L’actualité

Sorties repoussées pour Alix senator 10 et Jhen 18

C’était devenu inévitable : les sorties du tome 10 d’ Alix Senator et du tome 18 de Jhen sont repoussées sine die.

Ce n’est pas ce qui arrive de pire en ce moment, j’ai même de la chance par rapport à mes amis auteurs dont les livres sont parus au moment même où les librairies fermaient.

J’ai évidemment un peu de vague à l’âme, mais ce n’est que partie remise. On se rattrapera dès que tout ça sera derrière nous. 🙂

D’ici là, bon courage à tous, en particulier à ceux qui sont en première ligne !

 

La licorne en captivité

C’est l’allégorie du jour, la tapisserie finale de la série de la « Chasse à la licorne » qui en compte sept.

Réalisées peu de temps avant la fameuse « Dame à la licorne », elles ont sans doute été tissées à Bruxelles ou à Liège à l’occasion du (troisième) mariage d’Anne de Bretagne avec le roi de France Louis XII en 1499.

(Anne de Bretagne, la même qui a commandé le tombeau de la cathédrale de Nantes avec l’étrange allégorie bicéphale de la Prudence, une femme de goût donc 🙂 )

Ces tapisseries sont aujourd’hui conservées à New York au Musée des Cloîtres. Il faut dire qu’elles ont longtemps intéressé très peu de gens en France.

À la Révolution, saisies comme biens nationaux, elles ont même servi pour recouvrir un stock de pommes de terre.

Je vous laisse admirer le fond de mille-fleurs.

Fdj : Rosa Bonheur

Rosa Bonheur photographiée par Eugène Disdéri en 1865

Le 16 mars 1822, naissait à Bordeaux la future peintre et sculptrice Rosa Bonheur. Spécialisée dans la peinture animalière, elle connut un très grand succès de son vivant. Dès 1856, elle n’eut même plus besoin d’exposer au Salon : toutes ses œuvres étaient vendues d’avance. Les amateurs spéculaient déjà sur elles et certaines partirent jusqu’aux États-Unis.

Le Marché aux chevaux (1853), New York, Metropolitan Museum of Art.

En 1867, Rosa Bonheur, devenue riche, fut même la première femme artiste à recevoir la légion d’honneur. L’impératrice Eugénie la lui donna en personne. Elle voulait montrer que « le génie n’avait pas de sexe ». Cependant, la peintre ne fit jamais l’unanimité. De nombreux critiques lui reprochèrent son indifférence pour les courants artistiques qui modernisèrent la peinture de son époque. Ils en firent le symbole du conservatisme tant pictural que politique.

Labourage nivernais (1849), Paris, Musée d’Orsay.

Pourtant, si Rosa Bonheur fut effectivement très conservatrice sur bien des aspects, elle mena une vie de femme bien en avance sur son temps. Elle refusa obstinément de se marier pour garder son indépendance financière autant que par désintérêt envers les hommes. Mais elle ne vécut pas seule pour autant. Quoique niant toute homosexualité (on est au XIXe siècle), elle s’installa avec deux compagnes successives, peintres comme elle. Ensemble, elles organisèrent la diffusion des leurs œuvres sous forme d’estampes, organisèrent un atelier de production et développèrent tout un « marketing » autour de Rosa et de ses tableaux.

Permission de travestissement accordée par la préfecture de police à Rosa Bonheur en 1857

En 1889, lors de l’Exposition universelle de Paris, elle se lia même à Buffalo Bill et partit à Chicago en 1893 où elle rencontra également le succès.

Portrait de Buffalo Bill (1889), Cody (Wyoming), Whitney Gallery of Western Art Collection.

Elle mourut d’une congestion pulmonaire six ans plus tard, laissant derrière elle plus de 2 100 œuvres. Elles sont aujourd’hui dispersées dans des musées du monde entier mais on peut encore visiter l’atelier de l’artiste dans son château de By, près de Paris.

