Arès Borghèse

En l’honneur du mois de mars qui commence, voici une statue du dieu de la guerre… enfin sans doute… peut-être… ou pas…

Ce jeune homme casqué et sans doute armé à l’origine est officiellement nommé « Arès Borghèse ». Borghèse, car le prince Camille Borghèse l’a vendu à Napoléon Ier et Arès, car il s’agit d’une copie romaine d’une statue grecque qu’on pensait être l’équivalent grec du Mars romain au XIXe siècle. En fait, rien n’est moins sûr.

Ses ornements sont très inhabituels. Son casque est orné de lévriers et de griffons et, surtout, il porte un bracelet de cheville, une coquetterie rarement associée à la guerre.
Alors, les historiens ont multiplié les interprétations : le bracelet est une entrave et il représente la Paix chargé de retenir la Guerre ou bien le bracelet est une entrave et c’est un souvenir de la mésaventure du dieu, surpris dans la lit de Vénus par Vulcain, l’époux de celle-ci.

Bref, chacun a son hypothèse et son explication. Je vous laisse trouver la vôtre.

Une bande dessinée du XVe siècle

Fra Angelico, un des plus grands peintres du Quattrocento mort à Rome le 18 février 1455, a réalisé les trois séries de panneaux que je vous montre ci-dessous.

Représentant des scènes de la vie du Christ, elles forment une curieuse bande dessinée archaïque. Chaque « case » qui fait à peu près la taille d’un vinyle, est encadrée par deux « cartouches » qui l’explicitent. Celui du bas contient une sentence évangélique et celui du haut un texte de l’Ancien Testament.

À l’origine, ces panneaux ornaient l’armoire recevant les offrandes précieuses destinées à la fresque « miraculeuse » de l’Annonciation de l’église de la Santissima Annunziata de Florence. Ils ont été peints vers 1450-1452 et sont aujourd’hui conservés au Musée de San Marco de la ville.

Diptyque de saint Jean-Baptiste et sainte Véronique

Le 4 février, les catholiques fêtent sainte Véronique. C’est le prétexte que j’attendais pour vous montrer le Diptyque de saint Jean-Baptiste et sainte Véronique d’Hans Memling (1480-1483).

Comme le David et Goliath que je vous ai présenté il y a quelques jours, on peut le regarder recto-verso mais l’effet recherché est très différent, ainsi que vous pouvez le voir ci-dessous.

Au recto, on a à gauche saint Jean-Baptiste accompagné d’un agneau. Selon la tradition chrétienne, Jean a baptisé le Christ dans le fleuve Jourdain après avoir reconnu en lui « l’agneau de Dieu ».

Il est accompagné, à droite, de Véronique. Toujours selon la tradition, c’est une habitante de Jérusalem qui eut pitié du Christ alors qu’il portait sa croix vers le Golgotha. Elle lui donna un tissu pour qu’il s’essuie le front. Son image resta ensuite gravée sur le linge, comme elle nous le montre.

Au verso, on a des images beaucoup plus glaçantes. Derrière Jean-Baptiste, on a une tête de mort avec l’inscription « morieris », « tu vas mourir » en latin, histoire de bien rappeler ce qui attend tout être humain, même s’il est assez riche et puissant pour se faire faire de telles œuvres d’art. L’image est si inquiétante qu’elle fut recouverte d’une couche de peinture au XIXe siècle et ne fut redécouverte qu’en 1980 à l’occasion d’une restauration.

Derrière Véronique, on a un calice avec un serpent, une référence à un autre saint Jean : l’Evangéliste. Selon une source apocryphe, le saint avait été contraint de boire une coupe empoisonnée après avoir refusé de sacrifier aux dieux de Rome. Mais il bénit la coupe et une serpent en sortit, entraînant le poison avec lui.

La Fille au miroir

Peinture destinée à la couverture du numéro du 6 mars 1954 du Saturday Evening Post par Norman Rockwell (3 février 1894 – 8 novembre 1978), conservée au Musée Rockwell (Stockbridge, Massachusetts).

Pour ceux qui se poseraient la question, l’actrice à qui la petite fille se compare avec une certaine inquiétude est Jane Russell qui a tourné l’année précédente « Les hommes préfèrent les blondes » avec Marilyn Monroe. Elle est alors au sommet de sa carrière et passe pour un modèle de sensualité épanoui.

