Fdj : Melita Norwood

Née le 25 mars 1912 en Angleterre, Melita Norwood mène la paisible vie d’une secrétaire à l’Association de recherche des métaux-non ferreux de 1932 à sa retraite en 1972. Femme sans histoire, elle se marie, devient veuve et n’attire jamais l’attention sur elle… Enfin jusqu’en 1999.

Melita Norwood © Times Newspapers Ltd

A cette date, paraissent les Archives Mitrokhine, les dossiers jusque-là tenus secrets d’un ancien archiviste du KGB passé à l’Ouest en 1992.
Et là, c’est le choc : Melita, ou plutôt « Hola » de son nom de code a espionné pour le compte du KGB de 1937 à 1972 ! L’URSS lui verse même une petite pension et l’a décorée de l’Ordre du Drapeau Rouge pour ses excellents états de service !

Mais revenons au début. Melita est la fille d’un couple de communistes convaincus. Son père a traduit et imprimé les œuvres de Lénine et Trotski. Melita elle-même adhère aux idéaux du Parti. Aussi, quand un agent soviétique l’approche en 1937, elle n’hésite pas. Elle accepte de photographier et de transmettre au KGB les documents qui passent entre ses mains pendant ses heures de travail. Sa motivation restera toujours idéologique. Elle ne sera jamais pécuniaire.

Mais pourquoi le KGB s’intéresse-t-il autant aux métaux-non ferreux ? Tout simplement parce que la connaissance des propriétés de métaux tels que l’uranium conditionne alors la recherche atomique. Pendant la guerre, l’association de Melita participe même au programme d’armement « Tube Alloys » qui doit doter l’Angleterre de la bombe atomique. Selon les historiens, les renseignements fournis par Melita ont pu faire gagner deux ou trois ans de recherches aux Soviétiques.

Soupçonnée plusieurs fois, elle perd l’accès aux documents les plus importants en 1951 mais elle n’en continue pas moins sa mission jusqu’à sa mise à la retraite.

Vingt ans plus tard, en 1992, Mitrokhine arrive en Angleterre et livre ses dossiers au MI5. Melita devrait alors être inquiétée (pour le moins), mais le jeune agent en charge de son affaire juge inutile de « harceler une vieille dame ». Elle échappe donc à toute poursuite et à toute sanction.

Interrogée sur son passé peu de temps avant sa mort en 2005, elle ne regrettait rien et conservait toujours sa foi dans le communisme, « une bonne idée » définitivement.

 

Fdj : la comtesse de Castiglione

Virginia Oldoïni, contessa di Castiglione est née à Florence le 22 mars 1837. Elle a à peine 18 ans quand son cousin, le comte de Cavour, lui demande de séduire Napoléon III afin de lui faire soutenir l’unification de l’Italie alors en pleine gestation. Mariée et tout juste mère d’un petit garçon, elle accepte sans hésiter.

Elle rencontre l’empereur à un bal en janvier 1856 et lui plait immédiatement. Il faut dire qu’il a 30 ans de plus qu’elle et qu’elle est réputée être « la plus belle femme de son siècle ». Mais le double adultère fait scandale. Le comte de Castiglione, qu’elle a ruiné au passage, doit se séparer de son épouse. Elle reste seule à Paris jusqu’au 5 avril 1857.

Cette nuit-là, Napoléon III manque de se faire assassiner en sortant de chez elle par trois Italiens à la solde des républicains et révolutionnaires de leur pays. Soupçonnée à tort de complicité, Virginia est expulsée de France… où elle revient un mois plus tard.

Son influence a-t-elle été décisive ?

En tout cas, l’année suivante, en juillet 1858, a lieu l’entrevue secrète de Plombière entre l’empereur et le comte de Cavour. Elle aboutit à une alliance, définissant une stratégie pour que l’unité italienne voit le jour. En échange de l’aide de la France, le futur chef du gouvernement italien promet à Napoléon III la Savoie et la ville de Nice. Elles deviendront effectivement françaises deux ans plus tard.

