Le Sapin de Noël

Il s’agit d’une des traditions les plus vivaces qui entourent Noël (et ma préférée aussi).

Le sapin de Noël tire son origine de l’habitude de nombreux peuples de l’Antiquité de décorer leurs maisons aux alentours du solstice d’hiver (21 décembre) de branches à feuillage persistant, symbole de renaissance. A Rome, pendant les Saturnales, on suspendait du laurier, du buis ou de l’olivier chez soi et on laissait brûler constamment des lampes pour éloigner les esprits malins.

Un sapin de Noël chez Oscar Andersen en Norvège entre 1911 et 1926.

Mais, si on en croit la tradition catholique, le sapin de Noël tel que nous le connaissons serait apparu à la fin du VIe siècle en Gaule. Pendant une veillée de Noël, saint Colomban aurait emmené les moines du monastère de Luxeuil (Haute-Saône actuelle) jusqu’au sommet de la montagne voisine où se trouvait un vieux sapin encore adoré par les païens de la région. Les religieux accrochèrent leurs lanternes à ses branches et dessinèrent une croix lumineuse à son faîte avec leurs torches. Les paysans les virent de loin et accoururent voir ce spectacle inédit. Le saint en profita, bien sûr, pour les convertir. On ne se refait pas.

Une autre légende raconte que saint Boniface de Mayence, l’« apôtre des Germains », après avoir abattu le chêne de Thor adoré dans la région de Hesse, se servit de la forme triangulaire d’un sapin pour expliquer la Trinité divine aux peuples locaux. Il opposait aussi le sapin, arbre de l’Enfant Jésus, au pommier dont Adam et Eve mangèrent les fruits et qui causa leur chute. Bon, saint Boniface eut beau être très créatif en matière de symbole, il ne convainquit pas tout le monde : il fut massacré avec ses compagnons en Frise en 754.

le sapin de Noël qui décore le parvis de Notre Dame à Paris en 2018 © https://www.paristribune.info/

Plus tard au Moyen-Âge, les symboles du sapin et du pommier se sont rejoints plutôt que s’opposer. Dans les mystères, c’est un sapin, orné de pommes rouges – le fruit défendu -, qui sert à représenter l’arbre du Paradis pendant l’hiver. Dès le XVe siècle, cet « arbre du Paradis » est installé aussi aux sièges des corporations, à l’entrée des hôpitaux… dans les pays germaniques.

En 1492, l’Œuvre Notre-Dame, chargée de l’entretien de la cathédrale de Strasbourg installe un sapin dans chaque paroisse de la ville. A la même époque, toujours en Alsace, les particuliers commencent à orner leurs maisons de branches de sapin (enfin, c’est de cette époque que datent les premiers témoignages de cette pratique). Au XVIIe siècle, on passe au sapin entier. Après la guerre de 1870 et l’abandon de l’Alsace à l’Allemagne, de nombreux habitants de la région choisissent de venir vivre en France et importent avec eux la tradition du sapin de Noël.

Elle se retrouve un peu partout aujourd’hui. En 2014, plus de 5,7 millions de sapins naturels et 1 million de sapins artificiels ont ainsi été achetés dans notre pays.

« Tree » de Paul Mac Carthy installé sur la place Vendôme à Paris en 2014. Exposée dans le cadre de la programmation Hors les murs de la FIAC, cette œuvre fit scandale. Certains y voyant un sapin de Noël et d’autres un sex-toy. ©Jacques Brinon/SIPA

 

 

Les Très Riches Heures du duc de Berry : décembre

Voici la représentation du mois de décembre dans le livre liturgique de Jean de Berry, ce grand aristocrate de la fin du Moyen-Âge, fils du roi de France, Jean II le Bon.

Le duc aimaient beaucoup l’architecture. Il fit réparer ou agrandir un grand nombre de châteaux. Dans son fief, il fit reconstruire le palais ducal et bâtir la saint-Chapelle de Bourges sur le modèle de celle de Paris. Il ne faut donc pas s’étonner si de nombreux bâtiments figurent dans son livre d’heures. Ici, pour décembre, on aperçoit le donjon et les tours du château de Vincennes où le duc était né en 1340.

