Les très riches Heures du duc de Berry : décembre

Voici la représentation du mois de décembre dans le livre liturgique de Jean de Berry, ce grand aristocrate de la fin du Moyen-Âge, fils du roi de France, Jean II le Bon.

Le duc aimaient beaucoup l’architecture. Il fit réparer ou agrandir un grand nombre de châteaux. Dans son fief, il fit reconstruire le palais ducal et bâtir la saint-Chapelle de Bourges sur le modèle de celle de Paris. Il ne faut donc pas s’étonner si de nombreux bâtiments figurent dans son livre d’heures. Ici, pour décembre, on aperçoit le donjon et les tours du château de Vincennes où le duc était né en 1340.

Ils sont à moitié dissimulés par des arbres au feuillage encore quasiment automnal et une scène de curée qui évoque elle aussi plutôt l’automne que l’hiver. Que cette illustration ait été réalisée par les frères Limbourg vers 1410 ou par leur continuateur des années 1440, l’auteur a fait preuve d’originalité. Dans les autres calendriers médiévaux, on représente plus volontiers l’abattage du cochon qui nourrira ses propriétaires pendant la saison morte et annonce la fête et le repas de Noël. La neige, en revanche, est un motif très rare à l’époque. Elle n’est présente que pour le mois de février et… c’est une des toutes premières fois si ce n’est la toute première fois dans une peinture médiévale !

©Photo. R.M.N. / R.-G. Ojéda

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Le violet : de la tristesse au féminisme

Il n’y a pas que les « gilets jaunes » qui défilaient hier : il y avait aussi le mouvement #NousToutes qui protestait contre les violences faites aux femmes. Il a choisi comme couleur le violet et, bien sûr, ce n’est pas un hasard.

A l’origine, pourtant, on en est loin. En Occident, le violet est d’abord la couleur de la tristesse et de la pénitence. Les rois de France portent le deuil en violet et non en noir. De son côté, le clergé catholique porte une tenue liturgique violette pendant toutes les périodes de jeûne comme le Carême, et les confréries de pénitents arborent souvent un manteau violet. Il faut dire qu’au Moyen-Âge, on voyait cette couleur comme un noir atténué, un « subniger » en latin.
Au XIXe siècle, l’idée demeure avec les peintres symbolistes et impressionnistes pour qui le violet exprime entre autres la lumière du soir, la lumière « qui meurt ».

Pourtant, à cette époque, le violet commence à prendre une autre connotation : il est repris par les mouvements suffragettes qui réclament le droit de vote pour les femmes. Mélange du bleu des garçons et du rose des filles, il se veut alors un symbole d’égalité. Après mai 68, cette couleur revint en force toujours dans les mouvements féministes. Elle est toujours présente depuis.

Jusqu’à présent je n’ai parlé sur ce site que d’une autre couleur… le jaune. Pour retrouver le petit article, c’est par ici : le jaune, symbolique d’une couleur

 

Le jaune : symbolique d’une couleur

Le mot « jaune » vient du latin « galbinus » dérivé de « galbus » qui signifie déjà vert clair, jaune.

Dès le Moyen Âge, on différencie en Occident deux types de jaune : celui qui tire vers l’orangé ou le doré d’un côté et celui qui tire vers le vert de l’autre.
Si l’or est souvent utilisé dans les icônes ou les représentations de saints, le jaune éteint a, dès cette époque, une forte connotation négative. Ainsi, Judas, le compagnon du Christ qui le livre à ses bourreaux, est représenté avec une robe jaune. De même Ganelon, le chevalier félon, a une livrée jaune.

Depuis cette idée de trahison est restée collée au jaune : le « jaune », c’est toujours l’ouvrier briseur de grève, qui trahit ses camarades.

A cela s’ajoutent d’autres symboliques tout aussi déplaisantes : le jaune est la couleur des cocus trahis par leurs conjoints, des colériques que la bile jaune de la théorie des humeurs rend agressifs et violents, du rire jaune embarrassé ou honteux, du teint jaune des malades… On a l’embarras du choix !

Et ce ne sont pas les quelques utilisations positives de cette couleur comme le maillot jaune cycliste qui suffisent à la réhabiliter : le jaune reste encore actuellement la couleur la moins appréciée des Français
(cf Michel Pastoureau et Dominique Simonnet, Le petit livre des couleurs, Paris, Éditions du Panama, coll. « Points », 2005).

 

Les très riches Heures : novembre

Vous n’espériez pas y échapper, n’est-ce pas ?