Le jour de la Marmotte

Photo: Sony Pictures Image tirée du film «Le Jour de la marmotte»

Si vous êtes comme moi et que regarder le film « Un jour sans fin » de Harold Ramis est un de vos petits plaisirs coupables, vous connaissez forcément le Jour de la Marmotte.

Cette fête que Bill Murray revit encore et encore n’est pas une invention des scénaristes : elle a lieu dans le nord de l’Amérique tous les 2 février, comme la Chandeleur.

On observe alors le terrier d’une marmotte. Selon la coutume, si des nuages voilent le soleil et l’empêchent de voir son ombre, elle sort de son trou et l’hiver est sur le point de se terminer. Mais si, au contraire, il fait grand soleil, elle prend peur et retourne bien vite chez elle, signe que le printemps n’est pas prêt d’arriver.

Cette façon d’observer le réveil d’un animal qui hiberne est très ancienne. Dans l’Europe médiévale, on surveillait un ours, un loup ou, c’était plus facile, une loutre ou un hérisson.

En fait, un temps dégagé est surtout le signe de la présence d’un anticyclone arctique amenant un air très froid avec lui et un temps nuageux le signe d’une dépression venant du sud et entraînant des températures plus douces.

Pour autant, la météo du 2 février ne laisse pas présager grand chose de la suite de la saison et il est rare de voir le printemps débuter vraiment avant le mois de mars, même si tout le monde en a envie.

Lire aussi : la Chandeleur

L’École des Chartes, c’est quoi ?

Il y a quelques semaines, j’ai eu le plaisir d’être interviewée par Anne Deguy ainsi que plusieurs autres anciens élèves des « Chartes » à l’occasion du bicentenaire de notre grande école.
Alors pour (re)découvrir cette vénérable maison qui est un peu mon Poudlard à moi et « qui étudie le passé pour mieux comprendre le présent. De l’écriture ancienne au mouvement punk… », c’est par ici dans Les Echos : Les Chartes : plongée dans la plus méconnue des grandes écoles françaises

Carmenta

À chaque époque ses combats…

À la fin du IIe siècle avant notre ère, les Romaines se virent privées par le Sénat du droit de… voyager en voiture. Aussitôt, elle se mirent en grève et refusèrent de « faire des enfants » tant que ce droit ne leur serait pas rendu. Ce fut vite fait.

Apparemment, le Sénat ne leur en voulut pas trop. Il accepta que, tous les 11 et 15 janvier, cette victoire féminine soit commémorée par deux jours de fêtes consacrés à la déesse Carmenta, protectrice de toutes les futures mamans.

Carmenta, miniature de Robinet Testard tirée d’un manuscrit du « De mulieribus claris » de Boccace, vers 1488-1496, BNF, Fr.599, f.22v.

Madame X de John Sargent

John Singer Sargent (12 janvier 1856 – 14 avril 1925) dans son atelier avec le portrait de Madame X, à Paris en 1884, photographie attribuée à Adolphe Giraudon.

Sargent mit un an à peintre le portrait de Virginie Gautreau, une mondaine parisienne, appelé ensuite « Madame X ». S’il est aujourd’hui considéré comme l’un de ses meilleurs tableau, il suscita un grand scandale à l’époque. Le décolleté, accentué dans la première version par une bretelle tombante fut jugé d’une sensualité bien trop provocante, voire malsaine.

Les critiques se déchaînèrent après sa présentation au Salon de 1884 au point que les commandes se tarirent et que Sargent pensa arrêter la peinture pour la musique ou même les affaires. Finalement, il n’en fit rien mais quitta tout de même Paris pour Londres. Là, il laissa le tableau bien en vue dans son atelier mais ne le vendit au The Metropolitan Museum of Art, New York seulement en 1916, après la mort de son modèle. Il y est toujours.

Thomas Becket, l’archevêque en cent morceaux

Le 29 décembre 1170, Thomas Becket, archevêque de Cantorbery, est assassiné dans sa cathédrale par des partisans de son meilleur ennemi, le roi d’Angleterre Henri II. On a longtemps cru à un complot mené par celui-ci mais il semble bien que les hommes aient agi de leur propre initiative, juste pour lui faire plaisir.

Mais le meurtre d’un tel ecclésiastique, quelques jours après Noël et dans sa propre église, ne pouvait que susciter un scandale international. Il fallait bien qu’au moins un roi soit responsable d’une telle horreur…

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Comme Thomas Becket défendait les prérogatives de l’Église contre les velléités autocratiques de son souverain, le pape Alexandre III s’empressa de le canoniser en février 1173. Henri II, sans doute affreusement vexé, dut faire pénitence sur sa tombe pour ne pas être excommunié.

