La pilule ne pullule plus

Rions un peu. Il y a quinze jours, je passe à la pharmacie pour obtenir une boîte de pilules contraceptives. Je prends la Daily Gé depuis des années sans problème. Mais là, pas de chance, elle n’est plus disponible. Ni elle, ni la Trinordiol dont c’est la version générique, ni aucune autre de la même gamme. Ça fait déjà quelques mois et le pharmacien est incapable de me dire pourquoi. Tout le monde est désolé mais personne n’a l’air de savoir ce qui se passe. Mystère mystère…

La conclusion de cette conversation de comptoir de pharmacie est que je dois reprendre rendez-vous chez mon médecin. Eh, oui, le pharmacien ne peut pas me vendre une autre pilule sans nouvelle ordonnance. Ma brave dame, ce n’est pas anodin médicalement de changer de pilule. Heureusement, je ne m’y prends jamais à la dernière minute et il me reste deux plaquettes, soit deux mois sans risque de devoir faire ceinture, comme disaient nos grand-mères.

Heureusement aussi, mon docteur est relativement disponible et j’obtiens ce fameux rendez-vous une semaine après. Je passe vite sur ce temps perdu alors que j’ai beaucoup de travail en ce moment. Mon médecin est très aimable comme d’habitude. La raison de ma visite ne le surprend pas. La Trinordiol est loin d’être le seul médicament à être en rupture. En ce moment, il doit aussi faire face à un manque de cortisone, me confie-t-il. Bref, Dr House m’examine, me confirme que je vais très bien et cherche un substitut à la pilule manquante. Il finit par me prescrire à la place la Triafemi. Je vous passe les détails mais c’est une pilule de troisième génération alors que la Trinordiol était de deuxième génération. C’est donc un peu différent et je peux ne pas la supporter aussi bien que je supportais la précédente. Je ne fume pas, ce qui aurait été un facteur aggravant, mais j’ai plus de 35 ans. Bref, si jamais je ressens le moindre effet secondaire, il faut que j’arrête la prise. Tout de suite. Il y a déjà eu des cas d’accidents thromboemboliques. Hypocondriaques, s’abstenir.

Je paye le médecin, avec une pensée émue pour le trou de la Sécu qui se retrouve à se creuser encore en finançant un rendez-vous uniquement dû à l’incompétence d’un labo pharmaceutique. Je sors tout de même relativement soulagée et je retourne à la pharmacie. Je tombe mal. Le pharmacien est très énervé. Et pour cause, il vient justement de devoir dire à plusieurs malades qu’il n’arrive pas à se procurer leur médicament. Dès qu’il me voit, il se souvient pourquoi je reviens et redouble d’énervement. Quand il a commencé son métier, me dit-il, il manquait un médicament tous les trois ans, maintenant c’est trois médicaments par jour. Je soupire et lui tends mon ordonnance. Au moins, moi, je vais les avoir, mes pilules. Ah ah ah, mais quelle naïve je fais !

En effet, la farce continue. Mon pharmacien m’avoue qu’il n’a pas non plus de Triafemi en stock. Abattu, il m’annonce que pour cette pilule aussi, ce n’est pas simple de s’en procurer. Il faut qu’il vérifie s’il peut en avoir. Mon soulagement laisse lentement place à une sourde angoisse. Et si je ne pouvais plus prendre la pilule ? Je sens le spectre du changement forcé de mode de contraception planer au-dessus de ma tête. Mais les dieux et déesses sont avec moi : le pharmacien peut finalement commander la Triafemi. Ouf. Pour cette fois. Mais qu’en sera-t-il à la prochaine ? Je demande si je peux acheter deux ou trois boîtes d’un coup. Le pharmacien me répond que oui. Il me mettra ce qu’il faut de côté. Je le remercie. Puis, je culpabilise immédiatement : à prendre plusieurs boîtes, je sécurise ma situation mais je prive d’autres femmes de ces mêmes contraceptifs. La pénurie engendre le stockage qui engendre la pénurie. C’est un cercle vicieux. J’hésite à annuler, puis je me dis que je l’ai assez ennuyé, qu’il a assez à faire avec les pénuries… Vous croyez que ça s’arrête là ? Mais non, le feuilleton va encore rebondir !