Ils sont à moitié dissimulés par des arbres au feuillage encore quasiment automnal et une scène de curée qui évoque elle aussi plutôt l’automne que l’hiver. Que cette illustration ait été réalisée par les frères Limbourg vers 1410 ou par leur continuateur des années 1440, l’auteur a fait preuve d’originalité. Dans les autres calendriers médiévaux, on représente plus volontiers l’abattage du cochon qui nourrira ses propriétaires pendant la saison morte et annonce la fête et le repas de Noël. La neige, en revanche, est un motif très rare à l’époque. Elle n’est présente que pour le mois de février et… c’est une des toutes premières fois si ce n’est la toute première fois dans une peinture médiévale !

©Photo. R.M.N. / R.-G. Ojéda

Dans les Très Riches Heures, vous pouvez découvrir aussi :

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une fête chrétienne illustrée dans le livre : l’Ascension

un étonnant « homme zodiacal »

Le violet : de la tristesse au féminisme

Il n’y a pas que les « gilets jaunes » qui défilaient hier : il y avait aussi le mouvement #NousToutes qui protestait contre les violences faites aux femmes. Il a choisi comme couleur le violet et, bien sûr, ce n’est pas un hasard.

A l’origine, pourtant, on en est loin. En Occident, le violet est d’abord la couleur de la tristesse et de la pénitence. Les rois de France portent le deuil en violet et non en noir. De son côté, le clergé catholique porte une tenue liturgique violette pendant toutes les périodes de jeûne comme le Carême, et les confréries de pénitents arborent souvent un manteau violet. Il faut dire qu’au Moyen-Âge, on voyait cette couleur comme un noir atténué, un « subniger » en latin.
Au XIXe siècle, l’idée demeure avec les peintres symbolistes et impressionnistes pour qui le violet exprime entre autres la lumière du soir, la lumière « qui meurt ».

Pourtant, à cette époque, le violet commence à prendre une autre connotation : il est repris par les mouvements suffragettes qui réclament le droit de vote pour les femmes. Mélange du bleu des garçons et du rose des filles, il se veut alors un symbole d’égalité. Après mai 68, cette couleur revint en force toujours dans les mouvements féministes. Elle est toujours présente depuis.

Jusqu’à présent je n’ai parlé sur ce site que d’une autre couleur… le jaune. Pour retrouver le petit article, c’est par ici : le jaune, symbolique d’une couleur

 

Photos de Pétra

Quelques images de la mystérieuse cité du tome 8 d’Alix senator.

Thanksgiving

Aujourd’hui c’est Thanksgiving. Cette fête est célébrée chaque année le quatrième jeudi de novembre aux États-Unis.

Les Pères pélerins

On fait traditionnellement remonter les origine de Thanksgiving aux Pères pèlerins, ces colons anglais qui fuirent les persécutions religieuses jusqu’au Massachusetts à bord du Mayflower en 1620. Ils y fondèrent le premier établissement britannique dans ce qui deviendra les États-Unis, dans la baie de Plymouth.
Mais leur installation fut très difficile et bientôt la moitié d’entre eux moururent du scorbut provoqué par les carences alimentaires. Les autres ne durent leur survie qu’à Suanto et Samoset, deux hommes de la tribu des Wampanoags, qui leur donnèrent à manger et surtout leur montrèrent comment chasser et cultiver le maïs.
Pour célébrer la première récolte, à l’automne suivant, William Bradford, le gouverneur de la colonie, décida de célébrer trois jours d’action de grâce. Il invita aussi une centaines de Wampanoags à venir partager un repas avec lui et ses compagnons.

