L’actualité

Le Chant des sirènes

Je vous montre souvent la mort comme un squelette effrayant mais elle peut aussi être très séduisante, au moins en donner l’illusion, ainsi les fameuses sirènes de la mythologie grecque.

Depuis l’Antiquité, ces femmes fatales sont le symbole d’une sensualité toxique qui vise à détruire l’autre et d’un érotisme mortifère qui consume entièrement celui qu’il possède. (Bon, je ne m’attarderai pas sur le fait que ce sont de méchantes femmes qui séduisent des hommes sans défense comme des rapaces se jettent sur de pauvres petits lapins, les Grecs de l’Antiquité ne sont pas vraiment connus pour leur féminisme).

Détail d’un stamnos attique à figures rouges du Peintre de la Sirène, vers 480-470 av. J.-C. British Museum. © Jastrow (un stamnos est un vase qui servait surtout à mélanger et conserver le vin)

Homère nous apprend dans l’Odyssée que les sirènes sont des créatures marines qui vivaient à l’entrée du détroit de Messine, en Sicile. Elles s’allongeaient sur le rivage – oui, c’était l’époque bénie où on pouvait avoir des activités statiques sur les plages – et se mettaient à chanter ou à jouer de la lyre. Les marins qui les entendaient en perdaient le sens de l’orientation et fracassaient leur bateau sur les rochers affleurants, quand ils ne sautaient pas directement à l’eau pour les rejoindre. De toutes façons, ils finissaient dévorés par les sirènes et leurs ossements demeuraient à jamais sur leurs rives où ils se transformaient à leur tour en poussière/sable.

Sirène sur une stèle funéraire grecque, vers 330 av. J.-C., musée archéologique d’Athènes. © Codex

Homère ne s’attarde pas sur le physique des sirènes mais ses successeurs décrivent des femmes-oiseaux. Parfaitement normales à l’origine, elles auraient été punies par une ou plusieurs déesses : Héra parce que la première d’entre elles aurait séduit Zeus (oui, la jalouse ne pouvait pas punir son mari alors il fallait bien se lâcher sur quelqu’un), Aphrodite parce qu’elles auraient refusé de perdre leur virginité (un comble pour ces femmes fatales) ou encore les Muses parce qu’elles les auraient défiées au chant (il ne faut jamais défier des déesses, jamais, c’est un principe de base).

Une interprétation moderne du mythe : John William Waterhouse, Ulysse et les Sirènes, 1891, National Gallery of Victoria, Melbourne.

Seuls de rares mortels parvinrent à échapper aux sirènes : les Argonautes grâce à Orphée dont la musique couvrit leur chant et les marins d’Ulysse qui avaient mis de la cire dans leurs oreilles. Le roi d’Ithaque réussit lui aussi à éviter leurs serres mais de justesse. Curieux d’entendre leur chant, il demanda à ses hommes de l’attacher au mat de son navire. Ils lui obéirent et il put satisfaire sa curiosité. Heureusement pour lui, ils ne l’entendirent pas quand il les supplia de le détacher pour qu’il puisse rejoindre les merveilleuses jeunes femmes qui l’attendaient sur leur terre paradisiaque.

Grumpy Cat

Je cherchais de qui j’allais vous faire la petite biographie ce soir – Marguerite de Valois alias « la reine Margot » ? Alberte-Barbe d’Ernécourt alias « l’Amazone lorraine » ? Margarita Carmen Cansino alias « Rita Hayworth » ? – quand je suis tombée sur l’improbable fiche biographique d’une héroïne du net morte le 14 mai 2019 : Tardar Sauce alias « Grumpy Cat. »
Je vous mets sa photo ci-dessous, mais n’en demandez pas plus… Ah si juste un chiffre pour vous faire rêver : en 2017, sa page FB officielle avait 8 700 000 fans. Voilà… Voilà… Voila…

© Gage Skidmore

Sortie Alix senator et Jhen

Amis lecteurs, les nouvelles aventures d’ Alix Senator et de Jhen seront disponibles dans votre librairie préférée dès le 3 juin prochain.
Je suis très contente de les voir enfin “exister”, même si j’aurais aimé que les circonstances soient différentes évidemment.

Bonne nuit avec Dionysos

Dionysos et moi vous souhaitons une bonne nuit.

