Yuanyuan à la maison

Milou a été tout surpris du paquet qu’il m’a rapporté ce matin : il arrivait tout droit de Chine et contenait quelques exemplaires de “Yuanyuan’s bubbles”, l’adaptation de la nouvelle de Liu Cixin réalisée avec Steven Dupré et Patrick Van Oppen pour FT Culture Books.

C’est donc bien vrai : j’ai publié une bande dessinée en Chine !

Ex-libris Jhen et Alix senator

Amateurs d’ex-libris, la Librairie-Galerie Brüsel située sur le boulevard Anspach et managée d’une main de maître par Reynold Leclercq, en a réalisé ce mois-ci pour les derniers Jhen et Alix Senator. Vous pouvez les voir ci-dessous.

Si vous ne pouvez ou ne voulez pas vous déplacer, vous pouvez commander les albums avec eux dans la boutique en ligne : les ex-libris Brüsel.

Interview fleuve sur ActuaBD

Le plaisir du lundi : je suis aujourd’hui l’invitée d’ ActuaBD.

Charles-Louis Detournay m’a longuement et savamment interviewée sur Alix Senator (version classique et premium) et Jhen. Et c’était très agréable de répondre à autant de questions à la fois pertinentes et passionnées. Merci à lui 🙂

Pour me lire, c’est par ici : Interview Alix senator et Jhen

La Révolte de Vercingétorix

Dans le cahier historique de l’édition premium du tome 10 d’Alix senator, je vous parle longuement de la guerre de la Gaule. Elle est à l’origine de la nouvelle aventure de notre sénateur préféré. Plus particulièrement Alix ne serait pas devenu Alix sans la tragique épopée de Vercingétorix. De Gergovie à Alésia, ce jeune chef Arverne parvint à soulever et unir tous les peuples gaulois et faillit bien renverser en sa faveur le sort des combats.

Vercingétorix

Vercingétorix est né vers – 80 dans l’actuelle Auvergne. Il est le fils du chef d’une importante tribu arverne. Son père aurait été mis à mort pour avoir essayé de rétablir la monarchie à son profit. « Vercingétorix » signifierait d’ailleurs « chef suprême des guerriers ». On s’interroge encore pour savoir si c’était véritablement le nom du jeune arverne ou bien un simple titre générique. On se demande aussi s’il ne fut pas un allié, voir un officier de cavalerie de César avant sa grande révolte. En tout cas, comme beaucoup d’aristocrates du sud des Gaules, il devait avoir déjà adopté la mode romaine, coupé sa moustache et ses cheveux et portait même peut-être la toge.

Statère d’électrum vers 60 av. J.-C., au nom de Vercingétorix, il pourrait y être représenté sous les traits du dieu Apollon. On remarque le « s » final : « Vercingetorixs ». Département des Monnaies, médailles et antiques de la Bibliothèque nationale de France.

Pourquoi une insurrection gauloise généralisée ?

Sa révolte contre les forces romaines débute en 52 avant notre ère. César est depuis sept ans en Gaule. L’année précédente, il a commis une terrible « erreur ». Il a dévasté les territoires des Éburons qui s’étaient révoltés contre lui et il les a tous, sans exception, exécutés. Ce n’est ni la première ni la dernière fois qu’il commet un crime de guerre. Par là, il espère bien supprimer toute velléité de révolte. Mais c’est le contraire qui se produit : tous les peuples gaulois, ou presque se soulèvent. L’insurrection débute le 23 janvier 52 avant notre ère, quand les Carnutes tuent tous les Romains présents dans la cité de Cénabum. À cette nouvelle, Vercingétorix, parvient lui aussi à soulever son peuple contre les envahisseurs. Très vite, les autres tribus gauloises le reconnaissent comme leur chef suprême. C’est la première fois que les Gaulois parviennent à s’unir ainsi.

Les différentes campagnes de la guerre des Gaules. © historicair

Terre brûlée et nouveau massacre

Au printemps – 52, Vercingétorix tente d’abord de couper César, qui se trouve en Gaule transalpine, de ses légions restées plus au nord. Mais le général parvient à franchir les Cévennes et à retrouver ses soldats. Le chef arverne opte alors pour la terrible tactique de la terre brûlée. Les cités des Bituriges dont César doit traverser le territoire sont détruites. Seule leur capitale, Avaricum (Bourges), est épargnée car on la croit imprenable. À tort. Après plusieurs échecs, les Romains tentent une attaque surprise sous des trombes d’eau et parviennent à entrer. Pour venger les morts de Cénabum, les légionnaires commettent alors un nouveau massacre. Sur les quarante mille habitants, seuls huit cents parviennent à s’enfuir.

