Femme du jour : Dian Fossey

Dian Fossey est une primatologue américaine qui a étudié les gorilles au Rwanda des années 60 à 1985.

Née le 16 janvier 1932, Dian Fossey est très jeune attirée par les animaux, mais ses études de vétérinaire ne la mènent nulle part. Déçue, elle se replie sur l’ergothérapie et, son diplôme en poche, s’occupe d’enfants en difficulté dans un hôpital du Kentucky. Pourtant, elle n’oublie pas ses rêves d’enfance : en 1963, elle emprunte l’équivalent de trois ans de son salaire et part six mois en Afrique. Elle y découvre le Rwanda et ses grands singes. C’est le coup de foudre.

Dian Fossey joue avec de jeunes gorilles, © Robert I.M. Campbell, National Geographic Creative

Elle revient ensuite le plus souvent possible dans la région et, en 1967, crée le Karisoke Research Center, dans les montagnes des Virunga. Sept ans plus tard, elle obtient son doctorat en zoologie à l’Université de Cambridge. Elle ne cessera plus d’étudier les gorilles jusqu’à sa mort et sera reconnue comme une de leurs plus grandes spécialistes.

La couverture du National geographic de 1970

En janvier 1970, sa photo en couverture du « National geographic », qui finance la fondation qui la soutient, la rend mondialement célèbre. Elle commence à sensibiliser le public sur le sort des grands singes et le danger de leur possible extinction. Le braconnage est alors endémique dans le Parc national où elle travaille. Les bébés gorilles sont enlevés, les parents tués (ils luttent jusqu’à la mort pour conserver leur progéniture) et leurs têtes et leurs mains… vendues comme trophées aux touristes.C’est peut-être cet engagement qui cause la perte de Dian Fossey en décembre 1985 : elle est retrouvée assassinée à coups de machette dans sa hutte. A ce jour, son meurtrier reste inconnu. Le principal suspect, Protais Zigiranyirazo, soupçonné de diriger un trafic de bébés gorilles, est aussi le préfet de la région qui commande l’enquête sur la mort de la primatologue. Il est plus tard considéré comme un des principaux responsable du génocide du Rwanda de 1994.

Femme du jour : Sofia Kovalevskaia

Sofia Kovalevskaia est une mathématicienne russe qui participe à la Commune de Paris.

Née le 15 janvier 1850, elle suit des cours à l’université allemande de Heidelberg avant de convaincre Karl Weierstrass, le « père de l’analyse moderne » qui travaille surtout sur les fonctions elliptiques, de la prendre comme élève. Comme les femmes ne sont pas admises à la faculté de Berlin où il enseigne, il accepte de lui donner des leçons privées.

Très vite cependant, Sofia Kovalevskaia quitte l’Allemagne pour la France où elle rejoint sa sœur, Anna Jaclard. Toutes deux sont des socialistes et des féministes révolutionnaires. Anna, qui appartient à la section russe de l’Internationale, siège au Comité de vigilance de Montmartre et a co-fondé le journal « La Sociale ».

Après le dramatique échec de la Commune, Sofia retourne aux mathématiques. Elle travaille sur les équations aux dérivées partielles, améliorant un résultat d’Augustin Cauchy et finissant par définir le théorème de Cauchy-Kovalevskaia. Pour les amateurs : le théorème de Cauchy-Kovalevskaia est un théorème d’analyse à plusieurs variables stipulant qu’une équation aux dérivées partielles bien posée admet une solution unique pour un ensemble complet de conditions initiales. (Ne m’en demandez pas plus).

Sofia Kovalevskaia écrit aussi un traité sur les intégrales abéliennes et un autre sur la forme des anneaux de Saturne. Ces travaux lui permettent d’obtenir le titre de docteur de l’université de Göttingen en 1874. Une femme doit alors présenter trois traités de mathématiques différents quand un homme peut se contenter d’un seul. Le sexe de Sofia l’empêche aussi de soutenir ses thèses publiquement et elle est reçue « in absentia ». Bien sûr, elle n’est pas non plus autorisée à enseigner.

