Fdj : Madame de Sévigné

Avec le festival d’Angoulême, voilà une semaine que je ne vous ai pas posté de portrait de femme. Alors, je vais m’y remettre avec un grand classique : Madame de Sévigné.

Marie de Rabutin-Chantal, future marquise de Sévigné, naît le 5 février 1626 à Paris dans une famille de vieille noblesse. Son ancêtre Mayeul de Rabutin possédait déjà des terres dans le Charolais au XIIe siècle. La petite fille reçoit une solide éducation, connaît l’italien, l’espagnol et assez bien le latin.

À 18 ans, elle épouse Henri de Sévigné, dont les aïeux, des nobles bretons sans titre officiel, se sont pourtant fait appelés barons puis marquis. Elle devient alors ainsi qu’elle le dit marquise « par approximation bien plus que par usurpation ».

Ce mariage n’est pas très heureux mais, « heureusement », dès février 1651, Marie de Sévigné devient veuve. Son mari meurt dans un duel pour… défendre l’honneur de sa maîtresse, madame de Gondran. Il laisse à son épouse deux enfants dont une fille, Françoise, qui deviendra la principale destinatrice des lettres qui rendront célèbres sa mère.

En effet, mariée en 1669 au comte Grignan alors lieutenant général en Provence, la jeune fille quitte Paris deux ans plus tard avec lui pour Aix-en-Provence. Comme elle s’ennuie beaucoup, la marquise entreprend de lui raconter la gazette de Versailles. Elle lui écrit quasiment trois ou quatre fois par semaine pendant près de 30 ans. Les deux femmes ne se reverront que 3 fois pendant toutes ses longues années.

Les lettres de la marquise, si elles constituent un témoignage poignant d’amour maternel, sont aussi des récits très vivants des principaux événements auxquels elle assiste : procès de Fouquet, mariage de la Grande Mademoiselle, mort de Turenne, disgrâce de Pomponne, mort de Condé, de Louvois… Elle y détaille longuement les costumes, les paroles, les gestes de chacun et nous renseigne involontairement sur les mœurs de son temps, le tout dans un style quasi parlé, avec beaucoup d’humour et d’émotion.

Mais il ne faut pas voir dans ses lettres des documents intimes et destinés à la seule lecture privée de madame de Grignan. Elles sont parfois même recopiées avant même le départ du courrier pour être lues en société, dans les salons littéraires de l’époque. Madame de Sévigné acquiert ainsi, de son vivant même, une réputation de grande épistolière. La première publication de quelques-unes de ses lettres a lieu tout juste un an après sa mort en 1697. Elles ne cesseront plus ensuite d’être rééditées.

Portrait anonyme de madame de Sévigné vers 1670

Fdj : Song Qingling

Song Qingling est une femme politique chinoise, épouse de Sun Yat-sen, le premier président de la République de Chine.

Elle est née le 27 janvier 1893 dans une famille profondément chrétienne. Son père Charles Soong est un missionnaire méthodiste devenu entrepreneur dans l’imprimerie. Qingling a trois frères et deux sœurs. Celles-ci connaîtront des destins assez parallèles au sien : Soong Ai-ling épousera un riche homme d’affaire qui deviendra ministre des finances et Soong May-ling se mariera avec Tchang Kaï-chek qui sera lui aussi président de la République chinoise avant l’arrivée des Communistes au pouvoir.

Song Qingling rencontre Sun Yat-sen au Japon en 1914 après avoir étudié aux États-Unis. Elle devient sa secrétaire et rapidement entame une relation amoureuse avec lui. Très vite, ils veulent se marier mais les parents de la jeune fille s’y opposent tout comme les partisans du fondateur du Kuomintang, le « parti nationaliste » chinois. Il faut dire qu’en plus d’avoir 26 ans de plus que Song Qingling, Sun Yat-sen est marié depuis 30 ans avec Lu Muzhen, même s’ils ne vivent plus ensemble depuis longtemps – elle n’a pas pu le suivre dans ses pérégrinations aventureuses d’activiste politique, notamment à cause de ses pieds bandés. Les amis de Sun Yat-sen lui conseillent donc de prendre Song Qingling comme concubine. Mais les parents de celle-ci refusent. Ils emmènent leur fille à Shanghai et l’enferment dans leur maison. Peine perdue, elle parvient à s’échapper avec l’aide d’une domestique. Elle retourne au Japon où elle épouse enfin Sun Yat-sen qui vient d’obtenir le divorce. Les parents n’ont plus qu’à s’incliner devant le fait accompli.

