L’actualité

Camille Claudel dans son atelier

Camille Claudel et Jessie Lipscomb dans leur atelier du N° 117 de la rue Notre-Dame-des-Champs, 1887.
J’avoue que plus que les sculptrices, c’est la statue qui m’attire sur cette photo. Étrange corps avec ses jambes d’écorché, ses bras mutilés, sa tête dodelinante comme percée de flèches. Une beauté martyre en quelque sorte.

Le Titanic et la momie

Le 10 avril 1912, le Titanic quittait Southampton pour New York. Comme vous le savez, tout ne se passa pas comme prévu ensuite. Le naufrage qui fit plus d’un millier de victimes frappa fortement l’opinion. La rencontre avec l’iceberg sembla à beaucoup trop improbable pour être vraiment fortuite… Non, il fallait qu’une malédiction se soit abattue sur le navire et ses passagers.

Le Titanic le 10 avril 1912, © F.G.O. Stuart

Or John Jacob Astor, un des hommes les plus riches d’Amérique, se trouvait sur le bateau après avoir fait scandale quelques mois auparavant. Il avait divorcé de son épouse pour se remarier aussitôt avec la charmante Madeleine Talmage Force de 30 ans sa cadette. Pour échapper aux pressions en tous genres, ils étaient allés passer leur lune de miel en Égypte… De là, à imaginer que le couple sulfureux en ramenait une momie maléfique et meurtrière, il n’y avait qu’un pas aisé à franchir !

Momie recouverte de ses “cartonnages », époque ptolémaïque, IIIe – IIe siècle avant J.-C.Louvre.

La rumeur s’en répandit à l’époque. D’autant que John Jacob était mort noyé (entraîné vers le fond par la momie ?) et ne pouvait plus démentir. Mais je vais devoir vous décevoir : depuis, on a bien vérifié : il n’y avait aucune momie enregistrée dans le manifeste du navire. C’est bien le seul iceberg, le coupable.

 

Pazuzu

Oui, amis amateurs de culture pop, le démon Pazuzu existait bien avant Adèle Blanc-Sec et le film L‘Exorciste.

Voici sa statuette conservée au musée du Louvre. Vous pouvez admirer sa tête de dragon, ses (quatre) ailes et ses pattes de rapace. Elle date du début du Ier millénaire avant notre ère.

À cette époque, Pazuzu était considéré par les Assyriens, un peuple vivant notamment dans l’Irak actuel, comme un démon maléfique. Il était lié aux vents d’ouest censés amener la peste. Mais cela ne l’empêchait pas d’être aussi souvent invoqué comme un bienfaiteur: il avait le pouvoir de chasser d’autres créatures maléfiques, notamment sa femme, Lamashtu, réputée apporter elle aussi bien des maladies.

Œdipe et le Sphinx

Puisque Gustave Moreau est né le 6 avril 1826, c’est l’occasion pour moi de vous montrer l’œuvre qui le rendit célèbre au Salon de 1864 : Œdipe et le Sphinx, conservé aujourd’hui au Metropolitan Museum of Art.

Ce fut un coup de tonnerre dans le milieu des jeunes peintres chez qui la mode était alors au réalisme et au naturalisme. Alors qu’il était de bon ton d’admirer Le Déjeuner sur l’herbe présenté l’année précédente par Édouard Manet et d’annoncer la mort de la peinture d’Histoire, Moreau a délibérément choisi un sujet mythologique classique et développé un style archaïsant, proche de celui d’Andrea Mantegna, un peintre italien du XVe siècle. Le choc fut tel que les caricaturistes s’amusèrent à représenter le Sphinx de Moreau en train d’empêcher de dormir Gustave Courbet.

Chacun a l’époque connaissait l’anecdote mythique qui inspirait le tableau. Le maléfique Sphinx gardait un carrefour menant à la ville de Thèbes et posait invariablement la même énigme aux voyageurs qu’il croisait. Comme ceux-ci n’arrivaient pas à en trouver la solution, il les dévorait sans pitié. Aussi quand Œdipe vint à passer, il lui demanda comme aux autres : « Qu’est-ce qui marche sur quatre pieds le matin, deux l’après-midi et trois le soir ? ». Et, bien sûr, Œdipe trouva la réponse (que je vous laisse deviner 🙂 ). Fou de rage, le Sphinx alla se jeter du haut d’un rocher. Le héros continua sa route vers la ville. Pour le remercier de l’avoir délivrée du monstre, on lui accorda la main de la reine-veuve Jocaste qui se révélera être en fait sa mère. Mais c’est une autre histoire…

Comme le Sphinx était de sexe féminin, certains critiques ont voulu voir dans le tableau l’illustration du thème de la femme fatale et de la guerre des sexes plus que de celle du Bien contre le Mal évoquée habituellement. Moreau, lui, en peintre résolument  symboliste, donnait ainsi le message contenu dans son œuvre : « Voyageur à l’heure sévère et mystérieuse de la vie, l’homme rencontre l’énigme éternelle qui le presse et le meurtrit. Mais l’âme forte défie les atteintes enivrantes et brutales de la matière et, l’œil fixé sur l’idéal, il marche confiant vers son but après l’avoir foulée aux pieds. »

Interview sur Alix Mag

Les prochains Alix senator et Jhen devaient sortir dans quelques jours. Ce ne sera, bien sûr, pas le cas. mais il en faut plus pour arrêter un passionné comme Stéphane Jacquet.