La comtesse connaît ensuite un grand succès dans toutes les cours européennes. Mais elle ne supporte pas de vieillir et de voir sa beauté décliner. Elle s’enferme petit à petit dans son appartement. Elle en fait voiler les miroirs et ne sort plus qu’à la nuit tombée pour que les passants ne puissent pas voir « les ravages du temps » sur son visage.

Elle meurt finalement en 1899, âgée seulement de 62 ans. Elle qui fut une des femmes les plus aimées et les plus admirées de sa génération n’a plus alors pour seuls compagnons que ses chiens empaillés .

La comtesse photographiée par Pierre-Louis Pierson dans les années 1860.

Pallas et le centaure

Allégorie du jour :
“Pallas et le centaure” ou la Raison doit dominer les bas instincts ou ” Tu resteras chez toi tant qu’on te le demandera, nom de Zeus !”

Cette peinture allégorique peinte par Sandro Botticelli en 1482 sera à nouveau visible dès la fin du confinement au Musée des Offices de Florence.

Pallas est un autre nom de la déesse Athéna, divinité de la Sagesse, qui apaise ici de la main un centaure, chimère mi-homme – mi-cheval symbole dans l’Antiquité et la Renaissance de bestialité.

La licorne en captivité

C’est l’allégorie du jour, la tapisserie finale de la série de la « Chasse à la licorne » qui en compte sept.

Réalisées peu de temps avant la fameuse « Dame à la licorne », elles ont sans doute été tissées à Bruxelles ou à Liège à l’occasion du (troisième) mariage d’Anne de Bretagne avec le roi de France Louis XII en 1499.

(Anne de Bretagne, la même qui a commandé le tombeau de la cathédrale de Nantes avec l’étrange allégorie bicéphale de la Prudence, une femme de goût donc 🙂 )

Ces tapisseries sont aujourd’hui conservées à New York au Musée des Cloîtres. Il faut dire qu’elles ont longtemps intéressé très peu de gens en France.

À la Révolution, saisies comme biens nationaux, elles ont même servi pour recouvrir un stock de pommes de terre.

Je vous laisse admirer le fond de mille-fleurs.

Fdj : Rosa Bonheur

Rosa Bonheur photographiée par Eugène Disdéri en 1865

Le 16 mars 1822, naissait à Bordeaux la future peintre et sculptrice Rosa Bonheur. Spécialisée dans la peinture animalière, elle connut un très grand succès de son vivant. Dès 1856, elle n’eut même plus besoin d’exposer au Salon : toutes ses œuvres étaient vendues d’avance. Les amateurs spéculaient déjà sur elles et certaines partirent jusqu’aux États-Unis.

Le Marché aux chevaux (1853), New York, Metropolitan Museum of Art.

En 1867, Rosa Bonheur, devenue riche, fut même la première femme artiste à recevoir la légion d’honneur. L’impératrice Eugénie la lui donna en personne. Elle voulait montrer que « le génie n’avait pas de sexe ». Cependant, la peintre ne fit jamais l’unanimité. De nombreux critiques lui reprochèrent son indifférence pour les courants artistiques qui modernisèrent la peinture de son époque. Ils en firent le symbole du conservatisme tant pictural que politique.

Labourage nivernais (1849), Paris, Musée d’Orsay.

Pourtant, si Rosa Bonheur fut effectivement très conservatrice sur bien des aspects, elle mena une vie de femme bien en avance sur son temps. Elle refusa obstinément de se marier pour garder son indépendance financière autant que par désintérêt envers les hommes. Mais elle ne vécut pas seule pour autant. Quoique niant toute homosexualité (on est au XIXe siècle), elle s’installa avec deux compagnes successives, peintres comme elle. Ensemble, elles organisèrent la diffusion des leurs œuvres sous forme d’estampes, organisèrent un atelier de production et développèrent tout un « marketing » autour de Rosa et de ses tableaux.

Permission de travestissement accordée par la préfecture de police à Rosa Bonheur en 1857

En 1889, lors de l’Exposition universelle de Paris, elle se lia même à Buffalo Bill et partit à Chicago en 1893 où elle rencontra également le succès.

Portrait de Buffalo Bill (1889), Cody (Wyoming), Whitney Gallery of Western Art Collection.

