste dans un musée allemand. De plus, plusieurs éléments de la statue constituent des hapax, des occurrences uniques, dans tout le corpus archéologique égyptien – les épaules absentes par exemple. D’ailleurs, si les pigments colorés viennent bien de l’Égypte ancienne, le cœur de calcaire de Néfertiti n’a jamais été soumis à aucune méthode scientifique de datation.

Bref, le mystère reste entier.

La Prudence, une étrange statue

Il y a quelques années, quand j’ai visité la cathédrale de Nantes, j’y ai découvert une étrange statue dans un angle du tombeau du duc François II de Bretagne, mort en 1488 : la Prudence.

J’ai un faible pour elle parce qu’elle me rappelle beaucoup le dieu romain Janus. Mais elle n’a pas grand-chose à voir avec lui.

La Prudence est une des 4 vertus cardinales, des vertus « charnières », les plus importantes, aux yeux des Chrétiens du XVIe siècle, l’époque à laquelle on l’a sculptée. Les trois autres sont la Force, la Tempérance et la Justice. Elles occupent le reste des angles du tombeau. Ce sont aussi des figures allégoriques mais plus classiques que la Prudence.

Alors pourquoi celle-ci a-t-elle un visage de vieillard derrière sa tête de jeune femme ? Pas parce que Michel Colomb, le sculpteur, a voulu faire une surprise à ceux qui contournaient son œuvre (quoique…), mais pour montrer qu’être prudent réclame une certaine expérience et la connaissance du passé.

De même, le miroir que tient la Prudence lui permet de regarder derrière elle tout en avançant vers l’avenir, un peu comme un rétroviseur quand on est sur la route. Il lui permet aussi de se regarder elle-même bien sûr, mais pas pour s’admirer avec complaisance, non, pour se connaître elle-même, voir ses défauts et les corriger.

Il est complété par un compas qui permet de prendre la juste mesure des choses et d’un serpent… Pas le serpent tentateur qui pousse au péché et au mal mais le serpent évoqué dans l’Évangile de Matthieu (10,16) : « Soyez prudent comme des serpents ».

Fdj : Livie

Livie, Livia Drusilla de son vrai nom, est la troisième épouse d’Auguste. Elle n’est pas née le 18 mais le 30 janvier 58 av. J.-C. Or, le 30 janvier prochain, je serai à Angoulême et je ne pourrai pas vous faire de chronique quotidienne, faute de temps. Mais ça aurait quand même été dommage de passer à côté de la meilleure ennemie d’Alix senator, non ?

Livie est donc née en – 58 dans la plus haute aristocratie romaine. À quinze ans, elle épouse Tiberius Claudius Nero et donne naissance l’année suivante au petit Tibère, le futur empereur. Mais on est en pleine guerre civile et chacun doit prendre parti. Livie et son époux sont des césariens. Après les ides de mars, ils combattent les assassins du dictateur aux côtés de Marc Antoine. Ils prennent aussi son parti contre le jeune Octavien, le futur Auguste. En – 40, ils doivent même prendre précipitamment la fuite pour échapper à ses proscriptions. Ils se réfugient en Sicile puis en Grèce. Ils ne reviennent en Italie qu’après la paix de Brindes qui réconcilie provisoirement les deux triumvirs.

C’est l’occasion pour Livie de rencontrer Octavien/Auguste en septembre – 39. Coup de foudre, coup politique ou les deux, elle quitte immédiatement son mari pour son ancien ennemi. Lui attend que sa précédente épouse ait accouché de leur fille, Julie, et la renvoie aussitôt. Dès le lendemain, le 17 janvier -38, il épouse Livie. Elle est enceinte de six mois de Tiberius et accouche en avril de son second et dernier fils, Drusus. Elle n’aura jamais d’enfant d’Auguste.

Statue de Livie représentée en déesse Ops avec sa gerbe de blé et sa corne d’abondance, début du 1er siècle de notre ère, musée du Louvre.