Vous pouvez donc lire ma nouvelle interview sur La Forêt carnivore et le Conquérant dès aujourd’hui sur le site Alix Mag. C’est par ici : Valérie Mangin, d’Alix senator à Jhen

Fdj : la reine Musa

Si vous êtes lecteur d’ Alix senator, vous commencez à bien connaître Livie, la « douce et tendre » épouse d’Auguste. Mais ce n’est pas la seule forte femme de cette époque. Comme elle, Musa était dotée d’une ambition proportionnelle à son manque de scrupules.

Musa entre dans l’Histoire en 20 avant notre ère comme… cadeau offert au roi parthe Phraatès IV par l’empereur Auguste.

Les deux hommes viennent de conclure un traité de paix qui fixe la frontière de leur sphères d’influence respectives au fleuve Euphrate. De plus, Phraatès a accepté de rendre à Auguste les enseignes prises aux légions de Crassus lors de la bataille de Carrhes, une des pires défaites romaines qui a eu lieu une quarantaine d’années plus tôt.

Cela mérite bien quelques petits cadeaux en retour du chef de l’État romain. Il offre donc des esclaves au roi parthe. Musa, une jeune italique, en fait partie. Elle séduit rapidement son maître et devient son épouse favorite. Sous son emprise, il se met à mener une politique pro-romaine et accepte même d’envoyer ses fils issus d’autres unions en Italie pour qu’ils soient éduqués « à la romaine ».

Cela laisse le champ libre à Musa, ou plutôt « Thea Musa », « déesse Musa », comme elle commence à sa faire appeler. Elle a accouché d’un fils elle aussi et elle a de grandes ambitions.

En 2 av. J.-C., elle fait empoisonner Phraatès devenu inutile et met son fils sur le trône. Elle règne au travers de l’adolescent, mais cela ne lui suffit pas : quelques années plus tard, elle officialise sa prise de pouvoir… en l’épousant.

C’est aller trop loin : ce genre d’inceste royal entre parent et enfant, qui existe en Égypte ou bien chez les Perses, n’est pas du tout accepté par les Parthes. Le conseil des anciens désavoue le nouveau couple. Les grands aristocrates se rallient à Orodès, un parent de l’ancien monarque assassiné Phraatès. Musa et son fils, abandonnés par leurs partisans, doivent prendre la fuite. Ils sont finalement tués à leur tour en 4 apr. J.-C.

Tête de la reine Musa, Ier siècle av. J.-C., Musée national d’Iran (Téhéran).

Fdj : Marina Raskova et les sorcières de la nuit

Née le 28 mars 1912 d’une professeure et d’un chanteur d’opéra, Marina Raskova s’orienta vers une carrière de chimiste mais elle ne resta pas longtemps dans l’industrie soviétique. Ayant obtenu son brevet d’aviatrice, elle devint pilote d’essai en 1937 et entra au NKVD, l’ancêtre du KGB deux ans plus tard.

Entre temps, elle était devenue célèbre en survivant à un vol vers Komsomolsk qui s’était terminé en catastrophe : elle avait dû s’éjecter de son avion et, selon la légende, avait survécu dix jours dans la neige en mangeant seulement deux barres au chocolat.

Devenue à cette occasion une intime de Staline, elle forma à sa demande trois escadrons composés uniquement de femmes durant le Deuxième Guerre Mondiale. L’un d’eux, le 588e, servit à Stalingrad et devint fameux sous le surnom donné par les Allemands de « Sorcières de la nuit », à cause de ses attaques nocturnes.

Mais c’est aussi durant la bataille de Stalingrad que Marina Raskova trouva la mort le 4 janvier 1943 à seulement 30 ans : son avion heurta une falaise pendant une tempête de neige. Staline organisa des funérailles nationales à celle qui était devenue “une héroïne de l’Union soviétique” et fit placer ses cendres dans la nécropole du mur du Kremlin.

Marina Raskova en 1938, Photo de Aleksandr Gribovsky

Fdj : Melita Norwood

Née le 25 mars 1912 en Angleterre, Melita Norwood mène la paisible vie d’une secrétaire à l’Association de recherche des métaux-non ferreux de 1932 à sa retraite en 1972. Femme sans histoire, elle se marie, devient veuve et n’attire jamais l’attention sur elle… Enfin jusqu’en 1999.