Je récupère donc mon récépissé de commande et tend ma carte Vitale au pharmacien. Je ne sors pas mon porte-monnaie, vive le tiers payant. En effet, la Daily Gé était remboursée par la Sécurité Sociale et ma mutuelle. La Daily Gé oui, mais la Triafemi non. Les pilules de troisième et quatrième génération ne sont plus prises en charge depuis 2013 en raison d’un service médical rendu jugé « insuffisant ». En clair, à l’époque, on s’est basé sur les effets secondaires de ces pilules dont je vous parlais plus haut pour juger qu’il valait mieux orienter les femmes vers d’autres moyens de contraception. On a donc privé toutes celles qui étaient satisfaites de leur pilule de 3e génération, la très très grande majorité des utilisatrices, de leur prise en charge. Économie, quand tu nous tiens…

J’en serai donc d’une quarantaine d’euros pour être sûre de pouvoir prendre la pilule ces prochains mois. Ça va, j’ai les moyens. Mais si je ne les avais pas ? Je devrais arrêter ma contraception à cause d’une pénurie de pilule de deuxième génération ?! Combien de femmes vont se trouver dans cette situation ? Je ne peux m’empêcher de repenser au film de Ken Loach, Moi, Daniel Blake, dans lequel une mère célibataire pauvre en est réduite à voler des serviettes périodiques. Faudra-t-il voler ses pilules aussi un jour ? Mais suis-je bête : avec la pénurie, il n’y aura plus rien à voler…

Et je parle de la pilule, mais beaucoup d’autres médicaments ont l’air frappés de la même malédiction. Combien de malades attendent leur traitement ? Combien doivent se tourner vers des prescriptions plus chères qu’ils n’ont peut-être pas les moyens de s’offrir ? C’est juste insupportable. Je ne comprends pas pourquoi les pouvoirs publics ne prennent pas cette question à bras le corps. Le marché des médicaments remboursés est pourtant régulé, ne serait-ce que par la Haute autorité de santé, non ? Il est sidérant que les laboratoires pharmaceutiques puissent profiter des avantages d’avoir un produit souvent prescrit parce que remboursé mais puissent, en même temps, se laver les mains des conséquences de sa disparition aléatoire sur les patients et patientes. Nous sommes tous et toutes concernées car nous serons tous et toutes victimes un jour de leur inconséquence. J’ose une proposition, en non spécialiste : Pourquoi le parlement ne voterait-t-il pas simplement une loi qui sanctionnerait financièrement les ruptures d’approvisionnement des médicaments remboursables ?

 

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LA PILULE NE PULLULE PLUS Rions un peu. Il y a quinze jours, je passe à la pharmacie pour obtenir une boîte de pilules…

Publiée par Valérie Mangin sur Mardi 18 juin 2019

Publié le Catégories Actualités générales, Actualités personnelles
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La première bachelière et le succès actuel des filles au bac

On ne plaisante pas avec le bac. C’est peut-être ce qu’est en train de se dire Julie-Victoire Daubié sur cette photo de 1861, l’année même où elle fut la première femme a obtenir son baccalauréat à la faculté des Lettres de Lyon, les cours de la Sorbonne étant interdits aux femmes à cette époque.
Ils le sont toujours en 1871, quand Julie-Victoire Daubié s’y présente à l’examen de licence ès lettres… qu’elle réussit également.
Inutile de dire que toute sa vie, elle milita pour les droits des femmes, en particulier leur droit à l’enseignement, la formation professionnelle et le droit de vote.

Aujourd’hui, les jeunes filles sont aussi nombreuses que les garçon à se présenter à l’examen du baccalauréat et obtiennent même de meilleurs résultats qu’eux.
Ainsi en 2018 : sur les plus de 600.000 candidats, les 302.982 candidates ont été 91.04% à être admises à l’examen, contre 86.02% pour les 297.960 garçons. Un avantage que l’on retrouvait en regardant les taux de mention : 59.05% des filles en ont décroché une, soit 6 points de plus que le pourcentage de leurs camarades masculins (53%).

 

Pratt aurait eu 92 ans

Corto Maltese : “Raspoutine ! Tu es fou !”
Raspoutine : “Mais non !… Aujourd’hui, je me suis caché pendant que tu parlais et puis je me suis blessé pour te faire croire qu’il m’était arrivé quelque chose. J’ai voulu t’offrir une émotion, Corto, parce que je t’aime bien… C’est pour toi que je l’ai fait. Dieu seul sait ce que c’est moche de vivre dans un monde sans aventure, sans fantaisie.”

Corto Maltese en Sibérie, 1979, Hugo Pratt (15 juin 1927 – 20 août 1995)

Hermanubis

L’étrange statue ci-dessous est celle du dieu Hermanubis.

Conservée au Musée du Vatican, elle date des premiers siècles de notre ère. Mais la divinité qu’elle représente est plus ancienne. Elle est apparue durant la période hellénistique de l’Égypte, entre la conquête de celle-ci par Alexandre le Grand (331 av. J.-C.) et son intégration dans l’empire romain (30 av. J.-C.).

Comme son l’indique son nom, Hermanubis est issu de la fusion du dieu égyptien Anubis à tête de chien et du dieu grec Hermès qui tient le caducée. Tous deux avaient pour tâche essentielle de guider les âmes des morts vers l’Au-delà. A ce titre, Hermanubis était le « maître des secrets » funéraires. Cela lui valut d’être repris ensuite par les alchimistes médiévaux qui l’assimilèrent parfois à leurs Hermès Trismégiste.