Elle mourut d’une congestion pulmonaire six ans plus tard, laissant derrière elle plus de 2 100 œuvres. Elles sont aujourd’hui dispersées dans des musées du monde entier mais on peut encore visiter l’atelier de l’artiste dans son château de By, près de Paris.

Les Ides de mars 2020

Bon les amis, c’est aujourd’hui les ides de mars… Je sais bien que vous avez d’autres choses à penser vu l’actualité. Moi aussi et c’est pourquoi vous avez pu constater que mes statuts portraits ou autres se faisaient plus rares ces temps-ci.

Mais, pour conserver un lien avec l’Histoire, le peplum, l’Art et tout ce qui n’est pas justement dans l’actualité immédiate, voici “La Mort de César” par Jean-Léon Gérôme (1859-1867, Walters art museum).

Bon courage à tous.

Les Ides de Mars

Au matin des ides de mars 44 avant Jésus-Christ, Jules César, mon dictateur perpétuel préféré, était assassiné de 23 coups de couteau par une conjuration de sénateurs au pied de la statue de Pompée, son meilleur ennemi.

Menés par Marcus Junius Brutus et Caius Cassius Longinus, ces grands aristocrates romains s’opposaient à la dérive autocratique de César. Ils ne se rendaient pas compte que leur défense désespérée de la République romaine traditionnelle allait relancer les guerres civiles et surtout ouvrir la voie au petit-neveu de César, le futur Auguste.

J’ai toujours voulu représenter ce tragique événement dans une de mes BD. Cela paraissait difficile dans Alix Senator qui se déroule une trentaine d’années après. Mais j’ai trouvé une solution dans la lignée de Jacques Martin. Ne pouvant raconter directement l’aventure de Spartacus, il consacre un album à son fils où un ancien révolté évoque ses souvenirs de la guerre servile. Dans Alix Senator, j’imagine donc que Césarion a survécu à la chute de l’Égypte, complote contre Auguste et connaît la même fin tragique que son père supposé.

Ci-dessous, la mort de Césarion dans Alix Senator, tome 3 : La Conjuration des Rapaces.

Fdj : Les sœurs Press et l’intersexualité des athlètes

Le 10 mars 1939, naît à Kharkov la petite Irina Press. Avec sa sœur Tamara, elle va faire couler beaucoup d’encre dans l’Occident de la Guerre Froide.

Le 10 mars 1939, naît à Kharkov la petite Irina Press. Avec sa sœur Tamara, elle va faire couler beaucoup d’encre dans l’Occident de la Guerre Froide.

Le début de leur histoire est malheureusement typique de l’URSS de cette époque. Leur père meurt pendant la Seconde Guerre mondiale et elles doivent fuir les Nazis qui détruisent leur maison. Plus tard, elles deviennent toute deux étudiantes à l’université de Léningrad.

Mais c’est dans le domaine du sport qu’elles révèlent tout leur potentiel : Tamara est médaillée d’or aux Jeux olympiques de 1960 au lancer du poids et de 1964 au lancer du poids et du disque tandis qu’Irina gagne le 80 m haies en 1960 et le pentathlon en 1964. Elles deviennent des héroïnes très populaires dans tout le bloc de l’Est.

À l’Ouest, au contraire, les média se déchaînent contre elles : on les dit hermaphrodites ou bien bourrées d’hormones masculines, on les surnomme les « frères Press » et on en fait le symbole des déviances réelles ou supposées d’un URSS prêt à tout pour obtenir des médailles et la suprématie sportive mondiale.

La polémique devient telle que lors des championnats d’Europe d’Athlétisme de 1966, les officiels introduisent un « test de féminité » qui doit déterminer, et donc empêcher de participer, les athlètes femmes qui seraient en fait intersexuées. On le pratiquera ensuite pendant tous les Jeux Olympiques jusqu’en l’an 2000. Et ce n’est qu’en 2011 que la fédération internationale commencera timidement à accepter les personnes intersexuées en autorisant les femmes atteintes d’hyperandrogénie à participer aux compétitions avec les autres femmes… si elles affichent des niveaux d’androgène inférieurs aux valeurs des hommes. Aujourd’hui ce règlement discriminatoire existe toujours, même s’il a été plusieurs fois suspendu, et le débat autour des athlètes intersexués demeure très vif.