De 1620 à nos jours

Par la suite, Thanksgiving fut plus ou moins célébré constamment jusqu’à nos jours. Au XVIIIe siècle, c’était surtout un jour de prière et de jeûne. L’importance de la fête crut après les périodes les plus troublées : gouverneurs d’États et présidents des États-Unis décrétèrent des Thanksgivings surtout dans une perspective religieuse, pour remercier Dieu du retour de la paix et/ou de la prospérité.
Même si cet aspect existe toujours, la fête s’est progressivement laïcisée en même temps qu’elle devenait annuelle. Aujourd’hui c’est un jour où la plupart des entreprises et des administrations sont fermées et où on se retrouve en famille pour un grand repas dont la pièce maîtresse est une dinde (animal découvert au Nouveau Monde par les Pères pèlerins).

Les Amérindiens

Cependant, une partie des Amérindiens considèrent Thanksgiving d’une manière sensiblement différente. La fête représente pour eux le début de l’accaparation de leurs territoires par les Européens, voire le début des guerres indiennes. Depuis les années 70, des cérémonies mémorielles ont parfois lieu en l’honneur des victimes de ses conflits. Mais la fête reste encore assez peu questionnée de nos jours.

 

Le jaune : symbolique d’une couleur

Le mot « jaune » vient du latin « galbinus » dérivé de « galbus » qui signifie déjà vert clair, jaune.

Dès le Moyen Âge, on différencie en Occident deux types de jaune : celui qui tire vers l’orangé ou le doré d’un côté et celui qui tire vers le vert de l’autre.
Si l’or est souvent utilisé dans les icônes ou les représentations de saints, le jaune éteint a, dès cette époque, une forte connotation négative. Ainsi, Judas, le compagnon du Christ qui le livre à ses bourreaux, est représenté avec une robe jaune. De même Ganelon, le chevalier félon, a une livrée jaune.

Depuis cette idée de trahison est restée collée au jaune : le « jaune », c’est toujours l’ouvrier briseur de grève, qui trahit ses camarades.

A cela s’ajoutent d’autres symboliques tout aussi déplaisantes : le jaune est la couleur des cocus trahis par leurs conjoints, des colériques que la bile jaune de la théorie des humeurs rend agressifs et violents, du rire jaune embarrassé ou honteux, du teint jaune des malades… On a l’embarras du choix !

Et ce ne sont pas les quelques utilisations positives de cette couleur comme le maillot jaune cycliste qui suffisent à la réhabiliter : le jaune reste encore actuellement la couleur la moins appréciée des Français
(cf Michel Pastoureau et Dominique Simonnet, Le petit livre des couleurs, Paris, Éditions du Panama, coll. « Points », 2005).

 

Gueule cassée

On commémore ce 11 novembre l’armistice de la Première Guerre Mondiale.
S’il y a bien un monument aux morts qui symbolise pour moi toute l’horreur sans fin de la guerre, c’est bien celui de Trévière près de chez nous. Et encore les photos ne suffisent pas à rendre le saisissement que l’on éprouve devant l’affreuse mutilation de la statue.

« Le monument aux morts de Trévières est un des plus émouvants de Normandie. Sculpté en 1920 par le sculpteur local Edmond de Laheudrie (1861-1946), il fut endommagé au cours de la Seconde Guerre mondiale par un éclat d’obus qui arracha la partie inférieure du visage de la statue. Cette femme, qui à l’origine représentait la victoire, est devenue symbole des gueules cassées de la guerre 14-18. »

Photo © Serge Philippe Lecourt

Pétain et Hitler à Montoire

La poignée de main entre Philippe Pétain et Adolf Hitler le 24 octobre 1940 à Montoire.

Dans le discours radiodiffusé qui suivit l’entrevue, le maréchal affirma entrer de son plein gré, « dans l’honneur », « dans la voie de la collaboration. »

Au moins 76 000 Juifs parmi lesquels 11 000 enfants, non réclamés au départ par les Allemands, ont été déportés de France sous l’Occupation, à 80 % après avoir été arrêtés par la police française du maréchal. Un tiers avait la nationalité française. Seuls 3 % survécurent aux déportations dans les camps de concentration.