Vase cérémonial grec, vers 580-570 avant notre ère, conservé au Louvre.
Un comaste, un buveur participant aux processions rituelles de Dionysos, le dieu grec de l’Ivresse, serre contre lui un skyphos, un vase à boire, aussi grand que lui.

Ce petit objet sympathique était aussi amusant qu’il en avait l’air.
On pouvait verser du vin dans le vase, puis on débouchait deux ouvertures situées sur le comaste et selon le principe des vases communicants, celui-ci se remplissait donnant l’impression de « boire » la moitié du vin.
On pouvait aussi faire l’inverse et selon le même principe, le vin coulait du comaste dans le vase donnant l’impression d’une arrivée « miraculeuse » de vin jusqu’à ce que les niveaux se soient équilibrés des côtés.

Fdj : Agnès Sorel ou la Vierge allaitante

Oui, encore une œuvre d’art médiévale : travailler sur Jhen me donne l’envie et l’occasion de les redécouvrir et de vous les montrer. J’espère que cela vous plait: ça change de l’art antique ou de celui du XIXe siècle occidental que je vous présente d’habitude. Ici c’est aussi pour moi l’occasion de vous parler d’une femme : la belle Agnès Sorel.

Vierge à l’Enfant, vers 1452-58, Jean Fouquet, Musée royal des Beaux-Arts, Anvers, Belgique.

Cet étrange tableau fut réalisé vers 1452-58 par le peintre Jean Fouquet. Il fait partie d’un diptyque avec un autre panneau représentant son commanditaire, Étienne Chevalier, trésorier du roi de France Charles VII, avec son saint patron, saint Etienne donc, mais qui est plus conventionnel.

Longtemps, la tradition fut de faire de cette Vierge allaitante un portrait d’Agnès Sorel, la maîtresse du roi morte en février 1450. Drôle d’idée me direz-vous de faire d’une favorite, la première officielle d’un roi de France, un modèle pour une sainte, vierge de surcroît. C’est pourquoi de nombreux historiens ont rejeté cette hypothèse. Pour les autres, ce choix pourrait être dû à deux raisons. Pour les mauvaises langues, Etienne Chevalier était lui aussi l’amant d’Agnès Sorel. On ne prête qu’aux riches. Pour les autres, la favorite était si éclatante qu’au moment de réaliser son tableau, Jean Fouquet ne pouvait avoir d’autre modèle de beauté en tête.

Quoi qu’il en soit, cette vierge partage avec Agnès le teint très blanc qu’on aime tant à l’époque (et qui ressort d’autant plus que les anges dodus sont d’un rouge et d’un bleu très soutenus). La Vierge s’est fait aussi épiler les sourcils et les cheveux sur le haut du front, mode lancée par la favorite et qui devait plaire beaucoup à Charles VII. J’ignore par contre ce qu’il pensait des seins d’Agnès et je ne vous dirai rien de ceux du tableau…

De la rencontre du roi et d’Agnès en 1443 à la mort de celle-ci sept ans plus tard, ils eurent quatre enfants, quatre filles élégamment surnommées « les bâtardes de France », même si elle furent légitimées par leur père. Tout cela irrita énormément le dauphin, futur Louis XI, qui en fit une affaire personnelle : un jour, il poursuivit Agnès, l’épée à la main, jusque dans le lit du roi ! Cela valut au jeune homme d’être exilé de la cour et d’aller se calmer en Dauphiné.

Agnès, elle, vécut fastueusement jusqu’à ce que son ultime grossesse lui coûte la vie. Elle mourut juste après la naissance prématurée – et la mort – de sa dernière fille. Des expertises réalisées en 2004 ont montré que son corps contenait énormément de mercure. S’en est-on servi pour soulager ses douleurs d’accouchée ? S’est-elle suicidé ? Ou bien l’a-t-on empoisonnée comme la rumeur courut à l’époque ? Le mystère reste entier.

Les 2 et 3 mai à Madrid, 1808

Pour renouer avec mon éphéméride, voici les deux tableaux du peintre Francisco Goya commémorant les tragiques événements madrilènes des 2 et 3 mai 1808.

Le 2 mai, le peuple de la capitale espagnole se révolta contre Joseph Bonaparte que son frère Napoléon avait installé sur le trône ibérique. Sur le tableau de Goya, El dos de mayo de 1808 en Madrid, on voit les Espagnols attaquer les mamelouks de la Garde impériale, des cavaliers venus d’Égypte.

