L’actualité

Très riches Heures du duc de Berry : les frimas de février

Je ne vais pas attendre à nouveau la fin du mois pour vous montrer cette miniature. Totalement opposée à celle du mois de janvier qui offrait un duc de Berry donnant un somptueux festin pour des invités de marque, elle montre des paysans passer tant bien que mal l’hiver.

Le soleil, toujours présent dans le ciel sous la forme d’un Apollon inspiré de l’art byzantin, n’arrive pas à réchauffer le paysage de neige, un des premiers de la peinture médiévale.

Les châteaux habituels ont laissé la place à une ferme avec une bergerie, un pigeonnier et quatre ruches. Dans la maison, des personnages se réchauffent devant le feu. Un jeune couple soulève ses vêtements pour mieux profiter des flammes et les sexes des deux personnages sont clairement visibles. Certains critiques y ont vu une volonté des frères Limbourg, les auteurs de la peinture, ou de leur aristocratique commanditaire de ridiculiser ces pauvres gens. Leur grossièreté supposée, leur manque de pudeur les rapprocheraient symboliquement des animaux qu’ils côtoient. En tout cas, on est bien loin de l’image flatteuse donnée des nobles dans les autres mois de l’année.

Cette miniature semble avoir bien influencé les enlumineurs postérieurs.
Ci-dessous, à côté d’elle, vous pouvez voir une peinture sortie du Bréviaire Grimani réalisé entre 1510 et 1520 et rapidement entré dans la famille éponyme avant d’être légué à la république de Venise où il se trouve toujours aujourd’hui.


Dans les très riches Heures, vous pouvez découvrir aussi :

les autres mois : janvier, février, mars, avril, mai, juillet, août, septembre, octobre, novembre , décembre

une fête chrétienne illustrée dans le livre : l’Ascension

Un étonnant “homme zodiacal”

Rencontre toulousaine

Du 22 février au 22 septembre se tiendra au Musée Saint-Raymond de Toulouse une exposition sur l’Antiquité dans la culture pop à laquelle Thierry Démarez et moi avons le plaisir de participer avec Alix Senator : Age of classics.

Le samedi 23 février, je serai donc au musée pour une rencontre de 15 à 18h avec Jean-Claude Golvin, Clarke et, bien sûr Denis Bajram.

Venez nombreux !

Noces rouges

Ce soir c’était Noces Rouges de Claude Chabrol (1973), une peinture à la fois glaciale et étouffante d’un couple adultérin de la bourgeoisie provinciale tant de fois dépeinte par le réalisateur. Comme il le dit en interview : « Ce sont des gens qui croient vivre un amour romantique, alors que pas du tout, ils vont coucher dans les bois. » et cela les amène à tuer leur conjoint respectif juste parce qu’ils n’ont pas pensé qu’ils pouvaient les quitter et partir ailleurs…
À voir, s’il n’y avait qu’une raison, pour la scène où Claude Piéplu, le mari trompé et politicien cynique, explique à quel point il est satisfait d’être cocu… car cela met à sa merci l’amant de sa femme.

Une incursion dans le manga

Je peux enfin vous en parler, grâce à Frederic Toutlemonde se concrétise une envie qui me tenaille depuis j’ai découvert le manga : écrire pour la BD japonaise.

Ces derniers mois, j’ai en effet scénarisé un hommage à Osamu Tezuka sous la forme d’une courte variation sur son œuvre majeure (qui est aussi une de mes préférées) : La Vie de Bouddha. Elle est en train d’être dessinée par mon talentueux camarade de l’Atelier virtuel, Brice Cossu et paraîtra au Japon dans le magasine Tezucomi de cet été.

Bref, je suis bonheur et joie.

 

Nouvel an chinois

Ce mardi, on fête le premier jour de l’année chinoise. Il coïncide avec le début de la fête du printemps qui va durer quinze jours. Sa date dans notre propre calendrier varie chaque année car le calendrier chinois est luni-solaire (il est basé sur les mois lunaires mais des mois intercalaires sont ajoutés de temps en temps pour rester en phase avec l’année solaire).