Gergovie

L’affrontement direct entre César et Vercingétorix a lieu en avril, à Gergovie. Les Gaulois s’y sont retranchés et affrontent l’assaut des Romains. Mais le général a beau ruser, il essuie de lourdes pertes et doit finalement se retirer. La situation est très difficile pour César. Même les Éduens, restés ses alliés jusque-là, font défection. Il décide alors de se replier vers l’Italie où sa situation s’est aussi tendue. Sa fille, Julia, épouse de Pompée, vient de mourir, et celui-ci n’a plus de raison de ménager son ancien beau-père. Il a même rejoint ouvertement les rangs de ses adversaires.

Le mur de l’oppidum de Gergovie découvert à la suite des fouilles archéologiques récentes. © Romary

Alésia

Voyant le proconsul battre en retraite, Vercingétorix décide de détruire son armée avant qu’elle ne soit hors de portée. Mais l’attaque de l’Arverne est un échec : les Romains, soutenus par des cavaliers germains, la repoussent. Ils poursuivent même leurs ennemis jusqu’à l’oppidum d’Alésia où ils les contraignent à s’enfermer. César ne possède pas assez d’hommes pour tenter un assaut décisif. Il décide alors d’affamer ses adversaires. Pour empêcher tout ravitaillement, le proconsul fait construire une double ligne de fortification. Elle doit empêcher autant toute sortie des assiégés que toute attaque venant de l’extérieur contre les assiégeants. Il faut dire que Vercingétorix attend une armée de secours gauloise. Elle arrive effectivement à la fin de l’été. Par trois fois, elle échoue à vaincre les Romains et à franchir leurs lignes avant finalement de fuir devant les cavaliers de César.

Casque gaulois (Ier siècle av-JC.), trouvé aux alentours d’Alise-Sainte-Reine, site d’Alésia (Côte-d’Or) – Musée d’archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines). © Siren-Com

La fin de Vercingétorix

Vercingétorix sait alors qu’il est perdu. Plutôt que de se lancer dans une ultime action qui ne peut déboucher que sur un nouveau massacre, il préfère se livrer au général romain en échange de la vie sauve pour les siens. César les épargne effectivement : les Arvernes peuvent retourner chez eux après avoir fait leur soumission. Quant aux autres guerriers gaulois, à l’exception des Éduens, ils sont réduits en esclavage et donnés aux légionnaires. Vercingétorix, lui, sera jeté en prison et finalement exécuté en 46 avant notre ère, après le triomphe à Rome de son vainqueur. Le reste n’est qu’invention littéraire de Jacques Martin.

Vercingétorix jette ses armes aux pieds de César56, de Lionel Royer, 1899, musée Crozatier du Puy-en-Velay. La reddition du chef gaulois vue par le XIXe siècle.

La Tapisserie de Bayeux

À Bayeux, Jhen découvre le trésor de la cathédrale : la « Telle du Conquest », la fameuse broderie – et non tapisserie – racontant la fourberie du comte Harold Godwinson et la bataille d’Hastings l’opposant à Guillaume, duc de Normandie, pour le trône d’Angleterre.

On y voit Harold prêter un serment sur des reliques, sans doute de soutenir le duc Guillaume quand viendra le moment de succéder au roi anglais Édouard le Confesseur. Mais quand ce dernier meurt, Harold, qui est son beau-frère, s’empare lui-même du trône. Ce parjure lui vaut d’être excommunié par le pape et justifie l’expédition armée de Guillaume en Angleterre. Peu de temps après, Harold est finalement vaincu et tué à la bataille d’Hastings. On le voit, c’est le point de vue normand qui prévaut: le bon duc Guillaume l’emporte sur le traître Harold et sa guerre est totalement justifiée (si ce n’est juste).

Harold prête serment devant le duc Guillaume

La légende veut que la tapisserie ait été réalisée par la reine Mathilde, épouse de Guillaume et ses suivantes. Mais, elle fut plutôt commandée par Odon, le demi-frère du conquérant, et évêque de Bayeux. En tout cas, elle fut réalisée peu de temps après l’invasion, au XIe siècle, dans l’espace anglo-normand (c’est-à-dire en Angleterre ou en Normandie). C’est un objet unique en son genre et même un rare exemple d’art non-religieux de cette époque.