El dos de mayo de 1808 en Madrid, 1814, Musée du Prado

Ce soulèvement fut un échec et fut très durement réprimé. Sur le second tableau, El tres de mayo de 1808 en Madrid, des soldats français exécutent les révoltés fait prisonniers. Ils furent près de 400 à être ainsi fusillés.

El tres de mayo de 1808 en Madrid, 1814, Musée du Prado

Mais loin de mettre fin à la résistance des Espagnols, cette répression enflamma tout le pays. Elle marqua le début d’une véritable guerre d’indépendance qui fut elle, un succès. Six ans plus tard, les Français durent quitter l’Espagne pour ne pas y revenir.

 

Yuanyuan’s bubbles

Ô joie ! Yuanyuan’s bubbles, l’album que j’ai réalisé avec mes deux complices Steven Dupré et Cyril Saint-Blancat d’après une nouvelle du grand auteur de science-fiction Liu Cixin, est sorti en Chine depuis deux jours.

Il est accompagné de trois autres adaptations notamment celle de The wandering Earth, réalisée par deux experts en grand spectacle : Christophe Bec et Stefano Raffaele.

Ces albums sont édités à Pékin par Citic mais vous pourrez les retrouver aux éditions Delcourt sans doute l’année prochaine.

Merci encore à Corinne Bertrand et à FT Culture qui ont rendu possible cette grande aventure !

La Mort Saint-Innocent

Pour contraster avec les belles déesses d’hier et faire un clin d’œil à ceux d’entre vous qui avaient aimé le transi de René de Chalon, voici la Mort Saint-Innocent.

Cette sympathique statue d’1,20 mètre se trouve actuellement au Musée des monuments français. J’aurais aimé m’en servir dans un prochain Jhen mais elle est trop récente : elle a été sculptée et placée au cimetière des Innocents, le fameux charnier du centre de Paris, vers 1530.

Son auteur est inconnu malheureusement. Le bras levé est de son restaurateur du XIXe siècle. Comme je vous le disais à propos de l’Adam de Notre Dame il y a quelques jours, on n’hésitait pas à l’époque à « inventer » et « modifier » les œuvres qu’on voulait restaurer.

Pour les curieux, une longue inscription donne la parole à la Mort sur le bouclier :

« Il n’est vivant tant soit plein d’art
Ne de force pour resistance
Que je ne frappe de mon dard
Pour bailler aux vers leur pitance
Priez Dieu pour les trepasses »

Les deux visages d’Artémis

Il y a une déesse dont je n’ai pas encore parlé dans Alix senator mais qui le mériterait bien, c’est Diane/Artémis, la déesse gréco-romaine de la chasse, sœur d’Apollon, le dieu sauvage cher à Jacques Martin.

Comme son frère elle a de multiples visages, du plus classique au plus inquiétant.
Ci-dessous, je vous montre l’Artémis grecque telle qu’on se l’imagine : la chasseresse accompagnée d’une biche à la beauté sans défaut.

Statue d’Artémis à la biche, dite Diane de Versailles, peut-être inspirée d’un original grec du IVe siècle av. J.-C. par Léocharès. Œuvre romaine d’époque impériale. Son nom Diane de Versailles lui vient du fait que Louis XIV fait transférer la statue dans le château de Versailles, lieu qu’elle occupera jusqu’à son retour au Louvre en 1798.

Ci-dessous en revanche, on a une autre Artémis, plus orientale et étrange : l’Artémis priée dans le temple d’Éphèse, en Turquie actuelle.

Accompagnée de lions, elle porte sur son vêtement toutes sortes d’animaux qui témoignent de son statut de maîtresse des bêtes sauvages. Parfois on trouve aussi des plantes, des insectes, des animaux fantastiques (griffons, sphinx…)sur ses jambes ainsi que sur le nimbe divin qui entoure sa tête.

Mais le plus étonnant est peut-être le grand nombre de « mamelles » qui ornent sa poitrine. On les interprète souvent plutôt comme des testicules des taureaux qui lui ont été sacrifiés, symboles à la fois de fécondité et de domination de la déesse sur les mâles en tout genre.

Je vous laisse maintenant deviner celle que je préfère. 🙂

Statue de l’Artémis d’Éphèse, premier siècle avant notre ère, musée archéologique d’Éphèse (Turquie)