Beaucoup de traditions sont liées à ce début d’année. La semaine passée a déjà eu lieu le « petit Nouvel An ». On a déposé de la nourriture devant le dieu du foyer placé dans la cuisine pour qu’il ne rapporte à l’Empereur de Jade, le maître du ciel, que les bonnes actions accomplies par la famille pendant l’année passée et pas les mauvaises. Puis, le portrait du dieu a été brûlé et il s’est envolé vers l’Empereur.
On a aussi pris soin de disposer dans la maison des souhaits écrits sur papier rouge pour que la nouvelle année les voit se réaliser.

Le passage d’une année à l’autre lui-même a lieu pendant la nuit car Le mot « année », « nian » est censé provenir du nom d’un monstre qui venait hanter les villages une nuit par an et obligeait les habitants à veiller enfermés chez eux.
Ainsi chaque Nouvel An est marqué par un réveillon pendant lequel on sert des plats aux noms évocateurs de bonne fortune. Le dessert coutumier, est le « niangao ». « Gao », gâteau, étant homophone du verbe signifiant « grandir », le manger est censé garantir une bonne croissance dans tous les domaines. On veille ensuite toute la nuit car ce serait un gage de longue vie. Les plus âgés offrent des enveloppes rouges avec de l’argent aux plus jeunes qui font des vœux en leur faveur. Vers 11 heures ou minuit, les enfants allument une chaîne de pétards.

Le lendemain matin, le plus tôt possible toujours pour avoir le plus de chance possible, on va au temple puis sur les tombes de la famille. On rend ensuite visite à ses proches et à ses connaissances les plus importantes. Dans certaines grandes villes hors de Chine des parades sont organisées. La première le fut à San Francisco dans la deuxième moitié du XIXe siècle. On y réalise les fameuses danses du lion et du dragon qui représentent à la fois la noblesse, le courage et, bien sûr, la chance.

Chaque année est associée à l’un des signes du zodiaque chinois ainsi qu’à l’un des cinq éléments : aujourd’hui c’est l’année du cochon et de la terre qui commence.

Ci-dessous :
– Danse du lion, Paris, 2014 ©Pascal Vu

– Danse du dragon, © pariszigzag.fr

La Chandeleur

Aujourd’hui, comme tous les 2 février, c’était la Chandeleur, la fête des crêpes mais aussi des chandelles.

Selon la tradition, c’est le pape Gélase 1er qui, en 472, a mené la première procession aux flambeaux un 2 février. À cette date, les Chrétiens célébraient la Présentation de Jésus au Temple et la Purification de la Vierge. Dans le récit biblique, quarante jours après son accouchement, Marie, comme toutes les mamans juives qui venaient d’avoir leur premier garçon, offrit un sacrifice à son Dieu et lui présenta son fils. Au Temple, elle fut reçue par Siméon, un vieillard, qui reconnut dans le nouveau-né la « lumière d’Israël ».

Ces idées de « lumière » et de « purification » étaient présentes aussi dans les fêtes religieuses d’autres cultures célébrées en février. « Februarius », février en latin, est d’ailleurs dérivé du verbe « februare » qui veut dire « purifier ». Chaque 15 février avaient lieu à Rome les Lupercales, des fêtes qui visaient à purifier la ville et à lui assurer une année de prospérité. De même, les Celtes célébraient au début du mois, la déesse Brigit (devenue la sainte Brigitte fêtée… le 1er février) qui devait purifier les champs et y ramener la fertilité.

Je vous laisse apprécier le fait que les femmes venant d’accoucher ainsi que la terre nourricière devaient être purifiées… D’autant que ces cérémonies prenaient parfois un tour extrêmement violent comme les Lupercales dont je vous reparlerai sans doute ou les fêtes de l’ours célébrées à l’origine chez les Germains ou les Scandinaves. La sortie du plantigrade de son hibernation hivernale marquait le retour de la lumière. Elle était fêtée par des déguisements en ours, des feux de joie… et des simulacres d’agressions sexuelles qui dégénéraient à l’occasion en vrais viols.