Song Qinling entre 1939 et 1945, photo appartenant aux Imperial War Museums (Royaume-Uni).

La suite est moins romanesque. En 1922, elle fait une fausse couche qui la laisse stérile. Elle ne se consacrera plus désormais qu’à la lutte politique. En 1926, elle est élue au comité central exécutif du Kuomintang. Mais, l’année suivante, elle refuse l’entente de celui-ci avec la Bande Verte, une triade de Shanghai, et entre en conflit avec le nouvel homme fort du parti : Tchang Kaï-chek. Comme ses parents avaient refusé son mariage avec Sun Yat-sen, elle prétend empêcher le mariage de sa sœur Meiling avec lui. Des rumeurs se mettent à courir : il essaierait de la faire assassiner avec l’aide de la troisième sœur : Ailing. Song Qingling n’a plus le choix : elle rompt officiellement avec le parti en juillet et quitte la Chine.

Elle reste quatre ans en Europe. En 1936, elle rejoint la lutte anti-japonaise et renoue avec ses sœurs et le Kuomintang. Mais son hostilité pour Tchang Kaï-chek demeure et elle se rapproche petit à petit des Communistes. En 1949, après leur victoire, elle est le seul membre de sa famille à rester en Chine. Elle est alors nommée à d’importantes fonctions honorifiques : vice-présidente du gouvernement populaire central, présidente de l’Association des amitiés soviéto-chinoises et présidente honoraire de l’Association des femmes. Elle reçoit plusieurs prix internationaux comme le prix Staline pour la Paix (!).

En 1959, elle devient même vice-présidente de la République populaire de Chine. Persécutée ensuite par Jiang Qing, l’épouse de Mao Zedong, pendant la révolution culturelle, elle parvient à échapper aux purges grâce au soutien de celui-ci. Il met son nom en tête de la liste des cadres protégés. Elle est néanmoins de plus en plus isolée.

Elle meurt d’une leucémie en mai 1981, quinze jours après avoir été inscrite au parti communiste et instituée présidente honoraire de la République. Au final, si elle a été couverte d’honneurs par les dirigeants successifs de la Chine, son rôle politique a surtout été symbolique. Elle a très peu participé à la réalité des décisions et a surtout joué un rôle de représentation de l’État chinois à l’international.

Fdj : Izumo no Okuni

Au début du XVIIe siècle, le shogun Tokugawa Ieyasu interdit la pratique du théâtre de kabuki aux femmes. Pourtant, c’est bien à l’une d’elle que l’on doit la fondation de cet art de la scène : Okuni.

Elle naît, peut-être vers 1572, dans une famille de serviteurs du grand sanctuaire shinto d’Izumo et part très jeune en tournée pour recueillir des fonds pour le temple. On la retrouve ainsi à Kyoto exécutant des yayako odori, « danse de bébé ».

Plus tard, elle rencontre le succès en exécutant de manière sensuelle (érotique ?) le nembutsu odori, une danse en l’honneur du bouddha Amida. Elle y interprète un jeune homme (mais oui) qui prie le bouddha après une rupture amoureuse et évoque son bonheur perdu.

Mais, c’est en 1603 qu’elle entre dans l’Histoire en devenant sur la scène du temple Tenman-gu de Kyoto un kabuki-mono, un rônin devenu brigand, qui flirte avec une serveuse. Aujourd’hui, « kabuki » a pris le sens de « danse-chant-technique » mais ce n’est peut-être qu’un dérivé de ce tout premier personnage théâtral.

Quoi qu’il en soit, ce spectacle originel regroupe des chants et des danses, mais sans raconter d’histoire particulière. Okuni, soutenue financièrement par un certain Sanzaburo Ujisato, le complexifie petit à petit et commence à y intégrer des éléments dramatiques.
Parallèlement, elle continue à souvent jouer des personnages masculins : samouraï, prêtre chrétien… sa troupe est d’ailleurs entièrement féminine.