Leur mariage dure pourtant jusqu’à la mort de l’empereur, 52 ans plus tard. S’il est à peu près constamment infidèle, les époux restent malgré tout très proches. Livie est présentée par la propagande impériale comme la matrone idéale, vertueuse et volontairement confinée à la sphère privée. Mais la réalité est assez différente : elle continue de s’intéresser activement à la politique toute sa vie. Auguste a des discussions avec elle avant de réunir ses conseillers officiels et de prendre ses décisions. Il prépare même leurs entretiens politiques par écrit, tant il craint ses réflexions et ses réparties. Les autres aussi d’ailleurs : beaucoup se méfient de l’influence de Livie et lui attribue les « mauvaises » décisions de l’empereur – les bonnes étant de lui en personne, forcément. C’est le début de la légende noire de Livie.

Sa mauvaise réputation auprès des historiens antiques va beaucoup plus loin. Ils l’accusent, par exemple, de faire empoisonner tous ceux qui se trouvent entre son fils Tibère et la succession impériale : le fils d’Octavie, la sœur d’Auguste, mais aussi Gaius et Lucius César, les petits-fils préférés de l’empereur. Livie aurait d’ailleurs fini par l’assassiner aussi en lui offrant des figues empoisonnées. On sait aujourd’hui que tout cela est pure invention.

Planche montrant Livie rendant visite aux galles, les prêtres de Cybèles, dans son temple du Palatin, juste à côté de la demeure impériale, Alix senator, tome 7, éditions Casterman.

Devenue veuve en 14 apr. J.-C., Livie devient une prêtresse du « divin Auguste » qui a rejoint officiellement son grand-oncle César parmi les immortels. Elle continue cependant de jouer un rôle politique auprès de Tibère. Celui-ci le vit de plus en plus mal et leurs rapports sont conflictuels. En 26, il part vivre en solitaire dans l’île de Capri et ne reviendra jamais à Rome.

Livie, elle, meurt en 29, à 86 ans. Elle rejoint Auguste dans son mausolée. En l’absence de Tibère, c’est Caligula, l’arrière-petit-fils de la défunte, qui prononce son éloge funèbre. En 42, un autre de ses descendants, l’empereur Claude, lui accorde l’apothéose et en fait une déesse à l’égal d’Auguste.

Femme du jour : Jeanne d’Arc

Après Cléopâtre, la femme la plus célèbre de l’Antiquité, voici Jeanne d’Arc, peut-être une des plus fameuses du Moyen-Âge. Elle serait née vers 1412 en Lorraine durant la nuit des rois, c’est-à-dire la nuit du 6 janvier pendant laquelle les Chrétiens commémorent, l’Épiphanie, la visite des rois mages au Christ à peine né. Mais cette date éminemment symbolique a sans doute été inventée pour ajouter du merveilleux à sa biographie qui n’en manquait déjà pas.

En 1429, elle qui est d’origine paysanne parvient à rencontrer le roi Charles VII et à le convaincre de sa mission sacrée. Ses « voix », les saints Michel, Marguerite d’Antioche et Catherine d’Alexandrie lui auraient demandé de libérer la France des Anglais. On est alors en pleine guerre de 100 ans et une grande partie du royaume des Capétiens est occupé par les troupes venues d’outre-Manche.

– Seule représentation contemporaine connue de Jeanne d’Arc, esquissée en marge d’un registre par Clément de Fauquembergue, greffier du parlement de Paris, le 10 mai 1429. N’ayant jamais vu la Pucelle, le greffier la dessine par ouï-dire. Archives nationales, Registre du Parlement de Paris.

Jeanne, mise à la tête de l’armée française, parvient à libérer la ville d’Orléans et surtout à dégager un couloir jusqu’à Reims pour que Charles VII aille s’y faire sacrer.

Mais dès l’année suivante, sa chance abandonne Jeanne : elle est capturée par les Bourguignons alliés des Anglais à Compiègne et vendue à ceux-ci par Jean de Luxembourg. Jugée à Rouen pour hérésie par le fameux Pierre Cauchon, évêque de Beauvais, elle est condamnée et brûlée vive le 30 mai 1431.