De retour en Russie, elle n’y trouve toujours pas de faculté prête à l’embaucher. Après le suicide de son mari, un paléontologue nihiliste comme elle, elle voyage à nouveau, vers la Suède cette fois. En 1884, elle est enfin nommée à l’université de Stockholm. Elle y étudie la rotation d’un corps solide autour d’un point fixe, un vieux problème sur lequel elle jette un regard là encore résolument novateur.

Aujourd’hui, son apport aux mathématiques est unanimement reconnu. Elle a d’ailleurs donné son nom à deux prix de mathématiques : le Prix Sofia Kovalevskaïa décerné en Allemagne à de jeunes scientifiques et le prix Kovalevskaïa qui promeut les femmes scientifiques sciences des pays en développement.

Femme du jour : Berthe Morisot

Berthe Morisot est une peintre appartenant au premier groupe des impressionnistes.

Née le 14 janvier 1841, elle se voit offrir des leçons de peinture avec ses deux sœurs pour « faire une surprise » à leur père qui est amateur d’art. Mais les jeunes filles n’apprécient pas du tout le style néo-classique de leur premier professeur. Elles en changent, vont rencontrer des copistes au Louvre, demandent à peindre en plein air et finissent par devenir les élèves de Camille Corot. C’est un néo-classique lui aussi, mais il aime peindre des paysages d’après nature, sur le vif, et travailler ses lumières.

Berthe Morisot vers 1877

 

Les jeunes filles envoient leurs premiers tableaux au Salon, l’exposition la plus courue de Paris, dès 1864. On les remarque à peine mais Berthe Morisot ne cesse plus de peindre jusqu’à sa mort, au contraire de ses sœurs qui arrêtent après leur mariage ainsi que le veut la bienséance bourgeoise de l’époque.

Femme et enfant au balcon 1872. Ittleson foundation.

Berthe Morisot reste « vieille fille » jusqu’à 33 ans et épouse alors Eugène Manet, le frère d’Édouard, qui l’encourage à poursuivre sa carrière. Ses rapports sont plus compliqués avec l’auteur du « Déjeuner sur l’herbe ». Elle pose de nombreuses fois pour lui et ils s’influencent réciproquement, malgré des propos parfois acerbes de Manet. Il écrit ainsi à l’un de ses amis : « Je suis de votre avis, les demoiselles Morisot sont charmantes, c’est fâcheux qu’elles ne soient pas des hommes. Cependant, elles pourraient, comme femmes, servir la cause de la peinture en épousant chacune un académicien et en mettant la discorde dans le camp de ces gâteux »

Le berceau, 1873. Musée d’Orsay.

Mais Berthe Morisot ne va pas choisir le camp des « gâteux » au contraire. En 1874, elle adhère à la Société anonyme des artistes peintres, sculpteurs et graveurs fondée par Monet, Pissarro, Sisley et Degas (mais pas Manet qui a refusé de venir). Puis, abandonnant le Salon, elle participe à leur côté à la première exposition des « impressionnistes », comme les appelle le critique Louis Leroy d’après le tableau de Monet « Impression soleil levant ». Berthe Morisot est la seule femme exposée et la presse s’en donne à cœur joie contre elle. Albert Wolf écrit ainsi : « Il y a aussi une femme dans le groupe comme dans toutes les bandes fameuses ; elle s’appelle Berthe Morisot et est curieuse à observer. Chez elle, la grâce féminine se maintient au milieu des débordements d’un esprit en délire. » Furieux, Eugène Manet veut provoquer en duel le journaliste mais sa femme parvient à le retenir.

Jour d’été, 1879. National Gallery, Londres.

Au final, l’exposition est un succès et sept autres ont lieu jusqu’en 1886. Berthe Morisot pousse de plus en plus loin ses audaces esthétiques et finit par être considérée comme une figure de proue de l’impressionnisme. Elle n’en continue pas moins d’expérimenter de nouvelles techniques et de nouvelles thématiques : des nus au fusain, pastel, aquarelle… par exemple.