Le genre remporte un grand succès populaire et se répand très vite dans tout le Japon, en particulier dans les bordels de luxe qui veulent distraire des clients cultivés.
C’est cela qui cause finalement l’interdiction du shogun, interdiction qui perdure jusqu’au XXe siècle.

Statue hommage à Okuni à Kyoto, dans le quartier Pontochō (2003).

Fdj: Lorraine Warren

Une fois n’est pas coutume, je vais vous parler d’une femme dont l’anniversaire se fêtera pendant le festival d’Angoulême plutôt qu’aujourd’hui : Lorraine Warren. Née le 31 janvier 1927 dans le Connecticut, elle aurait pu apparaître dans SOS Fantomes si elle ne s’était pas prise autant au sérieux. « Medium et clairvoyante », elle forme avec son mari, le « démonologue » Ed Warren, le plus célèbre couple spécialiste des sciences occultes des États-Unis des années 70-80.

À la tête de la New England Society for Psychic Research qu’ils ont fondée en 1952, ils combattent une multitude de démons, fantômes et autres loups garous. On ne sait toujours pas aujourd’hui s’ils croient réellement aux phénomènes paranormaux ou s’ils ne sont qu’un banal couple d’escrocs. Quoi qu’il en soit, leurs livres rencontrent un grand succès et ils hantent les plateaux télé pendant des années avant de finir même par ouvrir le Warrens’ Occult Museum où ils conservent pieusement les traces de leurs infernales victimes.

Lorraine Warren dans son musée.

Le cas le plus célèbre auquel ils sont mêlés est celui d’Amityville. Oui, le Amityville du film d’horreur de Stuart Rosenberg (1979). Il m’a beaucoup impressionnée quand j’étais ado et c’est un peu pour ça que je vous parle de Lorraine Warren aujourd’hui.

Lorraine et la maison du diable

Pour ceux qui ne connaissent pas cette sinistre histoire : dans la nuit du 13 novembre 1974, le fils aîné de la famille DeFoe assassine avec un fusil ses parents et ses quatre frères et sœurs dans un quartier huppé de la petite cité d’Amityville. L’année suivante, une autre famille, les Lutz, vient s’installer dans la maison. Aussitôt, ils sont assaillis par des phénomènes paranormaux terrifiants. Apeurés, ils s’enfuient d’Amityville et racontent tout à l’écrivain Jay Anson qui transforme leurs mésaventures en best-seller.

Bien sûr, l’émotion publique passée, la plupart des gens admettent que tous les terribles événements postérieurs aux meurtres des DeFoe relèvent de la supercherie pure et simple. Tout cela n’est qu’un canular monté par Anson et les Lutz pour convertir en bon argent le vague malaise éprouvé par ces derniers à leur arrivée dans la « maison des meurtres ».

Pourtant, Lorraine et Ed Warren s’intéressent à cette affaire et arrivent à la conclusion… que les Lutz ont bien été les victimes de forces surnaturelles. Lorraine dit ressentir un profond sentiment d’horreur à la visite de la propriété. Ed aperçoit « des milliers de points lumineux » quand il descend à la cave. Des ombres noires se précipitent sur lui pour le jeter par terre. Un de leurs collaborateurs a un malaise et doit être évacué quand ils font une tentative pour entrer en contact avec les « habitants » de la maison…

Pour eux, le « mal » hante Amityville depuis des temps immémoriaux : la maison a été élevée sur le lieu où des indiens Montauketts gardaient leurs malades mentaux (une variante intéressante du fameux cimetière indien). Plus tard, un des sorciers de Salem s’est installé au même endroit pour rendre un culte au démon.

Curieusement, ce démon ne se manifeste plus jamais après 1976. Il laisse tranquille tous les nouveaux habitants de la maison. Ce n’est pas le cas des nombreux touristes qui continuent longtemps à les persécuter de leur curiosité et de leurs demandes de visites guidées. À défaut de pouvoir les exorciser, les Cromarty, qui ont racheté la maison aux Lutz, finissent par faire un procès à ceux-ci. Ils sont responsables de la notoriété malsaine de leur demeure après tout. Un accord à l’amiable est trouvé. Finalement, c’est peut-être juste le démon de l’argent qui hante la maison d’Amityville.