Melita Norwood © Times Newspapers Ltd

A cette date, paraissent les Archives Mitrokhine, les dossiers jusque-là tenus secrets d’un ancien archiviste du KGB passé à l’Ouest en 1992.
Et là, c’est le choc : Melita, ou plutôt « Hola » de son nom de code a espionné pour le compte du KGB de 1937 à 1972 ! L’URSS lui verse même une petite pension et l’a décorée de l’Ordre du Drapeau Rouge pour ses excellents états de service !

Mais revenons au début. Melita est la fille d’un couple de communistes convaincus. Son père a traduit et imprimé les œuvres de Lénine et Trotski. Melita elle-même adhère aux idéaux du Parti. Aussi, quand un agent soviétique l’approche en 1937, elle n’hésite pas. Elle accepte de photographier et de transmettre au KGB les documents qui passent entre ses mains pendant ses heures de travail. Sa motivation restera toujours idéologique. Elle ne sera jamais pécuniaire.

Mais pourquoi le KGB s’intéresse-t-il autant aux métaux-non ferreux ? Tout simplement parce que la connaissance des propriétés de métaux tels que l’uranium conditionne alors la recherche atomique. Pendant la guerre, l’association de Melita participe même au programme d’armement « Tube Alloys » qui doit doter l’Angleterre de la bombe atomique. Selon les historiens, les renseignements fournis par Melita ont pu faire gagner deux ou trois ans de recherches aux Soviétiques.

Soupçonnée plusieurs fois, elle perd l’accès aux documents les plus importants en 1951 mais elle n’en continue pas moins sa mission jusqu’à sa mise à la retraite.

Vingt ans plus tard, en 1992, Mitrokhine arrive en Angleterre et livre ses dossiers au MI5. Melita devrait alors être inquiétée (pour le moins), mais le jeune agent en charge de son affaire juge inutile de « harceler une vieille dame ». Elle échappe donc à toute poursuite et à toute sanction.

Interrogée sur son passé peu de temps avant sa mort en 2005, elle ne regrettait rien et conservait toujours sa foi dans le communisme, « une bonne idée » définitivement.

 

Fdj : la comtesse de Castiglione

Virginia Oldoïni, contessa di Castiglione est née à Florence le 22 mars 1837. Elle a à peine 18 ans quand son cousin, le comte de Cavour, lui demande de séduire Napoléon III afin de lui faire soutenir l’unification de l’Italie alors en pleine gestation. Mariée et tout juste mère d’un petit garçon, elle accepte sans hésiter.

Elle rencontre l’empereur à un bal en janvier 1856 et lui plait immédiatement. Il faut dire qu’il a 30 ans de plus qu’elle et qu’elle est réputée être « la plus belle femme de son siècle ». Mais le double adultère fait scandale. Le comte de Castiglione, qu’elle a ruiné au passage, doit se séparer de son épouse. Elle reste seule à Paris jusqu’au 5 avril 1857.

Cette nuit-là, Napoléon III manque de se faire assassiner en sortant de chez elle par trois Italiens à la solde des républicains et révolutionnaires de leur pays. Soupçonnée à tort de complicité, Virginia est expulsée de France… où elle revient un mois plus tard.

Son influence a-t-elle été décisive ?

En tout cas, l’année suivante, en juillet 1858, a lieu l’entrevue secrète de Plombière entre l’empereur et le comte de Cavour. Elle aboutit à une alliance, définissant une stratégie pour que l’unité italienne voit le jour. En échange de l’aide de la France, le futur chef du gouvernement italien promet à Napoléon III la Savoie et la ville de Nice. Elles deviendront effectivement françaises deux ans plus tard.

La comtesse connaît ensuite un grand succès dans toutes les cours européennes. Mais elle ne supporte pas de vieillir et de voir sa beauté décliner. Elle s’enferme petit à petit dans son appartement. Elle en fait voiler les miroirs et ne sort plus qu’à la nuit tombée pour que les passants ne puissent pas voir « les ravages du temps » sur son visage.

Elle meurt finalement en 1899, âgée seulement de 62 ans. Elle qui fut une des femmes les plus aimées et les plus admirées de sa génération n’a plus alors pour seuls compagnons que ses chiens empaillés .

La comtesse photographiée par Pierre-Louis Pierson dans les années 1860.

Pallas et le centaure

Allégorie du jour :
“Pallas et le centaure” ou la Raison doit dominer les bas instincts ou ” Tu resteras chez toi tant qu’on te le demandera, nom de Zeus !”

Cette peinture allégorique peinte par Sandro Botticelli en 1482 sera à nouveau visible dès la fin du confinement au Musée des Offices de Florence.

Pallas est un autre nom de la déesse Athéna, divinité de la Sagesse, qui apaise ici de la main un centaure, chimère mi-homme – mi-cheval symbole dans l’Antiquité et la Renaissance de bestialité.