Les Ides de mars 2020

Bon les amis, c’est aujourd’hui les ides de mars… Je sais bien que vous avez d’autres choses à penser vu l’actualité. Moi aussi et c’est pourquoi vous avez pu constater que mes statuts portraits ou autres se faisaient plus rares ces temps-ci.

Mais, pour conserver un lien avec l’Histoire, le peplum, l’Art et tout ce qui n’est pas justement dans l’actualité immédiate, voici “La Mort de César” par Jean-Léon Gérôme (1859-1867, Walters art museum).

Bon courage à tous.

Les Ides de Mars

Au matin des ides de mars 44 avant Jésus-Christ, Jules César, mon dictateur perpétuel préféré, était assassiné de 23 coups de couteau par une conjuration de sénateurs au pied de la statue de Pompée, son meilleur ennemi.

Menés par Marcus Junius Brutus et Caius Cassius Longinus, ces grands aristocrates romains s’opposaient à la dérive autocratique de César. Ils ne se rendaient pas compte que leur défense désespérée de la République romaine traditionnelle allait relancer les guerres civiles et surtout ouvrir la voie au petit-neveu de César, le futur Auguste.

J’ai toujours voulu représenter ce tragique événement dans une de mes BD. Cela paraissait difficile dans Alix Senator qui se déroule une trentaine d’années après. Mais j’ai trouvé une solution dans la lignée de Jacques Martin. Ne pouvant raconter directement l’aventure de Spartacus, il consacre un album à son fils où un ancien révolté évoque ses souvenirs de la guerre servile. Dans Alix Senator, j’imagine donc que Césarion a survécu à la chute de l’Égypte, complote contre Auguste et connaît la même fin tragique que son père supposé.

Ci-dessous, la mort de Césarion dans Alix Senator, tome 3 : La Conjuration des Rapaces.

Fdj : Les sœurs Press et l’intersexualité des athlètes

Le 10 mars 1939, naît à Kharkov la petite Irina Press. Avec sa sœur Tamara, elle va faire couler beaucoup d’encre dans l’Occident de la Guerre Froide.

Le 10 mars 1939, naît à Kharkov la petite Irina Press. Avec sa sœur Tamara, elle va faire couler beaucoup d’encre dans l’Occident de la Guerre Froide.

Le début de leur histoire est malheureusement typique de l’URSS de cette époque. Leur père meurt pendant la Seconde Guerre mondiale et elles doivent fuir les Nazis qui détruisent leur maison. Plus tard, elles deviennent toute deux étudiantes à l’université de Léningrad.

Mais c’est dans le domaine du sport qu’elles révèlent tout leur potentiel : Tamara est médaillée d’or aux Jeux olympiques de 1960 au lancer du poids et de 1964 au lancer du poids et du disque tandis qu’Irina gagne le 80 m haies en 1960 et le pentathlon en 1964. Elles deviennent des héroïnes très populaires dans tout le bloc de l’Est.

À l’Ouest, au contraire, les média se déchaînent contre elles : on les dit hermaphrodites ou bien bourrées d’hormones masculines, on les surnomme les « frères Press » et on en fait le symbole des déviances réelles ou supposées d’un URSS prêt à tout pour obtenir des médailles et la suprématie sportive mondiale.

La polémique devient telle que lors des championnats d’Europe d’Athlétisme de 1966, les officiels introduisent un « test de féminité » qui doit déterminer, et donc empêcher de participer, les athlètes femmes qui seraient en fait intersexuées. On le pratiquera ensuite pendant tous les Jeux Olympiques jusqu’en l’an 2000. Et ce n’est qu’en 2011 que la fédération internationale commencera timidement à accepter les personnes intersexuées en autorisant les femmes atteintes d’hyperandrogénie à participer aux compétitions avec les autres femmes… si elles affichent des niveaux d’androgène inférieurs aux valeurs des hommes. Aujourd’hui ce règlement discriminatoire existe toujours, même s’il a été plusieurs fois suspendu, et le débat autour des athlètes intersexués demeure très vif.