Mais revenons en 1966 : dès que la fédération soviétique d’athlétisme a connaissance du nouveau test de féminité, elle retire les candidatures d’Irina et de Tamara Press. Cela vaut aveu pour la presse occidentale. Aujourd’hui, on ignore toujours ce qu’il en est en réalité et les noms des deux sœurs demeurent au palmarès des Jeux.

Après la fin de leur carrière sportive, elles se reconvertissent facilement. Irina s’engage dans les troupes dédiées aux frontières et Tamara devient ingénieure civile.

Tamara (à gauche) et Irina Press © Getty Images

Petite histoire du 8 mars

Je n’allais pas laisser passer le 8 mars sans évoquer la Journée internationale de lutte pour les Droits des femmes.

Nous la devons à Clara Zetkin et Alexandra Kollontaï, toutes deux politiques communistes et, bien sûr, très engagées pour l’émancipation des femmes. Elles proposent la création de la journée des droits dès 1910 pendant la Première conférence internationale des femmes socialistes et l’inscrivent alors dans une perspective révolutionnaire.

Sept ans plus, le 8 mars, des ouvrières manifestent à St Péterbourg pour réclamer du pain et le retour des soldats de la guerre. C’est le début de la Révolution de février.
Pour commémorer l’action de ces manifestantes, Lénine décrète dès 1921 que le 8 mars sera la journée des femmes.

Après la seconde guerre mondiale, l’idée se répand ailleurs dans le monde. En 1957, New York adopte aussi la journée internationale des femmes.Ce sera le cas de l’ONU en 1977, puis de la France en 1982, un an après l’arrivée du PS au pouvoir.

De révolutionnaire, le 8 mars est devenu plus féministe aujourd’hui.

On peut trouver bien des défauts à cette journée notamment l’usage marketing et publicitaire qui en est fait, pourtant, comme le rappelait il y a deux ans le secrétariat d’Etat chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes sur Twitter : « Le 8 mars, ce n’est pas un jour en l’honneur des femmes, un hommage à la beauté des femmes, c’est une journée pour rappeler le chemin qu’il reste à parcourir »

 

 

Caesar, l’ancêtre de Milou

En faisant de petites recherches sur Jules César sur des pages en anglais – oui, chacune ses vices -, je suis tombée, tenez-vous bien… sur un ancêtre de mon fidèle Milou. Il s’appelait « Caesar » lui aussi et appartenait, non à la famille impériale romaine, mais à celle des rois d’Angleterre.

C’est l’historien des animaux – et des couleurs – Michel Pastoureau qui en parle : Caesar, le fox-terrier à poil dur blanc du roi Édouard VII, l’arrière-grand père de la reine Élizabeth II pour ceux qui regardent The Crown comme moi, aurait peut-être inspiré Hergé.

Mais qui était vraiment Caesar ? Wikipédia  – oui, il a sa page, comme tous les habitants successifs de Buckingham Palace –  nous apprend que Caesar est né en 1898 de Cackler of Notts et qu’il fut offert par lord Dudley au roi en 1902. Son prédécesseur, Jack, venait tout juste de s’étouffer avec de la nourriture. Oui, c’est dur dur d’être chien royal.

Caesar disposait d’ailleurs de son propre valet de pied et pouvait dormir sur un fauteuil près du lit du roi. Celui-ci lui passait tous ses caprices. Il lui pardonna même d’avoir tué les lapins des filles de lord Redesdale.

Après la mort d’Edouard VII en 1910, Caesar fut inconsolable jusqu’à ce que la reine Alexandra lui donne ses friandises favorites. Rasséréné, il participa au cortège funèbre directement derrière le cercueil du souverain au grand dam du nouveau roi George V et du kaiser Guillaume II qui n’avaient pas l’habitude marcher derrière qui que ce soit… Ce fut l’heure de gloire de Caesar.

Caesar survécut encore quatre ans à son maître. Il resta dans la maisonnée royale jusqu’à ce qu’une opération l’emporte en avril 1914. Heureusement, Milou est éternel, lui.