En mars 1895, elle meurt après avoir réalisé environ 400 œuvres. Cela ne suffit apparemment pas pour en faire une vraie peintre : son certificat de décès indique qu’elle est « sans profession ».

Bords de Seine, 1883, Galerie nationale d’Oslo.

Femme du jour : Violette Nozière

Née le 11 janvier 1915, Violette Nozière est l’héroïne d’un fait divers qui prend les proportions d’un véritable fait de société par son retentissement médiatique.

Tout commence en août 1933, en pleine montée du fascisme en Europe sur fond de grave crise économique. Le corps du père de Violette est découvert dans l’appartement familial, tout près de sa mère qui respire encore. Quelques jours plus tard, elle avoue avoir essayé de les empoisonner tous les deux.

Son crime fait immédiatement les gros titres de la presse. Sa personnalité aussi : jeune étudiante de 18 ans issue de la classe moyenne, elle menait en fait une double-vie très peu avouable. Elle volait ses parents et se prostituait pour s’offrir des « toilettes », pouvoir passer ses journées dans les cafés et surtout entretenir son « amant de cœur ».

©Collection-Kharbine-Tapabor

Chacun se doit de prendre position sur l’affaire et les politiques n’hésitent pas à l’instrumentaliser brutalement. La droite dénonce ainsi en Violette Nozière le prototype d’une jeunesse décadente qui menace l’ordre social en s’attaquant à son fondement par excellence : la famille. La gauche, au contraire, transforme la jeune femme en symbole de la lutte contre les dérives de la société bourgeoise. Les surréalistes en font même leur muse. Dans une chronique dans l’Humanité, Louis Aragon parle d’elle comme d’une victime du patriarcat.

Il faut dire que si Violette reconnaît son entière culpabilité, elle explique son geste par sa haine envers son père qui abusait d’elle depuis plusieurs années. Elle maintient ses accusations, jugées crédibles par les enquêteurs, pendant son procès. Néanmoins, elles n’y sont jamais clairement abordées. Le viol et encore plus l’inceste sont des sujets complètement tabous à cette époque. Même la presse la plus sensationnaliste évite d’employer ces termes.

Dans ce contexte, le procès ne peut déboucher que sur un seul résultat : Violette Nozière est condamnée à la peine de mort pour parricide et empoisonnement, sans aucune circonstance atténuante. Heureusement, on ne guillotine plus les femmes dans les années 30. Sa peine est commuée en travaux forcés à perpétuité. Pétain la réduit plus tard à 12 ans d’enfermement et De Gaulle finit par gracier la jeune femme en 1945, preuve du malaise qu’a provoqué sa première condamnation dans une partie importante de la société.

En 1963, son avocat parvient même à obtenir sa réhabilitation et à la rétablir dans tous ses droits. Détenue modèle qui a renié son ancienne vie et s’est muée en catholique convaincue, Violette Nozière est alors devenue une respectable veuve, mère de 5 enfants, qui gère un hôtel avec sa mère. Elle mourra seulement trois ans plus tard d’un cancer des os, au milieu des siens.

Affiche du film inspiré à Claude Chabrol par l’affaire Violette Nozière en 1977

Femme du jour : Linda Lovelace

Linda Susan Boreman devint instantanément célèbre en 1972 sous le nom de Linda Lovelace quand sortit en salle Gorge profonde, le film pornographique de Gérard Damiano dont elle tenait le rôle principal.

Née le 10 janvier 1949 dans le Bronx, elle ne se remit jamais vraiment de cette « performance ». Et pour cause, elle raconta en 1980 dans son autobiographie, Ordeal – Le Supplice -, que son mari, Chuck Traynor, l’avait contrainte à accepter ce rôle après avoir échoué à lui faire mener une carrière de call-girl de luxe. Elle ajoutait qu’il la menaçait d’une arme, la battait et la violait régulièrement avant de conclure « quand vous voyez le film Gorge profonde, vous me voyez en plein viol ».

