L’actualité

Bûche du solstice

Mon dernier souvenir de 2018 fut une succulente bûche aux amandes.
En son honneur, je vais vous parler aujourd’hui de l’origine de ce dessert de fin d’année.

Parmi les rites archaïques marquant le solstice d’hiver, on trouve un peu partout le fait de faire brûler un tronc d’arbre en offrande aux dieux afin qu’ils donnent en retour de bonnes récoltes l’année suivante.

Cette habitude s’est ensuite christinianisée : lors de la veillée de Noël on enflammait une grosse bûche qui devait, dans l’idéal, brûler douze jours, jusqu’à l’Épiphanie. Le bois devait provenir d’un arbre porteur de fruits comestibles : arbre fruitier, châtaignier… On l’arrosait de vin ou de lait et on la bénissait avec une branche de buis. Le but final était le même qu’autrefois : s’assurer que les prochaines récoltes seraient bonnes. Les tisons et les cendres étaient ensuite conservées pour assurer la protection de la maison contre les sorcières ou autre esprits malfaisants.

Dans certaines régions comme la Normandie, les parents cachaient des friandises dans la bûche en disant aux enfants d’aller prier dans un coin de la pièce. A leur retour, la bûche leur avait donné des bonbons 🙂

Mais l’invention de la bûche « gâteau » est beaucoup plus récente. Elle date du XIXe siècle sans qu’on connaisse le nom de son inventeur. Peut-être est-elle née à Lyon vers 1860 ou un peu plus tôt chez un pâtissier de Saint-Germain-en-Laye. Quoi qu’il en soit, elle n’est devenue populaire comme dessert de Noël ou de nouvel an qu’après la deuxième Guerre Mondiale.

Sa consommation entraîne-t-elle de bonnes récoltes l’année suivante ? La question est ouverte. J’attends vos futurs témoignages.

Publié le Catégories Éphéméride, Histoire contemporaine, Histoire médiévale
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Bonne année 2019

Le 21 juillet 1969 , un homme posait pour la première fois le pied sur la Lune. En pleine guerre froide, la compétition entre l’URSS et les USA avait permis en moins de deux décennies de passer des tous premiers missiles balistiques inspirés des V2 de l’Allemagne nazi à de gigantesques fusées civiles.

Le projet Apollo, c’est un budget cumulé de plus de 18 milliards de dollars de l’époque, environ 150 milliards d’aujourd’hui. Au plus fort du programme, 400 000 personnes travaillaient pour la NASA, qui consommait à elle seule 4,5% du budget fédéral des USA. Le projet Apollo, c’est 17 lancements de fusées Saturn V, dont 6 des 7 derniers vols ont été se poser sur la Lune. Le projet Apollo, c’est donc 12 astronautes qui ont pu fouler le sol lunaire et en ramener 382 Kg de roches qui enchantent depuis les laboratoires et musées du monde entier. C’est 3 réflecteurs posés sur ce sol lunaire qui permettent encore aujourd’hui de mesurer la distance qui nous sépare de notre satellite avec un simple laser.

Et pourtant, lentement, a commencé à monter la rumeur que tout cela n’aurait pas eu lieu. Que les images télévisées des hommes sur la Lune étaient réalisées en studio. Que tout n’était qu’une gigantesque conspiration aux buts variés et aux contours protéiformes. Au début, on se disait que ce déni venait d’une rupture de confiance  d’une partie des Américains envers leur gouvernement fédéral, en particulier depuis qu’ils avaient découvert les pratiques obscures de la CIA, du complexe militaro-industriel et même de leur président avec l’affaire du Watergate. Aujourd’hui, cette défiance s’est mondialisée : en 2018, un sondage de l’IFOP révélait que 16% des Français doutaient que les Américains aient jamais marché sur la Lune.

C’est toute la science voire la rationalité qui sont maintenant menacées par cette vague de rejet. Tous les faits ou preuves scientifiques peuvent se retrouver contestés comme si c’était juste des opinions parmi d’autres. Sachant que toutes les études montrent que ce rejet est particulièrement marqué pour les plus jeunes générations. En 2018, en France, près d’un sondé sur dix était d’accord avec l’affirmation « il est possible que la Terre soit plate et non pas ronde comme on nous le dit depuis l’école ».