La maison du 112 Ocean Avenue à Amityville, le 7 décembre 2005. © Seulatr

Fdj : Agnès de Rome

Je vous avais prévenus que cette éphéméride féminine comporterait toute sorte de profils. Aujourd’hui, 21 janvier, je vous parlerai donc d’Agnès de Rome, sainte, vierge et martyre chrétienne.

On sait très peu de choses d’elle : elle serait née vers 290 dans la noblesse romaine et serait morte pour sa foi vers 304/305, peut-être le 21 janvier. Mais les hagiographes (les auteurs de vies de saints) n’ont pas hésité à remplir ce grand vide… et ils nous donnent ainsi à voir ce qu’était pour eux la femme parfaite. Accrochez-vous.

Selon la légende, Agnès est une très belle jeune fille, pure et chaste (comme le veut son nom qui vient d’ « agnos », pur en grec). Âgée seulement de 12 ans, elle rejette la demande en mariage du fils du préfet de la Ville en lui disant qu’elle a déjà un fiancé et qu’il est bien plus noble que lui. Furieux, le préfet la convoque pour connaître le nom de ce fameux fiancé responsable de l’humiliation de son rejeton. Agnès ne cherche pas à mentir : elle avoue être chrétienne alors qu’on est en pleine persécution, et que son futur mari est le Christ lui-même.

Bien sûr, cela met encore plus en colère le préfet qui ordonne à Agnès de sacrifier aux dieux de Rome sous peine d’être… enfermée dans un bordel. Les hagiographes aiment les détails « croustillants ». Comme la jeune fille refuse toujours de céder, elle est déshabillée ( !) et conduite nue jusqu’au lupanar promis. Mais là, le premier miracle se produit : ses cheveux poussent démesurément pour la couvrir toute entière ou presque.

Arrivée sur place, le convoi qui l’emmène est accueilli par un ange qui enveloppe Agnès d’une lumière divine. Aussitôt, tous s’inclinent et le bordel se transforme en lieu de prières.

Ignorant la situation, le fils du préfet arrive alors pour être le premier à profiter des charmes de la nouvelle pensionnaire. Mais il est intercepté par un démon qui l’étrangle avant qu’il ait pu la violer. On imagine l’état du préfet apprenant la nouvelle. Aussitôt, il ordonne que la pauvre Agnès soit brûlée comme sorcière mais un ultime miracle intervient. Le feu brûle ses bourreaux et l’épargne. Elle est finalement égorgée. Elle devait avoir épuiser le stock de miracles disponibles ce jour-là.

Vierge à l’Enfant avec sainte Martine de Rome, à gauche, et sainte Agnès à droite, entre 1597 et 1599, National Gallery of Art, Washington DC.

Fdj : Yvonne Baseden

Yvonne Baseden est une agente secrète du Special Operations Executive (la Direction des opérations spéciales), le service secret britannique qui opère en France pendant la Seconde Guerre mondiale.

Elle naît le 20 janvier 1922 à Paris et a la chance de passer son enfance à voyager en Europe. En 1937, ses parents finissent par s’installer à Londres et elle devient totalement bilingue anglais-français. Dès ses 18 ans, en 1940, elle s’engage dans la Women’s Auxiliary Air force. Deux ans plus tard, devenue officier (« Section Officer »), elle entre dans le service de renseignement de la Royal Air Force et participe avec succès aux interrogatoires de prisonniers allemands. Cela lui vaut d’être versée au SOE dès 1943.

© Madelgarius

Dans la nuit du 18 au 19 mars, elle saute en parachute au-dessus des Landes avec Gonzague de Saint-Geniès (dit « Lucien »). Tous deux parviennent séparément dans le Jura où ils doivent fédérer des maquis très dispersés. Yvonne devenue « Odette » joue alors surtout un rôle d’opérateur-radio. Mais elle se tient prête à prendre la place de « Lucien », si celui-ci venait à disparaître.

Le 26 juin 44, ils se réunissent avec tous les principaux membres de leur réseau dans une fromagerie de Dole. Un gros parachutage d’armes a eu lieu la veille et les résistants s’attardent pour fêter ça. Hélas, au même moment, un maquisard capturé par la police militaire allemande livre à ses geôliers l’emplacement de la réunion. On est tard dans la nuit. Il pense que tout le monde est déjà reparti de son côté.