Linda Lovelace et Chuck Traynor en 1972

On imagine bien que son livre ne fut pas reçu à l’époque comme il le serait aujourd’hui. Si Linda Lovelace reçut le soutien de nombreuses féministes américaine, elle dut aussi faire face à de nombreuses attaques médiatiques. Le réalisateur Hart Williams inventa même pour l’occasion le « Linda syndrome » promis à un grand avenir : le syndrome des anciennes actrices porno qui accusent l’industrie d’exploitation juste pour faire excuser leur carrière.

Femme du jour : Simone de Beauvoir

Née le 9 janvier 1908, Simone de Beauvoir est une des figures les plus connues du féminisme français, même si elle est au centre de beaucoup de controverses.

Elle est issue d’une famille aisée qui connaît de graves difficultés financières pendant son adolescence, au grand désarroi de son père. Elle le décrira plus tard dans Les Mémoires d’une jeune fille rangée : « Quand il déclara : « Vous, mes petites, vous ne vous marierez pas, il faudra travailler », il y avait de l’amertume dans sa voix. Je crus que c’était nous qu’il plaignait ; mais non, dans notre laborieux avenir il lisait sa propre déchéance. »

Devenue adulte, Simone de Beauvoir doit donc travailler. Mais loin de le considérer comme un fardeau dégradant, elle le vit comme une libération et une condition nécessaire à son émancipation personnelle. En 1929, elle et Jean-Paul Sartre qu’elle vient de rencontrer et qui sera toute sa vie son compagnon, se classent aux deux premières places de l’agrégation de philosophie. Simone de Beauvoir enseigne ensuite dans différents lycées.

Portrait de Simone de Beauvoir, ©Le Salon Littérair

En 1943, elle est renvoyée de l’Éducation nationale à la suite d’une plainte pour « excitation de mineure à la débauche » qui aboutira finalement à un non-lieu. Pourtant, il est sûr aujourd’hui qu’elle entretenait bien une liaison avec son élève, de même qu’il lui arrivait de présenter d’autres jeunes filles à Sartre avec qui ils formaient des triangles voire des quatuors amoureux. Elle mentira toute sa vie à ce propos, comme sur bien d’autres relevant de son intimité, provoquant de manière posthume la colère de féministes qui se sentiront trompées par leur icône.

Simone de Beauvoir est réintégrée comme professeure en 1945 mais elle n’enseignera plus jamais. Les années qui suivent, elle fonde la revue Les Temps modernes avec d’autres intellectuels de gauche : Sartre bien sûr mais aussi Raymond Aron, Michel Leiris, Maurice Merleau-Ponty, Boris Vian… Elle consacre aussi son temps à l’écriture de romans et d’essais dans lesquels elle s’engage pour le communisme, l’athéisme ou encore l’existentialisme, tout en voyageant beaucoup. Aux États-Unis, elle rencontre l’écrivain Nelson Algren dont elle tombe amoureuse et à qui elle enverra plus de 300 lettres durant les 15 ans que durera leur relation. Il y mettra fin quand il se rendra compte qu’elle ne quittera jamais Sartre pour lui.

Simone de Bauvoir signant ses livres, © Les Films d’ici

La consécration arrive pour Simone de Beauvoir en 1949 avec la publication du Deuxième sexe, son grand essai féministe. Il se vend à plus de 22 000 exemplaires dès la première semaine et provoque un énorme scandale. L’écrivain chrétien François Mauriac écrit aux Temps modernes : « à présent, je sais tout sur le vagin de votre patronne ». Mais l’ouvrage aura une grande influence sur les écrivaines qui suivront, y compris les théoriciennes américaines de Women’s Lib.

Beauvoir y refuse tout essentialisme/déterminisme. Elle déclare qu’aucune femme n’a de destin tracé dès sa naissance. L’infériorisation du « deuxième sexe » est le fait des hommes (sexistes, lâches et parfois cruels) mais aussi des femmes elles-mêmes (passives, soumises et manquant d’ambition). Pour elle, l’émancipation féminine qui passe par l’accès au monde du travail et le droit à l’avortement, ne peut aboutir que si les deux sexes s’unissent pour y parvenir.