Les bateaux de Guillaume voguent vers l’Angleterre

On ne sait pas dans quel endroit elle devait être accrochée. Traditionnellement, on pense à la cathédrale : elle aurait alors été exposée pour la première fois le 14 juillet 1077, lors de la consécration du bâtiment, puis chaque année à la même date. Le reste du temps, elle serait restée enfermée dans un coffre dans le Trésor. C’est l’hypothèse que je reprends dans l’album, mais la tapisserie a très bien pu être destinée à la salle principale d’un château. Nous ne le saurons sans doute jamais précisément.

Harold meurt pendant la bataille d’Hastings.

Il fallait en tout cas un espace de belle taille : composée de neuf panneaux, la tapisserie fait 68,38 mètres de long. Sa fin actuelle est en mauvais état. Peut-être est-elle bien complète et se termine-t-elle sur la mort d’Harold et la fuite de son armée. Mais beaucoup d’historiens pensent qu’il en manque un morceau. On ignore totalement ce qui a pu lui arriver : usure du temps, déchirure volontaire… Et dans ce dernier cas, par qui et pourquoi. Le mystère reste entier. Je suis aussi amusée à le résoudre dans le Conquérant. C’est un des grands plaisirs de l’autrice de fiction : remplir les « trous de l’Histoire » avec des explications toutes plus romanesques les unes que les autres.

Pour voir la Telle du Conquest dans son ensemble : Tapisserie de Bayeux

Jhen découvre la telle du conquest dans la cathédrale de Bayeux

Alix senator et Astérix

Dans la Forêt carnivore, nous n’avons pas seulement fait référence aux albums de Jacques Martin, nous avons aussi rendu hommage à un autre grand classique de la BD franco-belge : le Domaine des dieux.

César y présente une maquette de la future ville qu’il veut construire autour du village des irréductibles Gaulois pour les acculturer de force. Dans mon album, c’est Vanik qui présente une maquette du même genre de la nouvelle Alésia à Alix. Je ne pense pas que de tels objets existaient dans l’Antiquité, mais c’était trop tentant.

On s’amuse comme on peut.

Alésia : d’Alix à Alix senator

La Forêt carnivore peut se lire sans connaître la série Alix classique comme tous les autres Alix senator. Mais j’y reprends des thèmes déjà abordés par Jacques Martin en son temps dans deux de ses albums : le Sphinx d’or et Vercingétorix. On y voit la bataille d’Alésia et on y découvre les terribles destins des Gaulois vaincus.

C’est la première fois que Thierry Démarez et moi nous livrons à cet exercice. Alors nous avons voulu qu’il ne se situe pas seulement dans la trame du récit mais aussi dans sa forme. Ainsi quand Alix raconte ses souvenirs de la guerre des Gaules et de la mort de Vercingétorix à ses neveux, Thierry a plusieurs fois redessiné dans son style des cases utilisées par Jacques Martin. je vous laisse comparer 🙂

Alésia dans La Forêt carnivore

 

On s’est aussi amusés à jouer avec la vision de Jacques Martin des événements. Dans le Sphinx d’Or, il situe Alésia en hiver, sous la neige. Par la suite, il s’est rendu compte que la bataille avait eu lieu à la fin de l’été. Dans Vercingétorix, il donne donc une nouvelle version du siège perdu par les Gaulois. Alix senator est l’héritier de ses deux versions. Comment les concilier ? Et si tout cela, tous ces récits de jeunesse, étaient en fait des souvenirs du vieil Alix, des souvenirs fluctuants comme ils le sont tous ?

Alix raconte ses souvenirs à ses neveux…

Une jaquette pour Jhen

Pour accompagner la sortie du prochain Jhen la semaine prochaine, une jaquette est éditée à 500 exemplaires par les librairies Slumberland BD World en Belgique.

Elle reprend une couverture alternative réalisée par Paul Teng et mise en couleur par Céline Labriet pour l’album.

Un grand merci Cédric De Waele pour cette belle mise en avant du Conquérant.

Jhen : Guerre de Cent ans et Normandie anglaise

Le monde de Jhen a au moins un point commun avec celui du jeune Alix : il est en proie à des guerres multiples que rien ne semble pouvoir arrêter.

La France est ainsi en conflit avec l’Angleterre depuis… 1337. C’est la fameuse Guerre de Cent Ans. Le début du XVe siècle a été favorable aux Anglais. De 1417 à 1419, Henri V a conquis la Normandie. Caen est tombée dès le 19 septembre 1417 (huit jours après Bayeux) et Rouen le 13 janvier 1419, entrainant la reddition de la plupart des places de la région qui résistaient encore.

Les premières cases du Conquérant, Jhen tome 18.