Si nous avons un souhait pour l’avenir, c’est que la défiance, légitime, envers les autorités ne tourne pas à l’obscurantisme généralisé. Car, contrairement à ce que pensent ceux qui doutent de tout, ce n’est pas leur liberté de penser qu’ils défendent, mais un grand fatras sans queue ni tête qui ne peut que profiter à ceux qui sauront en abuser : les systèmes totalitaires, les seigneurs de guerre, les intégristes religieux de tous bords… Bref, à tous ceux qui exigeront, eux, que nous nous soumettions vraiment à une seule et unique vision du monde : la leur.

Alors, en ces 50 ans des premiers pas de l’humanité sur la Lune, souhaitons-nous une bonne et rationnelle année 2019 !

Valérie Mangin et Denis Bajram

Saint Sylvestre, le saint du Réveillon

Quitte à vous souhaiter à tous un très joyeux réveillon, je vais vous présenter le fameux saint Sylvestre, le saint que les Catholiques fêtent aujourd’hui.

Sylvestre était un pape du quatrième siècle. On croyait au Moyen-Âge que c’était lui qui avait converti au christianisme l’empereur Constantin. Ce souverain aurait été atteint d’une maladie de peau incurable et aurait guéri miraculeusement après son immersion dans la piscine de son baptême. Quoi qu’il en soit, c’est lui qui autorisa le culte chrétien dans tout l’empire à côté des célébrations traditionnelles.

C’est lui aussi qui offrit au pape le pouvoir sur tout l’Occident. Enfin, c’est ce que dit la Donation de Constantin, un texte qu’on sait aujourd’hui être un apocryphe – un faux – forgé plusieurs siècles après la mort de ses protagonistes supposés. Mais c’est lui qui fonda juridiquement pendant tout le Moyen-Âge le pouvoir temporel de la papauté et lui permit de se poser en rivale des rois et des empereurs.

Ci-dessous :
– Vitrail de la cathédrale de Chartres représentant saint Sylvestre baptisant l’empereur Constantin.
– Buste colossal de Constantin, bronze du IVe siècle, musée du Capitole, Rome.

Le père Noël

Après vous avoir parlé de saint Nicolas, il y a quelques jours, je ne pouvais pas manquer d’évoquer son descendant le plus fameux : le père Noël.

Si pour nous, la « saint Nicolas » tombe le 6 décembre, elle arrivait le 19 décembre en fonction du calendrier julien, le calendrier que l’on utilisait au Moyen-Âge. Elle en vint donc à se confondre assez naturellement avec les fêtes du solstice d’hiver (20-21 décembre). Or, en souvenir du sauvetage des trois petits enfants par le saint, on offrait dès cette époque des cadeaux aux enfants ce jour-là.

Saint Nicolas et les enfants, Nancy, © Ville de Nancy

Sinter Klaas et Santa Claus

Au moment de la Réforme, les protestants luthériens rejetèrent les saints liés au catholicisme. Ils confièrent alors le soin de gâter les plus jeunes à un enfant divin : l’enfant Jésus, le nouveau-né de la crèche. Mais cela n’eut qu’un succès relatif : peut-être parce qu’on avait du mal à imaginer un nourrisson chargé de bonbons ou de paquets cadeaux ? En tout cas, d’autres réformés imaginèrent plutôt de « laïciser » saint Nicolas. « Sinter Klaas » apparut aux Pays-Bas qui deviendra ensuite le « Santa Claus » américain.

Celui-ci devient vraiment populaire aux États-Unis au XIXe siècle. Le 23 décembre 1823, un journal de New York publia un poème anonyme « A visit from St. Nicholas » dans lequel, le saint est un gros lutin joyeux, habillé de rouge, qui distribue des cadeaux grâce à son traineau tiré par huit rennes. On est déjà bien loin du saint originel !
Souvent repris ensuite et illustré, ce texte se diffuse progressivement dans le monde entier et fixe la figure de « santa Claus ».