Mais revenons en 1966 : dès que la fédération soviétique d’athlétisme a connaissance du nouveau test de féminité, elle retire les candidatures d’Irina et de Tamara Press. Cela vaut aveu pour la presse occidentale. Aujourd’hui, on ignore toujours ce qu’il en est en réalité et les noms des deux sœurs demeurent au palmarès des Jeux.

Après la fin de leur carrière sportive, elles se reconvertissent facilement. Irina s’engage dans les troupes dédiées aux frontières et Tamara devient ingénieure civile.

Tamara (à gauche) et Irina Press © Getty Images

Petite histoire du 8 mars

Je n’allais pas laisser passer le 8 mars sans évoquer la Journée internationale de lutte pour les Droits des femmes.

Nous la devons à Clara Zetkin et Alexandra Kollontaï, toutes deux politiques communistes et, bien sûr, très engagées pour l’émancipation des femmes. Elles proposent la création de la journée des droits dès 1910 pendant la Première conférence internationale des femmes socialistes et l’inscrivent alors dans une perspective révolutionnaire.

Sept ans plus, le 8 mars, des ouvrières manifestent à St Péterbourg pour réclamer du pain et le retour des soldats de la guerre. C’est le début de la Révolution de février.
Pour commémorer l’action de ces manifestantes, Lénine décrète dès 1921 que le 8 mars sera la journée des femmes.

Après la seconde guerre mondiale, l’idée se répand ailleurs dans le monde. En 1957, New York adopte aussi la journée internationale des femmes.Ce sera le cas de l’ONU en 1977, puis de la France en 1982, un an après l’arrivée du PS au pouvoir.

De révolutionnaire, le 8 mars est devenu plus féministe aujourd’hui.

On peut trouver bien des défauts à cette journée notamment l’usage marketing et publicitaire qui en est fait, pourtant, comme le rappelait il y a deux ans le secrétariat d’Etat chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes sur Twitter : « Le 8 mars, ce n’est pas un jour en l’honneur des femmes, un hommage à la beauté des femmes, c’est une journée pour rappeler le chemin qu’il reste à parcourir »

 

 

M’enfin !

Le 28 février 1957, un nouvel (anti-)héros arrive dans le n°985 du Journal de Spirou : Gaston.

Dessiné par André Franquin, il a été annoncé les semaines précédentes par de mystérieuses traces de pas dans les marges du journal. S’il porte alors le costume et le nœud papillon, il prend le look décontracté qu’on lui connaîtra jusqu’à la fin de la série dès le 15 mars.

Pourtant, il faut attendre le 25 avril pour que Fantasio, l’ami de Spirou qui est aussi le secrétaire de la rédaction fictionnel du journal, explique sa venue : Gaston ne se souvient plus de qui l’a embauché mais il est sûr que c’était pour un emploi de « héros de Bande Dessinée ». Malheureusement, personne ne se rappelle non plus avoir pensé à lui pour l’intégrer dans une des séries du journal.

Gaston est donc le premier « héros sans emploi » de l’histoire de la Bande Dessinée. Par défaut, il finit par intégrer le service courrier de la rédaction du journal. La multitude ses gaffes finira par lui valoir un nom de famille et… ravir les lecteurs: Gaston connaîtra les joies de l’album dès 1960. Franquin n’arrêtera sa série qu’en 1991.

 

Caesar, l’ancêtre de Milou

En faisant de petites recherches sur Jules César sur des pages en anglais – oui, chacune ses vices -, je suis tombée, tenez-vous bien… sur un ancêtre de mon fidèle Milou. Il s’appelait « Caesar » lui aussi et appartenait, non à la famille impériale romaine, mais à celle des rois d’Angleterre.

C’est l’historien des animaux – et des couleurs – Michel Pastoureau qui en parle : Caesar, le fox-terrier à poil dur blanc du roi Édouard VII, l’arrière-grand père de la reine Élizabeth II pour ceux qui regardent The Crown comme moi, aurait peut-être inspiré Hergé.

Mais qui était vraiment Caesar ? Wikipédia  – oui, il a sa page, comme tous les habitants successifs de Buckingham Palace –  nous apprend que Caesar est né en 1898 de Cackler of Notts et qu’il fut offert par lord Dudley au roi en 1902. Son prédécesseur, Jack, venait tout juste de s’étouffer avec de la nourriture. Oui, c’est dur dur d’être chien royal.