Sans compter toutes les autres victimes.

Pétain fut ensuite frappé d’indignité nationale par arrêt du 15 août 1945. Il fut condamné à la confiscation de ses biens et à la peine de mort.
Sa peine fut commuée en emprisonnement à perpétuité par le général de Gaulle, alors chef du Gouvernement provisoire de la République française.

Les Très Riches Heures : novembre

Vous n’espériez pas y échapper, n’est-ce pas ?

Ce mois-ci, les Très Riches Heures du duc de Berry représentent une scène de glandée. Le paysan donne des coups de bâton dans les branches des chênes pour faire tomber les glands et nourrir son troupeau de cochons qui, abattu et salé, le nourrira tout l’hiver.
En général, cette activité est autorisée par le seigneur qui possède le bois de la Saint-Rémi, le 1er octobre, à la Saint-André, le 30 novembre.

Le paysage vallonné qui se trouve à l’arrière-plan est parfois rapproché de celui de la Savoie. Cette illustration n’aurait alors pas été réalisée par les frères Limbourg pour le duc de Berry mais par leur successeur, Jean Colombe, alors au service de Charles 1er de Savoie.

©Photo. R.M.N. / R.-G. Ojéda

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un étonnant « homme zodiacal »

La « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne »

Le 28 octobre 1791, Olympe de Gouges présente la « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne » à l’Assemblée nationale. Tout autant qu’un plaidoyer en faveur de l’émancipation féminine, c’est une prise de position en faveur des droits humains et de leur universalisation.

Inspiré de la « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » d’août 1789, le texte met clairement en lumière à quel point la Révolution a jusque-là oublié d’étendre aux femmes les principes de liberté et d’égalité.

Pourtant, dès les cahiers de doléances, des rédacteurs demandent que les femmes soient représentées à l’Assemblée nationale voire entrent au gouvernement. En juillet 1790, Condorcet écrit un article qui reprend ces idées: «  Sur l’admission des femmes au droit de cité » et, un an plus tard, plusieurs pamphlets paraissent à nouveau pour réclamer l’égalité homme/femme en politique comme « Du Sort actuel des femmes » écrit par madame de Cambis.

Olympe de Gouges, comme ses prédécesseurs, part du principe que les femmes qui possèdent toutes leurs facultés intellectuelles, ont, par nature, les mêmes droits que les hommes.
Bien que convaincue de la supériorité de la « nature féminine » sur la « nature masculine » Olympe de Gouges n’exclut pas les hommes de son projet, au contraire, ils forment la moitié de la Nation aux côtés des femmes, tous étant sur un pied d’égalité. Le fameux « homme » de la « Déclaration des droits de l’homme » est remplacé chez elle, non par la femme, mais par « la femme et l’homme ». La femme ne dispose par ailleurs d’aucuns droits ni privilèges particuliers : « Nulle femme n’est exceptée ; elle est accusée, arrêtée, et détenue dans les cas déterminés par la Loi. » (art. 7).

Ainsi si la femme a les mêmes devoirs que l’homme, elle doit avoir les mêmes droits.
Comme le dit l’art.10, « La Femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune ». Olympe de Gouges réclame donc pour elle la liberté, l’égalité, la sécurité, le même droit à la propriété, le même droit de résister à l’oppression… Cela implique une véritable révolution des mœurs à une époque où les femmes n’ont pas le droit de vote ni celui d’exercer des charges publiques ou d’entrer dans l’armée, et n’ont même pas un pouvoir égal à celui de leur conjoint dans la famille.

Inutile de dire que la « Déclaration des droits de la femme » est rejetée par l’Assemblée nationale. Des extraits en seront publiés seulement en 1840 et le texte dans son intégralité en 1986(!).


Ci-dessous :
– Portrait d’Olympe de Gouges
– Buste d’Olympe de Gouges avec sa Déclaration figurant dans la salle des Quatre-Colonnes du palais Bourbon (Assemblée nationale) depuis 2016.