À leur arrivée, les Feldgendarmes découvrent une grande table couverte d’assiettes. Ils postent des gardes un peu partout et attendent. Plusieurs heures plus tard, un bruit se fait entendre dans le grenier. Le soldat posté en dessous n’hésite pas et tire dans le plafond. Du sang s’en écoule. Les Allemands jette alors une grenade dans la soupente. Lucien est blessé. Il s’empoisonne pour ne pas tomber vivant aux mains des Allemands. Tous les autres, à l’exception du gardien de la fromagerie qui s’est caché dans la cave, sont fait prisonniers.

Odette est conduite à la feldgendarmerie avec les autres. Elle a des faux papiers et les policiers ne savent pas qui elle est. Torturée, soumise à un simulacre d’exécution, elle « fait l’idiote », obstinément. Ses compagnons ne la trahissent pas non plus. Cela lui sauve la vie, mais elle est quand même déportée au camp de Ravenbrück. Là, d’autres femmes identifiées comme appartenant au SOE sont exécutées. Yvonne faiblit mais parvient à toujours cacher son identité.

En avril 1945, Yvonne est finalement remise à la Croix rouge suédoise dont le vice-président, Folke Bernadotte, a réussi à passer un accord avec Heinrich Himmler, le chef suprême des SS en charge des camps de concentration et d’extermination. Ayant compris que la guerre ne va pas se terminer comme prévu, celui-ci a autorisé une opération de sauvetage de déportés surtout danois, norvégiens et francophones. Plus de 15 000 personnes sont sauvées à cette occasion. Les compagnons d’Odette ont moins de chance : la moitié sont exécutés par les Allemands et les autres ne sont libérés qu’à la fin des camps.

Fdj : Livie

Livie, Livia Drusilla de son vrai nom, est la troisième épouse d’Auguste. Elle n’est pas née le 18 mais le 30 janvier 58 av. J.-C. Or, le 30 janvier prochain, je serai à Angoulême et je ne pourrai pas vous faire de chronique quotidienne, faute de temps. Mais ça aurait quand même été dommage de passer à côté de la meilleure ennemie d’Alix senator, non ?

Livie est donc née en – 58 dans la plus haute aristocratie romaine. À quinze ans, elle épouse Tiberius Claudius Nero et donne naissance l’année suivante au petit Tibère, le futur empereur. Mais on est en pleine guerre civile et chacun doit prendre parti. Livie et son époux sont des césariens. Après les ides de mars, ils combattent les assassins du dictateur aux côtés de Marc Antoine. Ils prennent aussi son parti contre le jeune Octavien, le futur Auguste. En – 40, ils doivent même prendre précipitamment la fuite pour échapper à ses proscriptions. Ils se réfugient en Sicile puis en Grèce. Ils ne reviennent en Italie qu’après la paix de Brindes qui réconcilie provisoirement les deux triumvirs.

C’est l’occasion pour Livie de rencontrer Octavien/Auguste en septembre – 39. Coup de foudre, coup politique ou les deux, elle quitte immédiatement son mari pour son ancien ennemi. Lui attend que sa précédente épouse ait accouché de leur fille, Julie, et la renvoie aussitôt. Dès le lendemain, le 17 janvier -38, il épouse Livie. Elle est enceinte de six mois de Tiberius et accouche en avril de son second et dernier fils, Drusus. Elle n’aura jamais d’enfant d’Auguste.

Statue de Livie représentée en déesse Ops avec sa gerbe de blé et sa corne d’abondance, début du 1er siècle de notre ère, musée du Louvre.

Leur mariage dure pourtant jusqu’à la mort de l’empereur, 52 ans plus tard. S’il est à peu près constamment infidèle, les époux restent malgré tout très proches. Livie est présentée par la propagande impériale comme la matrone idéale, vertueuse et volontairement confinée à la sphère privée. Mais la réalité est assez différente : elle continue de s’intéresser activement à la politique toute sa vie. Auguste a des discussions avec elle avant de réunir ses conseillers officiels et de prendre ses décisions. Il prépare même leurs entretiens politiques par écrit, tant il craint ses réflexions et ses réparties. Les autres aussi d’ailleurs : beaucoup se méfient de l’influence de Livie et lui attribue les « mauvaises » décisions de l’empereur – les bonnes étant de lui en personne, forcément. C’est le début de la légende noire de Livie.