Pire encore, Thomas Becket fut ensuite vénéré comme martyr dans toute l’Europe chrétienne. Pour satisfaire les fidèles, son corps fut découpé en une centaine de morceaux placés dans de magnifiques reliquaires comme celui que je vous montre ci-dessous, conservé au Victoria and Albert Museum de Londres.

Il en reste aujourd’hui seulement une bonne moitié. Henri VIII, le lointain successeur d’Henri II avait la mémoire longue et la rancune tenace. Il fit détruire toutes les chasses qui se trouvaient encore à Cantorbery à son époque.

Chasse de reliques de Thomas Becket, conservée au Victoria and Albert Museum, Londres.

Camille Claudel

Camille Claudel en 1884.

Née le 8 décembre 1864, Camille Claudel se passionne pour la sculpture dès son plus jeune âge. Elle attire bientôt l’attention du sculpteur Alfred Boucher, très reconnu à cette époque, et devient son élève avec d’autres jeunes filles. Mais il doit partir pour la Villa Médicis à Rome et demande alors à Auguste Rodin de le remplacer comme professeur.

Camille Claudel au bonnet, Auguste Rodin, 1885, musée Afro Brasil (São Paulo). © Sailko

Le travail de Camille Claudel impressionne beaucoup celui-ci qui la prend parmi ses praticiens dès 1884. Selon la légende, c’est elle qui aurait sculpté par exemple les mains des « Bourgeois de Calais ». Parallèlement, elle aurait influencé Rodin pour plusieurs autres œuvres comme « Le Baiser » ou « La Porte de l’Enfer ». En tout cas, les deux artistes se rapprochent et finissent par vivre une idylle qui durera jusqu’en 1892. Mais le sculpteur ne quittera jamais sa compagne officielle pour Camille Claudel, bien qu’elle ait souvent envisagé le mariage avec lui de son côté.

Sakountala, Camille Claudel, 1905, Musée Rodin, Paris.

Au cours de ces années de compagnonnage artistique, la maîtrise de la jeune femme s’accroît et son style de vient de plus en plus personnel. Elle s’attarde non seulement à travailler les nus chers à Rodin mais aussi, et de plus en plus, les motifs de drapé et toute une « statuaire de l’intimité », faite de scènes quotidiennes et de moments saisis sur le vif.

Les Causeuses (1897), Camille Claudel, Musée Rodin, Paris. © Thibsweb

Après 1892, Camille Claudel finit de se libérer totalement de l’influence de Rodin. En 1897, elle trouve une mécène, la comtesse Arthur de Maigret, qui lui permet de vivre de la sculpture. Mais une brouille intervient en 1905 et la sculptrice peine alors à trouver d’autres financements. Elle n’a qu’une seule commande de l’Etat en 1907. Si elle reçoit pendant ces années-là quelques soutiens de critiques comme Octave Mirbeau, elle est alors assez vue globalement par la société qui l’entoure. Paradoxalement, elle qui cause le scandale en sculptant des nus comme le ferait un homme, est une conservatrice antidreyfusarde et antirépublicaine.

De plus, dès 1905, Camille Claudel développe de profonds troubles paranoïaques. Elle vit recluse dans appartement en accusant Rodin de son manque de succès, alors qu’il l’a pourtant aidé plusieurs fois depuis leur rupture en payant son loyer et en lui présentant critiques et marchands d’art.

La Vague (1897), Camille Claudel, Musée Rodin, Paris. © Lomita

En 1912, alors qu’elle connaît une misère de plus en plus profonde, elle détruit elle-même ses œuvres pour « se venger de ses ennemis ». Tous la considèrent comme folle et l’année suivante, dès la mort de son père qui seul la protégeait encore, sa mère et son frère, l’écrivain Paul Claudel, la font interner.

Camille Claudel restera dans différents asiles jusqu’à sa mort en 1943, peut-être de malnutrition comme ce fut le cas de nombreux aliénés durant la Deuxième Guerre Mondiale. Ses amis essaieront en vain de la faire sortir et même Rodin restera impuissant à l’aider.

Elle ne sculptera plus jamais.

L’Âge mûr (1899), Camille Claudel, Musée Rodin, Paris. © Thibsweb