© JanKunst

Schiele en famille

Le célèbre peintre autrichien Egon Schiele naquit le 12 juin 1890. Il laissa environ 300 peintures quand il disparut 28 ans plus tard. Beaucoup sont marquées par un érotisme mortifère. Elles exposent des corps cadavériques, dénudés, dans des positions torturées.

Le tableau que vous voyez ci-dessous, « La Famille », n’est moins gênant qu’en apparence. Il s’agit d’un autoportrait de Schiele avec son enfant et sa femme, Edith. Réalisé pendant la grossesse de cette dernière, il s’agit d’une projection, d’une vision du futur du peintre.

Le souci est que son épouse mourut de la grippe espagnole à son sixième mois de grossesse et que l’enfant ne naquit jamais. Schiele lui-même fut emporté par le mal peu de temps après sa jeune femme. Le tableau ne fut jamais achevé. Il reste une prédiction jamais advenue, comme la vision d’un bonheur jamais atteint.

Le Cheval de Troie

Troie est tombée face aux Achéens exactement le 11 juin 1184 avant notre ère… Enfin si on en croit l’astronome Ératosthène de Cyrène qui dirigeait la grande bibliothèque d’Alexandrie au IIIᵉ siècle avant Jésus-Christ.
Je vous avoue que je ne sais pas très bien comment il est arrivé à une conclusion aussi précise (surtout parlant d’une guerre dont le caractère mythique ne fait pas de doute, même si son récit s’appuie sans doute sur des événements historiques).
Mais cela me donne l’occasion de vous montrer ce détail d’un pithos, une grande jarre à fond étroit, trouvé à Mykonos en Grèce. Elle date de 670 environ avant Jésus Christ. C’est une des plus vieilles représentations connue du fameux cheval de Troie qui perdit la ville.

Jolly roger

Pour en revenir aux “têtes de morts” 🙂

Le pavillon du célèbre pirate Barbe Noire (Edward Teach, 1680-1718) : un diable tenant dans une main une lance qui transperce un cœur, et dans l’autre, selon les versions, un sablier pour marquer la fuite du temps ou un verre pour trinquer avec le Diable.

De quoi alimenter bien des fictions romantiques.

Il faut sauver le soldat série

Courrier des lecteur de Casemate de ce mois-ci :

D’abord, je m’interroge sur le fait qu’une série puisse passer de 19 000 exemplaires au tome 1 à seulement 10 000 au tome 2. Est-ce que la moitié des ventes du tome 1 ont été faites sur un malentendu ? Est-ce que la maison d’édition a mis des moyens marketing sur le tome 1 et s’est contenté de voir venir au tome 2 ? Démarrer à près de 20 000 exemplaires aujourd’hui est tellement miraculeux que je n’arrive pas à comprendre que tout le monde ne se soit pas battu pour maintenir voire augmenter ce chiffre au tome 2. (Après il y a sans doute des explications plus complexes qu’Yves Schlirf pourrait donner, d’autant plus que je sais bien que c’est un des éditeurs les plus volontaristes pour défendre la Bande Dessinée grand public.)

Ensuite, Yves dit tout haut ce que la plupart des auteurs savent, la Bande Dessinée réaliste qui se vend à moins de 25 000 exemplaires n’est économiquement pas viable pour les auteurs. C’est pourtant le cas de la très grande majorité des sorties. Le travail d’une “grande richesse” dont il parle s’accompagne, hélas, aujourd’hui d’une grande pauvreté, comme nous l’avions constaté dans notre étude des États Généraux de la Bande Dessinée.

En connectant ces deux informations, il y a de quoi s’inquiéter sur l’avenir de cette forme de Bande Dessinée qu’est la série grand public. Elle est condamnée au succès pour pouvoir exister et continuer, mais on peut se demander si elle est encore assez soutenue en terme d’investissements financiers et humains par le système éditorial actuel.

Pour conclure, quid d’une Bande Dessinée sans ces grandes séries ? Croit-on vraiment que son économie se contentera de quelques spectaculaires succès de romans graphiques de temps en temps ?

Malgré un emploi du temps trop chargé je me suis donc réengagée pour le prix de la série pour le festival d’Angoulême, parce que j’aime autant en lire qu’en faire, mais aussi parce que je pense que si ce secteur de l’édition venait à s’effondrer, ce serait toute la Bande Dessinée qui serait menacée dans sa survie économique. Il faut sauver le soldat grand public, il faut sauver le soldat série.

Alix, d’un tunnel à l’autre

L’an dernier, dans La Puissance et l’éternité, le sénateur Alix vous entrainait dans l’antre de la Sibylle de Cumes où une terrible surprise l’attendait.
A la rentrée prochaine, c’est un tout autre genre de tunnels qu’il parcourra dans Les Spectres de Rome. Mais ce qu’il y trouvera sera tout aussi terrifiant, promis.