Simone de Bauvoir, Claude Lanzmann, un autre de ses compagnons et Jean-Paul Sartre, le 4 mars 1967 à Gizeh, en Egypte. Photo AFP

Cinq ans plus tard, Simone de Beauvoir reçoit le prix Goncourt pour son roman Les Mandarins qui, sous couvert de personnages imaginaires, évoque sa relation avec Algren.

Elle commence ensuite son autobiographie tout en multipliant les engagements féministes. En 1971, elle rédige le Manifeste des 343 puis fonde avec Gisèle Halimi le mouvement Choisir pour appeler à la légalisation de l’avortement. En 1977, elle participe à la création de la revue Questions féministes, puis en 1981 à Nouvelles questions féministes dont elle sera directrice jusqu’à sa mort en 1986.

Femme du jour : Fanny Bullock Workman

Fanny Bullock fut pendant longtemps la « femme la plus haute du monde ». Alpiniste, exploratrice, cartographe mais aussi écrivaine et féministe convaincue, elle établit plusieurs records d’altitude féminins avant d’écrire huit livres sur ses voyages et de devenir la première Américaine à donner des conférences à la Sorbonne et la seconde à la Royal Geographical Society.

Née le 8 janvier 1859 dans une famille américaine aisée, elle épousa William Hunter Workman et préféra parcourir le monde avec lui plutôt que s’occuper de leurs deux enfants laissés aux bons soins de nurses puis d’écoles privées. Ils commencèrent par effectuer des circuits à vélo en Suisse, en France, en Italie, en Espagne, puis en Algérie et en Inde.

Fanny Bullock Workman et son mari avant 1911

Au terme de ce dernier voyage, ils décidèrent de partir pour l’Himalaya plutôt que de retourner aux États-Unis. Tombés amoureux à la fois de la montagne et de l’alpinisme, ils y retournèrent 8 fois pendant les 14 années suivantes. Bien que dépourvus de matériel d’escalade performant, ils atteignirent plusieurs hauts sommets et explorèrent des glaciers encore inconnus avant leur arrivée. Le record de Fanny fut le sommet du Pinnacle Peak (7000 m) dans le massif du Nun Kun, en Inde.

Dans les récits qu’elle fit plus tard avec William de leurs expéditions, elle accorda toujours une grande attention aux modes de vie des femmes et à leurs difficultés. Aux États-Unis, elle militait d’ailleurs pour le droit de vote des femmes. Malheureusement, elle n’accorda pas le même regard positif aux « indigènes » qu’elle employa avec son mari pendant ses ascensions. Leurs relations avec eux furent chaotiques et marqués par une certaine incompréhension teintée du paternalisme caractéristique du XIXe siècle.

Fanny Bullock Workman dans l’Himalaya vers 1900

Femme du jour : Elena Ceausescu

Vous avez peut-être entendu parler d’Elena Ceausescu récemment, à l’occasion du trentième anniversaire de la chute des régimes communistes d’Europe de l’Est. Elle était l’épouse et le principal soutien politique de Nicolae Ceausescu, le président de la république socialiste de Roumanie de 1967 à décembre 1989, un grand admirateur de la Corée du Nord et grand adepte du culte de la personnalité. Mais, plus qu’une femme de dictateur, Elena était aussi un fameux escroc.

Aux côtés de son mari, elle connut une ascension politique fulgurante et devint même sa vice-première ministre en 1987. Née Lenuta Petrescu le 7 janvier 1916 à Petresti, en Roumanie, elle entra au Parti communiste en 1937, dix ans avant d’épouser Nicolae. Ce mariage fut l’occasion pour elle de falsifier son certificat de naissance : elle se rajeunit de trois ans et changea son prénom de Lenuta (« petite Hélène » en roumain) en Elena, à la connotation moins affective.