Sa mauvaise réputation auprès des historiens antiques va beaucoup plus loin. Ils l’accusent, par exemple, de faire empoisonner tous ceux qui se trouvent entre son fils Tibère et la succession impériale : le fils d’Octavie, la sœur d’Auguste, mais aussi Gaius et Lucius César, les petits-fils préférés de l’empereur. Livie aurait d’ailleurs fini par l’assassiner aussi en lui offrant des figues empoisonnées. On sait aujourd’hui que tout cela est pure invention.

Planche montrant Livie rendant visite aux galles, les prêtres de Cybèles, dans son temple du Palatin, juste à côté de la demeure impériale, Alix senator, tome 7, éditions Casterman.

Devenue veuve en 14 apr. J.-C., Livie devient une prêtresse du « divin Auguste » qui a rejoint officiellement son grand-oncle César parmi les immortels. Elle continue cependant de jouer un rôle politique auprès de Tibère. Celui-ci le vit de plus en plus mal et leurs rapports sont conflictuels. En 26, il part vivre en solitaire dans l’île de Capri et ne reviendra jamais à Rome.

Livie, elle, meurt en 29, à 86 ans. Elle rejoint Auguste dans son mausolée. En l’absence de Tibère, c’est Caligula, l’arrière-petit-fils de la défunte, qui prononce son éloge funèbre. En 42, un autre de ses descendants, l’empereur Claude, lui accorde l’apothéose et en fait une déesse à l’égal d’Auguste.

Femme du jour : Eartha Kitt

Eartha Mae Kitt est une célèbre chanteuse et actrice américaine qui a connu plusieurs heures de gloire au siècle passé.

Sa vie commence comme un mauvais film : elle nait le 17 janvier 1927 dans une plantation de coton de Caroline du sud, du viol d’une jeune femme noire et cherokee par un homme d’origine allemande ou néerlandaise.

Dès 1943, elle danse dans la troupe de Katherine Dunham, une pionnière de la danse afro-américaine, et fait des tournées dans le monde entier. Mais c’est en 1950 qu’elle rencontre la notoriété en incarnant Hélène de Troie dans Time runs d’Orson Wells. Celui-ci justifie son choix, jugé très iconoclaste à l’époque, d’une artiste « noire » pour incarner la « blonde » Hélène par le fait qu’Eartha Kitt est « the most exciting woman in the world ».

Par la suite, elle enregistre de nombreux titres qui deviennent des classiques comme la chanson de Noël Santa Baby. Elle continue aussi à participer à des comédies musicales à Broadway, à tourner des films (The Mask of the hawk  de Sidney Poitier en 1957) et des séries télévisées. En 1967, elle est la Catwoman de Batman.

©Closer

Parallèlement, Eartha Kitt qui appartient à la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté s’engage contre la guerre du Viet-Nam. En 1968, une intervention dans ce sens lors d’un déjeuner à la Maison Blanche lui vaut d’être mise à l’index aux États-Unis. Elle doit aller poursuivre sa carrière à l’étranger jusqu’en 1974. Cette expérience très dure ne l’empêche pas de s’investir plus tard dans le combat pour les droits LGBT et le mariage des personnes de même sexe, cela jusqu’à sa mort en 2008.

Entretemps, Eartha Kitt renoue avec le grand succès dans les années 80. Sa voix gutturale très particulière lui permet même d’enchaîner les tubes internationaux de 1983 à 86 : Where Is My Man, I Love Men, This Is My Life et I Don’t Care.

©Closer

Femme du jour : Dian Fossey

Dian Fossey est une primatologue américaine qui a étudié les gorilles au Rwanda des années 60 à 1985.

Née le 16 janvier 1932, Dian Fossey est très jeune attirée par les animaux, mais ses études de vétérinaire ne la mènent nulle part. Déçue, elle se replie sur l’ergothérapie et, son diplôme en poche, s’occupe d’enfants en difficulté dans un hôpital du Kentucky. Pourtant, elle n’oublie pas ses rêves d’enfance : en 1963, elle emprunte l’équivalent de trois ans de son salaire et part six mois en Afrique. Elle y découvre le Rwanda et ses grands singes. C’est le coup de foudre.