Vers 1850, Charles Dickens et ses « Livres de Noël » finissent de populariser le sympathique personnage dans le domaine anglo-saxon. Le côté « saint » est totalement oublié au profit de celui du lutin à hotte remplie de cadeaux. En 1885, l’illustrateur Thomas Nast lui donne une maison, ou plutôt une fabrique de jouets au pôle Nord, le centre de l’hémisphère nord en quelque sorte. Depuis, on lui attribuer des résidences plus au sud : il faut bien nourrir les rennes ! e même une résidence secondaire dans la Pacifique : l’île Christmas 🙂

Père Noël

Chez, nous, c’est en 1848, que l’expression « Père Noël apparaît. Mais on parle encore plutôt à l’époque de « Bonhomme de Noël ». Et surtout, les traditions locales restent très variées : le Rois Mages apportent les cadeaux en Provence, en France-Comté, c’est une fée sur un âne…
Le Père Noël ne sera vraiment popularisé qu’après la Seconde Guerre mondiale. En 1946, Tino Rossi interprète pour la première fois la chanson Petit Papa Noël, à l’origine un texte sur un enfant qui demande au Père Noël le retour de la guerre de son père.

Marchandisation

A la même époque, la marque Coca-cola arrive en France avec le Plan Marshall. Elle amène avec elle, l’image du Père Noël qu’elle a définitivement popularisée depuis les années 30 (et non créé comme le veut la légende urbaine).
Mais une campagne de presse condamnant l’utilisation commerciale du personnage est alors menée. Un jeune prêtre dijonnais, Jacques Nourissat, condamne même au bûcher le père Noël, outré qu’il soit à l’effigie des grands magasins de Dijon. L’autodafé a lieu sur les grilles de la cathédrale Saint-Bénigne le 23 décembre 1951. Des controverses eurent ensuite qui virent s’affronter les écrivains catholiques (Cesbron, Mauriac) qui condamnaient le marchandising autour de Nöel et les supporters du père Noël comme Barjavel, Cocteau ou Lévi-Strauss.

 

Publicité Coca-cola vintage © the coca-cola compagny

En 1962, ouvre le « secrétariat du Père Nöel » au ministère des PTT. La première réponse est rédigée par la propre sœur du ministre : la pédiatre Françoise Dolto.
Aujourd’hui, près de 2 millions de lettres sont envoyées au Père Noël depuis tous les pays du monde.

De nos jours, le Père Noël existe même dans les pays de tradition non-chrétienne. En Chine par exemple, le 25 décembre est devenue une occasion d’offrir des cadeaux aux enfants et de réunir toute la famille.

Le Père Noël est devenu un symbole de la mondialisation des imaginaires comme des pratiques familiales et de la consommation en général.

 

Le Père Noël nourrit un de ses rennes © santatelevision.com

Solstice d’hiver

Chaque année, en général le 21 ou le 22 décembre a lieu le solstice d’hiver. C’est le jour le plus court de l’année: dans l’hémisphère nord, le nôtre, la position apparente du Soleil par rapport à la Terre atteint son extrême méridional en fonction du plan de l’équateur.

« Solstice » vient du latin « solstitium », de « sol », soleil et « sistere », s’arrêter car la position du soleil à son lever et à son coucher semble stationnaire par rapport au méridien – la ligne imaginaire reliant les pôles – pendant quelques jours. Ensuite, elle se redécale vers l’est au lever et vers l’ouest au coucher.

Bien sûr, un tel événement astronomique était célébré dans de nombreuses cultures antiques. Peut-être au départ parce qu’on craignait que le soleil et la lumière ne disparaissent totalement dans la nuit hivernale. Je vous ai déjà parlé des Saturnales ou de la fête de Sol invinctus – le soleil invaincu – à Rome. Ce sont les ancêtres de notre Noël avec des fêtes germaniques archaïques telle que Yule.

Image : La Terre lors du solstice d’hiver de l’hémisphère nord.
©Przemyslaw ” Blueshade ” Idzkiewicz.

Ops, épouse de Saturne et déesse préférée de Livie

Après les Saturnales, Rome sous Auguste célébrait les Opalia, les fêtes de Ops, la déesse de l’Abondance et l’épouse du dieu cannibale Saturne. Ce sont ses enfants qu’il a dévorés un par un.
Selon la coutume romaine, on lui assimila plusieurs déesses orientales, la Grecque Rhéa, et surtout, une divinité orientale que les lecteurs d’ Alix Senator connaissent bien : Cybèle, la terrible déesse de Pessinonte, qui rend fou Khephren.
Historiquement, Livie, l’épouse d’Auguste, avait un faible certain pour la Grande Mère. Elle s’est même fait représenter plusieurs fois avec ses attributs comme sur la statue ci-dessous.
Alors, dans la série, quand Alix affronte la cruelle déesse et ses prêtres eunuques, c’est finalement toujours Livie qu’il combat, mais Livie sous sa forme la plus dangereuse, la plus monstrueuse.