Parallèlement, en mai 1418, les Bourguignons, alliés des Anglais, sont parvenus à entrer dans Paris et à en chasser le dauphin Charles et ses alliés, les partisans du comte d’Armagnac. La tentative de réconciliation s’est soldée l’année suivante par… l’assassinat du duc de Bourgogne par les hommes du dauphin.

En 1420, le nouveau duc soutient donc l’Anglais Henri V quand il impose le traité de Troyes au roi de France, le fou Charles VI. Le dauphin est déshérité et le souverain lancastre épouse une princesse française. Leur fils doit devenir le double monarque de l’Angleterre et de la France, tandis que la Normandie reste la pleine possession du monarque anglais.

Or, dès 1422, Henri V et Charles VI meurent tour à tour. Henri VI, encore bébé, doit donc succéder à son père et son grand-père sur les deux trônes. Mais le dauphin ne l’entend bien sûr pas ainsi. Il se proclame roi de France alors que sa cause semble proprement désespérée. Il faut la chevauchée de Jeanne d’Arc pour commencer à renverser la situation entre 1429 et 1431.

Quatre ans plus tard, quand commence Le Conquérant, l’aventure de Jhen que je vous propose, la Normandie est plus que jamais anglaise. Rouen est la capitale politique et militaire du duché tandis que la cour des comptes a été installée à Caen. À Caen aussi se trouve la nouvelle université fondée par le duc de Bedford, l’oncle du jeune roi qui exerce la régence pour lui. Marchands, clercs et soldats anglais se sont installés partout. Ils ont obtenu des terres confisquées aux Normands qui ont essayé de résister. Des réactions hostiles existent ça-et-là, mais globalement la conquête est bien acceptée.

La rencontre de Jhen et du duc de Bedford, à Bayeux.

Or en 1435, tout tourne mal pour les Anglais : le traité d’Arras marque la fin de la guerre civile entre les Bourguignons et les Armagnacs. Charles VII peut se consacrer entièrement à la reconquête des terres occupées par ses ennemis d’outre-Manche. Mais il faudra tout de même attendre 1450 pour que la Normandie soit à nouveau rattachée au royaume de France et la Guerre de Cent ans ne se terminera définitivement qu’en 1475.

Traces de la grande guerre… des Gaules

Dans le tome 10 d’Alix Senator qui sort la semaine prochaine, vous verrez que je remercie tout spécialement un bon copain : Pascal Mériaux. Pas le Pascal Mériaux qui fait partie de l’organisation du festival d’Amiens, mais le Pascal Mériaux des Éditions de la Gouttière.

Sans lui, je n’aurais sans doute pas pensé aborder les thèmes de la conquête de la Gaule par les Romains et surtout des terribles séquelles, physiques et psychologiques, laissées par les combats sur les combattants.

Pourtant, Alésia, la défaite gauloise, le sort des vaincus en général sont des thèmes très importants dans l’univers d’Alix. Avant d’être sénateur, il est lui-même un orphelin de guerre réduit en esclavage par ceux-là même qui ont tué son père. Ce sont les Parthes et non les Romains mais cela change peu de choses au final. Pourtant, c’est comme ça, sans Pascal, j’aurais sans doute laissé ces thèmes en friche encore un moment.

Heureusement, en 2017, il nous a parlés, à Denis et moi, d’un projet de collectif qu’il avait pour l’année suivante. Cela devait s’appeler Traces de la Grande Guerre et offrir des visions d’auteurs de la Première Guerre mondiale et des conflits en général. Nous avons tout de suite accepté de participer et nous avons entraîné dans l’aventure le reste de l’Atelier Virtuel. Mon histoire courte, Guerre éternelle, montre un garçon de la préhistoire découvrant que sa forêt allait être le lieu de batailles récurrentes pendant des siècles, des millénaires même. Je pensais surtout au nord de la France en écrivant ce scénario, et puis à ma région natale, la Lorraine, aussi.

Bien sûr, parmi tous ces combattants, je n’ai pas pu m’empêcher d’inclure des Romains. C’était trop tentant. C’est alors que j’ai eu le déclic : le prochain Alix senator que j’allais écrire devait parler de cette « guerre éternelle » et de ses traces indélébiles. J’ai commencé à me documenter sur la guerre des Gaules et à relire les albums d’Alix classique qui en parlaient. Et je me suis lancée…

Extrait de “Guerre éternelle”, dans le collectif Traces de la Grande Guerre, par l’Atelier virtuel. Éditions de la Gouttière.

Sans Pascal donc, sans ses Traces de la Grande Guerre, il n’y aurait pas eu de Forêt carnivore. Ça mérite bien un très grand merci, sur l’album, comme ici sur mon site.