Pour le pape et les évêques chrétiens, mettre en avant la fête des chandelles, c’était autant lutter contre le paganisme que contre ces violences ritualisées. Mais, me direz-vous, on est toujours loin des crêpes. Pas tant que cela en fait. La tradition raconte que c’est le même pape, Gélase 1er qui institua les processions aux flambeaux et les crêpes. Il faisait distribuer ces gâteaux aux pèlerins qui étaient arrivés trop tard à Rome pour y fêter Noël. Rondes et dorées, les crêpes rappellent, comme les galettes des rois, le soleil et sa chaude lumière. De plus, les paysans les confectionnaient avec de la farine provenant de leur récolte précédente alors même qu’ils entamaient les semailles d’hiver qui devaient leur amener la suivante. C’était à nouveau un rituel liant retour de la lumière et de la fécondité, mais beaucoup plus pacifique que les précédents.

Ci-dessous :
– La présentation de Jésus au Temple, fresque de Fra Angelico, vers 1437-1446, Florence.
– Crêpes de la Chandeleur ©Helena-Zolotuhina

Dé à 20 faces antique

On dirait que les anciens Grecs pratiquaient le jeu de rôle eux aussi : voici un magnifique dé à 20 faces de l’époque ptolémaïque, quand les Grecs dominaient l’Égypte. Il est conservé au Metmuseum.

En fait, non, bien sûr, ce dé n’était pas utilisé pour savoir quel PNJ se cachait derrière la porte du tombeau ultime ou si vous alliez survivre à votre chute dans la fosse aux crocodiles…
Mais presque : ce dé servait à la divination. Chaque face comportait une lettre et, avec un peu de chance, on arrivait à former un mot au bout de quelques lancers. Bon, la réponse devait souvent n’avoir aucun rapport avec la question mais plus un oracle est mystérieux, plus il dit de vérités, c’est bien connu.

Très riches Heures du duc de Berry : le festin de janvier

Mieux vaut tard que jamais : voici l’illustration du mois de janvier des Très Riches heures du duc de Berry.

©Photo. R.M.N. / R.-G. Ojéda
Le duc lui-même est représenté sur la droite, en bleu, avec une coiffe en fourrure brune. A côté de lui, on voit l’inscription « Approche approche », sorte de « bulle » avant l’heure et, effectivement, des proches, prélats et laïcs avancent vers lui.
Devant la table, deux serviteurs, des écuyers tranchants (chargés de découper la viande) portent l’écharpe blanche des partisans des Armagnacs.
La France est alors en pleine guerre civile. Suite à la folie du roi Charles VI, le pays est dirigé par un conseil de régence. Outre la reine Isabeau, ses membres les plus influents sont Jean sans Peur, duc de Bourgogne, et Louis d’Orléans, frère du souverain et gendre de Bernard VII d’Armagnac. Deux hommes aussi puissants et ambitieux ne peuvent pas s’entendre longtemps et leur conflit personnel dégénère très vite en véritable guerre. Les « Bourguignons » et les « Armagnacs » s’affrontent donc pendant 25 ans, de 1410 à 1435 !
Le duc de Berry appartient au parti des Armagnacs. Le festin représenté ci-dessus est peut-être celui qu’il a organisé le 1er janvier 1415 pour tenter de réconcilier ses alliés avec leurs ennemis bourguignons dans le cadre de la paix d’Arras qu’ils vont signer le mois suivant. Malheureusement, cette paix se révélera n’être qu’une trêve et les hostilités reprendront très vite.
L’idée de guerre est d’ailleurs présente dans le motif d’arrière-plan de la scène: de grandes tapisseries qui montrent des scènes de la mythique guerre de Troie.

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