Ci-dessous :
– Statue de Livie représentée en Ops avec sa gerbe de blé et sa corne d’abondance, début du 1er siècle de notre ère, musée du Louvre.
– Planche montrant Livie rendant visite aux galles, les prêtres de Cybèles, dans son temple du Palatin, juste à côté de la demeure impériale, Alix senator, tome 7, éditions Casterman.

Saturne dans le Fléau des dieux

Je ne pouvais quand même pas passer à côté d’un personnage aussi ambivalent et riche que le dieu Saturne. Il n’est pas encore apparu dans Alix Senator mais c’est un personnage très important du Fléau des dieux, la série d’Antiquité galactique que j’ai réalisée avec Aleksa Gajic, il y a quelques années.

Le Saturne des Saturnales

Saturne est un dieu romain, sans doute d’origine agraire. Très vite, il a été assimilé à Cronos, le titan grec.

Fils d’Uranus, le Ciel, et de Tellus, la Terre, Saturne règne longtemps sans partage sur tout ce qui vit mais il ne connaît pas pour autant la tranquillité. Une prophétie annonce qu’un de ses enfants le détrônera et le privera de sa divinité. Il faut dire qu’il a lui-même castré son père avec sa faucille avant d’usurper sa royauté.

Pour éviter de subir à son tour ce triste sort, Saturne prend une terrible décision : il dévorera tous les nouveaux-nés de son épouse, Ops. Les petits dieux Neptune, Pluton, Cérès, Junon et Vesta sont ainsi avalés par leur père. Jupiter, le dernier-né, a plus de chance: sa mère décide enfin d’agir et de le sauver. Elle donne une pierre enveloppée de langes à sa place à Saturne. Le dieu n’y voit que du feu et la mange sans poser de question. Devenu adulte, Jupiter réalise effectivement la prophétie. Il devient roi des dieux après avoir obligé son père à régurgiter ses frères et sœurs.

Et après ? Selon les Grecs, Saturne est relégué au Tartare, leur Enfer souterrain. Mais selon les poètes latins, devenu mortel, il part en exil en Italie, dans le Latium. Là, il rejoint Janus, le dieu des commencements qui donnera plus tard son nom au mois de janvier. Ensemble, ils instaurent l’âge d’or parmi les hommes : une époque où l’esclavage n’existe pas, pas plus que la propriété privée ou la violence. C’est en mémoire de cette époque bénie qu’on célèbre les Saturnales à Rome. D’ailleurs, selon la légende, Lavinia, l’épouse italienne d’Énée, le Troyen ancêtre des fondateurs de la ville, serait une lointaine descendante de Saturne.

À Rome, son temple se trouve sur les pentes du Capitole. C’est là qu’on garde le trésor public de la République, toujours en souvenir de l’âge d’or pendant lequel aucun vol n’était commis. Mais on se méfie quand même un peu de Saturne: sa statue est liée de bandelettes qu’on ne dénoue que pendant les Saturnales. Le reste de l’année, mieux vaut que le ténébreux titan reste « otiosus », inactif, comme en sommeil.

Ci-dessus : le forum romain. A gauche, les la colonnade est tout ce qui reste aujourd’hui du temple de Saturne sur le forum romain. Il date de la fin de la royauté ou du début de la République. On le voit ici depuis le « clivus capitolinus », la voie qui monte vers le Capitole.

Io Saturnalia !

A Rome, une semaine avant le solstice d’hiver, avait lieu la grande fête populaire des Saturnales. On plaçait de la verdure dans les maisons (houx, gui, branches diverses…), on offrait de petits cadeaux et des grands banquets. Les écoles et les tribunaux étaient fermés. Et surtout l’ordre social était bouleversé : les esclaves retrouvaient temporairement la liberté et pouvaient se faire servir par leurs maîtres.
On commémorait par là le séjour terrestre de Saturne qui avait trouvé asile en Italie après avoir été détrôné par Jupiter et y avait fait régner l’âge d’or.

L’hiver ou les Saturnales, Antoine Callet (1783) :