Ce mois-ci, les très riches Heures du duc de Berry représentent une scène de glandée. le paysan donne des coups de bâton dans les branches des chênes pour faire tomber les glands et nourrir son troupeau de cochons qui, abattu et salé, le nourrira tout l’hiver.
En général, cette activité est autorisée par le seigneur qui possède le bois de la Saint-Rémi, le 1er octobre, à la Saint-André, le 30 novembre.

Le paysage vallonné qui se trouve à l’arrière-plan est parfois rapproché de celui de la Savoie. Cette illustration n’aurait alors pas été réalisée par les frères Limbourg pour le duc de Berry mais par leur successeur, Jean Colombe, alors au service de Charles 1er de Savoie.

©Photo. R.M.N. / R.-G. Ojéda

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Saint Luc

C’est la fête de saint Luc aujourd’hui dans le calendrier catholique. Il a donné son nom à l’Ecole Supérieure des Arts de Bruxelles et à celle de Tournai où beaucoup d’auteurs de Bande Dessinée se sont formés.

Bien sûr, ce n’est pas par hasard. Saint Luc est le patron des artistes, des peintres… Dans Trois Christs, je me suis d’ailleurs amusée à donner son nom au sculpteur qui doit réaliser un bas-relief de la crucifixion à Lirey et qui finit par réaliser le fameux Saint Suaire.

Mais d’où vient ce lien entre le saint et l’Art ?

L’Histoire nous dit très peu de choses du vrai « Luc », le rédacteur de l’Évangile homonyme ainsi que des Actes des Apôtres. Tout juste pense-t-on qu’il a vécu à la fin du 1er siècle après Jésus-Christ et qu’il maîtrisait autant la culture juive que la culture hellénistique.

La tradition chrétienne, largement remise en cause de nos jours, était plus prolixe sur lui : elle faisait de Luc un médecin originaire d’Antioche en Syrie… qui aurait peint plusieurs portraits de la Vierge.

Saint Luc dessinant la Vierge par Rogier van der Weyden, v. 1435–1440, Musée des beaux-arts de Boston, Massachusetts, États-Unis.

Des icônes lui furent même attribuées plus tard, bien qu’elles soient en réalité beaucoup plus récentes. En voici quelques exemples :

Les Très Riches Heures : octobre

Le 1er jour d’un nouveau mois ramène les Très Riches heures du duc de Berry.

Ce mois-ci, nous nous trouvons au bord de la Seine. Au premier plan, des paysans sèment des graines et veillent à les faire bien pénétrer dans la terre : c’est le rôle de la herse que tire l’homme à cheval. Derrière eux et l’épouvantail habillé en archer, on distingue des bourgeois qui se promènent au bord du fleuve. Curieusement, c’est la seule fois que ce groupe social est représenté dans le livre.

Mais bien sûr ce qu’on remarque le plus dans cette scène, c’est le château à l’arrière-plan : le palais du Louvre vu depuis l’hôtel de Nesle, la maison du duc. Le palais est représenté tel qu’il fut reconstruit par le roi Charles V, le frère aîné du duc. Fils, frère et oncle de souverain, ce dernier semble apprécier la représentation des résidences royales : le palais de la Cité et le château de Vincennes apparaissent aussi dans les miniatures.

Au total, 9 peintures sur 12 du calendrier montrent des châteaux de manière détaillée, un peu comme s’ils étaient des sujets, des personnages à part entière. La plupart ont des liens plus ou moins directs avec le duc et/ou sa famille. Ce sont leurs possessions ou des bâtiments sur lesquels ils sont intervenus.

C’est aussi le cas d’une partie des édifices religieux représentés à l’occasion de fêtes particulières. Ainsi le folio correspondant à la fête de la Présentation de la Vierge au temple (21 novembre) représente la façade de la cathédrale Saint-Etienne de Bourges avec la fenêtre et le pignon réunissant les deux tours que le duc avait fait ajouter.

Mais d’autres miniatures ne sont là qu’en écho aux célébrations qu’elles évoquent et pour le plaisir des yeux bien sûr, comme celle de la Fête de l’archange (29 septembre) représentant le Mont Saint-Michel que je ne résiste pas au plaisir de vous montrer aussi.

(Si certains d’entre vous s’intéressent à ce qui se passe dans le ciel de la miniature, j’en ai parlé mois dernier : Les très riches Heures: Septembre)

 

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Speculoos, latin et gourmandise

Bon, j’ai craqué 🙂 , j’ai rapporté de Bruxelles ma gourmandise belge préférée, celle qui faisait la joie de mes « petits cafés » quand j’habitais près du Manneken-Pis avec Denis : des speculoos de la maison Dandoy (non, je n’ai pas d’action chez eux).