Dian Fossey joue avec de jeunes gorilles, © Robert I.M. Campbell, National Geographic Creative

Elle revient ensuite le plus souvent possible dans la région et, en 1967, crée le Karisoke Research Center, dans les montagnes des Virunga. Sept ans plus tard, elle obtient son doctorat en zoologie à l’Université de Cambridge. Elle ne cessera plus d’étudier les gorilles jusqu’à sa mort et sera reconnue comme une de leurs plus grandes spécialistes.

La couverture du National geographic de 1970

En janvier 1970, sa photo en couverture du « National geographic », qui finance la fondation qui la soutient, la rend mondialement célèbre. Elle commence à sensibiliser le public sur le sort des grands singes et le danger de leur possible extinction. Le braconnage est alors endémique dans le Parc national où elle travaille. Les bébés gorilles sont enlevés, les parents tués (ils luttent jusqu’à la mort pour conserver leur progéniture) et leurs têtes et leurs mains… vendues comme trophées aux touristes.C’est peut-être cet engagement qui cause la perte de Dian Fossey en décembre 1985 : elle est retrouvée assassinée à coups de machette dans sa hutte. A ce jour, son meurtrier reste inconnu. Le principal suspect, Protais Zigiranyirazo, soupçonné de diriger un trafic de bébés gorilles, est aussi le préfet de la région qui commande l’enquête sur la mort de la primatologue. Il est plus tard considéré comme un des principaux responsable du génocide du Rwanda de 1994.

Femme du jour : Sofia Kovalevskaia

Sofia Kovalevskaia est une mathématicienne russe qui participe à la Commune de Paris.

Née le 15 janvier 1850, elle suit des cours à l’université allemande de Heidelberg avant de convaincre Karl Weierstrass, le « père de l’analyse moderne » qui travaille surtout sur les fonctions elliptiques, de la prendre comme élève. Comme les femmes ne sont pas admises à la faculté de Berlin où il enseigne, il accepte de lui donner des leçons privées.

Très vite cependant, Sofia Kovalevskaia quitte l’Allemagne pour la France où elle rejoint sa sœur, Anna Jaclard. Toutes deux sont des socialistes et des féministes révolutionnaires. Anna, qui appartient à la section russe de l’Internationale, siège au Comité de vigilance de Montmartre et a co-fondé le journal « La Sociale ».

Après le dramatique échec de la Commune, Sofia retourne aux mathématiques. Elle travaille sur les équations aux dérivées partielles, améliorant un résultat d’Augustin Cauchy et finissant par définir le théorème de Cauchy-Kovalevskaia. Pour les amateurs : le théorème de Cauchy-Kovalevskaia est un théorème d’analyse à plusieurs variables stipulant qu’une équation aux dérivées partielles bien posée admet une solution unique pour un ensemble complet de conditions initiales. (Ne m’en demandez pas plus).

Sofia Kovalevskaia écrit aussi un traité sur les intégrales abéliennes et un autre sur la forme des anneaux de Saturne. Ces travaux lui permettent d’obtenir le titre de docteur de l’université de Göttingen en 1874. Une femme doit alors présenter trois traités de mathématiques différents quand un homme peut se contenter d’un seul. Le sexe de Sofia l’empêche aussi de soutenir ses thèses publiquement et elle est reçue « in absentia ». Bien sûr, elle n’est pas non plus autorisée à enseigner.

De retour en Russie, elle n’y trouve toujours pas de faculté prête à l’embaucher. Après le suicide de son mari, un paléontologue nihiliste comme elle, elle voyage à nouveau, vers la Suède cette fois. En 1884, elle est enfin nommée à l’université de Stockholm. Elle y étudie la rotation d’un corps solide autour d’un point fixe, un vieux problème sur lequel elle jette un regard là encore résolument novateur.

Aujourd’hui, son apport aux mathématiques est unanimement reconnu. Elle a d’ailleurs donné son nom à deux prix de mathématiques : le Prix Sofia Kovalevskaïa décerné en Allemagne à de jeunes scientifiques et le prix Kovalevskaïa qui promeut les femmes scientifiques sciences des pays en développement.