– Jeanne d’Arc à cheval. Enluminure du manuscrit d’Antoine Dufour, Les vies des femmes célèbres, Nantes, musée Dobrée, 1504.

Mais si son histoire s’arrête-là, son mythe ne fait que commencer. Il explose littéralement au XIXe siècle. Jeanne est alors récupérée par les partis de gauche comme de droite qui voient en elle une fille du peuple brûlée par l’Église et abandonnée par le roi ou bien une sainte héroïne défendant la patrie. Au carrefour des deux, le grand historien Michelet en fait une « sainte laïque ».

– Jeanne d’Arc au sacre du roi Charles VII, dans la cathédrale de Reims, huile sur toile de Dominique Ingres, Paris, musée du Louvre, 1854.

Mais, au final, c’est la droite nationaliste qui sort victorieuse de la querelle autour de la symbolique johannique. Jusqu’à récemment, elle a même tenté de la monopoliser, comme en témoigne l’importance de la fête de Jeanne d’Arc orchestrée par le Front national chaque 1er mai entre 1988 et 2015.

– Jeanne d’Arc, statue en pied, en armure, de Prosper d’Épinay, cathédrale Notre-Dame de Reims. © Eric Pouhier.

Femme du jour : Cléopâtre VII

Cléopâtre a beau être sans doute la femme le plus célèbre de l’Antiquité, on ignore sa date de naissance exacte. On sait juste qu’elle vient au monde pendant l’hiver 69 ou 68 avant notre ère. D’origine grecque – sa dynastie descend d’un général d’Alexandre le Grand qui s’est emparé de l’Égypte à la mort du conquérant, elle tente toute sa vie de renouer avec les traditions anciennes de son royaume et surtout de lui rendre sa grandeur passée.

Statue de la reine Cléopâtre VII, seconde moitié du Ier siècle av. J.-C., Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
Ce n’est pas facile : elle hérite d’une Égypte en proie aux révoltes populaires, à des famines récurrentes et déjà sous la mainmise des Romains. Son règne commence d’ailleurs par une guerre contre son propre frère et époux, à laquelle seule l’arrivée de César met un terme en sa faveur. Si Cléopâtre parvient à séduire le général par son ingéniosité et son charisme, et peut-être à le convaincre de ne pas purement et simplement annexer l’Égypte, elle échoue à sortir son royaume de la tutelle italienne.
Cléopâtre et César par Jean-Léon Gérôme, 1866.
Elle a plus de réussite ensuite avec Marc Antoine. Venu vivre avec elle à Alexandrie, il semble prêt à constituer pour leurs enfants un grand royaume oriental fort et indépendant. Mais c’est compter sans le jeune Octave qui ne veut surtout pas laisser son rival devenir aussi puissant. La guerre, inévitable, se dénoue par la bataille d’Actium où Antoine et Cléopâtre sont vaincus. Leur adversaire prend Alexandrie l’année suivante. Les amants savent que tout est fini et se suicident l’un après l’autre en août 30 av. J.-C. C’est la fin de l’Égypte indépendante.
Marc Antoine et Cléopâtre, interprétés par Richard Burton et Elizabeth Taylor dans Cléopâtre de Joseph L. Mankiewicz en 1963
 
Cléopâtre a finalement échoué mais elle est entrée dans la légende. Légende noire d’abord, celle des poètes et des historiens romains qui, à la suite d’Octave devenu Auguste, ne verront en elle qu’une « putain » dangereuse pour la « virtus », la virilité des hommes romains, et une « reine » s’en prenant directement aux idéaux républicains – ce qui est assez amusant quand on sait ce que fera Auguste de la République romaine. Légende dorée ensuite des romanciers et des cinéastes qui en feront une héroïne aussi fastueuse que tragique qui fascine encore aujourd’hui.
Stèle figurant Cléopâtre VII faisant offrande à Isis, Musée du Louvre.