Les speculoos sont des biscuits à base de farine, de beurre et de cassonade (d’où leur couleur traditionnelle brun foncé) aromatisés aux épices: canelle, muscade, girofle, gingembre, sésame… Ils sont peut-être les lointains descendants des biscuits au miel que les Romains s’offraient en guise d’étrennes chaque début d’année et qui avaient la forme de l’un de leurs dieux. Les speculoos, eux, étaient à l’origine offerts aux enfants pour la fête de saint Nicolas (le 6 décembre) et avaient souvent la forme de ce personnage.

D’ailleurs, « speculoos » viendrait peut-être du latin « speculum », « miroir », comme si le biscuit était le reflet du saint qu’il représente. Une autre origine possible du nom est le latin « speculator », « surveillant » utilisé pour désigner les évêques comme saint Nicolas qui était évêque de Myre. Plus prosaïquement, « speculoos » pourrait venir aussi de « species », « épices » toujours en latin.


Ci-dessous :

  • Speculoos traditionnel et speculoos à la vanille
  • Fabrication du speculoos avec le pressage de la pâte dans un moule en creux

Vous avez dit barbares ?

La Normandie existait avant les Vikings et Guillaume le Conquérant, si si je vous assure.

Je suis allée hier voir une jolie exposition qui le prouve au Musée de Normandie de Caen : « Vous avez dit barbares ? ». On y découvre de très nombreux objets datant du Vè au VIIIè siècle, de l’arrivée des peuples « barbares » en Gaule (406) à la fin de l’époque mérovingienne. Les représentations de Mithra côtoient les armes, les objets de la vie quotidienne et les bijoux (je vous recommande les boucles de ceinture par exemple, je serais bien repartie avec l’une d’elles)… Et ne vous laissez pas arrêter par l’affiche: l’expo concernent aussi bien la vie des hommes que celle des femmes.
Le billet ouvre aussi l’entrée des collections permanentes du musée. Je vous recommande la salle sur la Normandie avant les Romains et ses magnifiques casques en bronze.

Les très riches Heures : Septembre

Les très Riches du duc de Berry reviennent avec le 1er jour du mois.

Sur terre

Septembre est illustré par le thème classique des vendanges. Cette miniature serait postérieure à la mort du duc et daterait des années 1440. En effet, le château représenté est celui de Saumur en Anjou, région viticole dès le Moyen-Âge, qui appartenait à un ennemi du duc et qu’il n’aurait sans doute pas fait représenter de son vivant. Entre le château et les vendangeurs, vous pouvez apercevoir une lice, un espace clos qui servait aux tournois. Justement, en 1446, René d’Anjou, propriétaire du château y aurait fait organiser une joute en l’honneur du roi de France Charles VII.

Au-dessus de la miniature, un ensemble de demi-cercles. Au centre, le Soleil est représenté sous la forme d’Apollon. L’image du dieu reprend une miniature byzantine qui appartenait au duc de Berry et montrait en fait l’empereur Héraclius (mort en 641).

Dans le ciel

Au-dessus de ce demi-disque solaire, sont dessinés 7 autres demi-cercles. En commençant par le plus petit, on a :
– les n° des jours du mois, 30 pour septembre.
– les lettres des premières lunes, une application du nombre d’or astronomique qui sert à faire coïncider les cycles lunaires et solaires.
– des croissants de lune qui rappellent les lettres des premières lunes situées en dessous.
– l’inscription « primaciones lune mensis septembribus dies XXX » : « première lune mois de septembre 30 jours »
– des signes du zodiaque qui débutent selon la position des astres au XV7 siècle: la Vierge et la Balance pour septembre
– le nom des signes du zodiaque montrés en dessous.
– les degrés de longitude contenu dans ces signes du zodiaques selon les astrolabes de la fin du Moyen-Âge.

©Photo. R.M.N. / R.-G. Ojéda

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Jhen à Bayeux

Depuis Abyme, j’avais de nouveau envie de raconter une histoire au cœur de ma bonne ville de Bayeux. Alors quand Casterman m’a proposé d’écrire une aventure de Jhen, le Alix du Moyen-âge, je n’ai pas hésité longtemps. C’était « oui » mais à condition qu’il se déroule chez moi, à l’ombre de la cathédrale Notre Dame et de sa tapisserie de la reine Mathilde. Heureusement pour moi, et Casterman et le dessinateur Paul Teng ont été d’accord.

Voici donc une première case du Conquérant, le futur tome 17 des aventures de Jhen, à paraître l’an prochain. Vous voyez, rien ne sera épargné au héros.