Caesar disposait d’ailleurs de son propre valet de pied et pouvait dormir sur un fauteuil près du lit du roi. Celui-ci lui passait tous ses caprices. Il lui pardonna même d’avoir tué les lapins des filles de lord Redesdale.

Après la mort d’Edouard VII en 1910, Caesar fut inconsolable jusqu’à ce que la reine Alexandra lui donne ses friandises favorites. Rasséréné, il participa au cortège funèbre directement derrière le cercueil du souverain au grand dam du nouveau roi George V et du kaiser Guillaume II qui n’avaient pas l’habitude marcher derrière qui que ce soit… Ce fut l’heure de gloire de Caesar.

Caesar survécut encore quatre ans à son maître. Il resta dans la maisonnée royale jusqu’à ce qu’une opération l’emporte en avril 1914. Heureusement, Milou est éternel, lui.

Le Buste de Néfertiti

Le buste de Néfertiti est au Neues Museum de Berlin ce que la Joconde est au Louvre. Un million de touristes s’extasient chaque année devant lui, comme si le reste des salles étaient vides. Pourtant, cette statue est l’objet de violentes controverses qui ne sont pas près de s’éteindre.

© Magnus Manske

Elle est censée représenter Néfertiti, la grande épouse royale – c’est-à-dire l’épouse principale – du pharaon Akhénaton, encore célèbre de nos jours pour avoir voulu imposer à l’Égypte le culte d’un dieu solaire unique. On ne sait quasiment rien d’autre de Néfertiti excepté qu’elle eut six filles.

Son buste fut trouvé en décembre 1912 par une équipe allemande dirigée par l’archéologue Ludwig Borchardt. Les hommes fouillaient alors ce qui était peut-être l’atelier de son créateur, le sculpteur Toutmôsis, dans les ruines d’Akhetaton, la capitale créée de toutes pièces par Akhénaton vers – 1360 et qui fut désertée après sa mort.

Dès 1913, le buste rejoignit Berlin. Il n’a plus quitté l’Allemagne depuis au grand dam des Égyptiens qui s’estiment, à juste titre, spoliés d’une de leurs plus belles antiquités. Ils la réclament en vain depuis 1924. Les Allemands refusent en élevant toujours plus d’arguments juridiques et en mettant en avant que la sculpture est trop fragile pour voyager. Ils avancent aussi cet argument pour refuser tout prêt à l’Égypte. Néfertiti n’a même pas été présente lors de l’inauguration du Grand Musée égyptien du Caire en 2012. On le voit, la question de la restitution des œuvres d’art pillées par les Occidentaux pendant l’époque coloniale est encore très loin d’être réglée.

Tout aussi grave, une autre querelle agite depuis 2009, les milieux archéologiques : et si le buste était carrément un faux ? C’est la théorie défendue par l’historien de l’art, Henri Stierlin dans Le Buste de Néfertiti : Une imposture de l’égyptologie ?. Il soutient que Borchardt aurait sculpté Néfertiti pour tester des pigments antiques qu’il aurait découvert et tenter de restituer une statue ancienne. Mais, le jour de la visite de son chantier par Jean-George de Saxe, jour officiel de la « découverte » de la statue, les deux filles du prince restèrent bouche bée devant sa beauté. L’archéologue n’osa alors pas leur dire la vérité et laissa tout le monde croire qu’il s’agissait d’une véritable antiquité.

Pour soutenir sa thèse, Stierlin fait valoir que Borchardt s’opposa pendant onze ans à toute exposition du buste dans un musée allemand. De plus, plusieurs éléments de la statue constituent des hapax, des occurrences uniques, dans tout le corpus archéologique égyptien – les épaules absentes par exemple. D’ailleurs, si les pigments colorés viennent bien de l’Égypte ancienne, le cœur de calcaire de Néfertiti n’a jamais été soumis à aucune méthode scientifique de datation.

Bref, le mystère reste entier.