Ce ne furent que les premières d’une longue suite de falsifications et d’usurpations en tout genre. Très peu instruite, simple assistante de laboratoire à l’origine, elle fit tout pour se faire passer pour une scientifique de niveau international. Elle accapara la direction générale de l’Institut de recherches chimiques roumain et devint membre de l’Académie des sciences.

Les savants qui acceptèrent de valider son statut, d’écrire les articles qu’elle signait par exemple, firent une magnifique carrière. Les autres, ceux qui avaient refusé d’entrer dans son jeu tels le professeur Cristofor I. Simionescu qui avait refusé de valider sa thèse en chimie, furent écartés des postes prestigieux, voire limogés et emprisonnés. Cela n’empêcha pas de grandes universités étrangères de décerner des diplômes honorifiques à Elena, leurs gouvernements tenant à maintenir de bons rapports avec la Roumanie.

Mais l’illusion prit fin en 1989 quand le Bloc de l’est s’effondra. La dictature des Ceausescu, qui plongea leur pays dans une terrible misère, finit dans un bain de sang. Elena et son mari furent fusillés après une procédure judiciaire expéditive du même type que celle qu’ils réservaient à leurs malheureux opposants.

[ Edit : Une lectrice me fait remarquer à juste titre qu’il y avait beaucoup d’autres choses à dire sur les Ceaucescu. Effectivement, il y a énormément à dire sur leur dictature. Trop pour un simple post FB. Même en en restant à leur catastrophique politique nataliste (interdiction de l’avortement, impôts frappant les couples sans enfants, durcissement des conditions de divorce…) et aux drames qu’elle a engendrés (tout le monde se souvient des terribles images des orphelinats roumains) c’est trop. C’est un vrai dossier documenté qu’il faudrait ou un roman graphique. C’est pourquoi j’ai préféré m’en tenir ici à quelques anecdotes illustrant la personnalité d’Elena et surtout le fait que le régime reposait alors sur le mensonge, le culte de la personnalité, l’intimidation (voire pire) et que les pays étrangers étaient très complaisants envers ces travers. ]

Elena et Nicolae Ceausescu à la dernière convention du Parti communiste roumain en novembre 1989. © Associated Pres

Femme du jour : Karine Ruby

La plupart d’entre vous ne connaissent sans doute pas le nom de cette jeune femme au destin tragique. Pourtant, c’est une des plus grandes sportives françaises de la décennie 2000-2010. Il faut dire que son domaine de prédilection, le snowboard, est peu médiatisé et que le sport féminin en général ne l’est guère plus, même si cela a tendance à s’arranger. Il a représenté entre 16 et 20 % du volume horaire de diffusion de retransmissions sportives en 2016, contre 14 % en 2014 et 7 % en 2012, selon le CSA.

Mais revenons à Karine Ruby. Elle est née le 4 janvier 1978 en Haute-Savoie et, surtout, a remporté le slalom géant en snowboard aux Jeux olympiques de Nagano en 1998 avant de finir deuxième lors des Jeux suivants à Salt Lake City.

Elle a aussi gagné 6 médailles d’or et 4 d’argent aux championnats du monde de snowboard en slalom parallèle, slalom géant et cross entre 1996 et 2005 ainsi que 67 victoires en Coupe du monde et 19 globes de cristal (trophée donné à la gagnante du classement général de cette même Coupe du monde).

Mais les carrières sportives sont souvent très courtes : Karine Ruby dut se retirer des compétitions dès 2006 après s’être blessée au genou en 2004 et avoir enduré une double fracture des vertèbres dorsales en 2005.

Elle devint ensuite guide de haute-montagne dans le massif du Mont-Blanc. Mais sa passion pour la montagne finit malheureusement par lui couter la vie. Le 29 mai 2009, à seulement 31 ans, elle chuta avec deux autres alpinistes d’une vingtaine de mètres dans une crevasse du Glacier du géant.

Photo © Le Monde/AP/PeterDejong

Femme du jour : Sylvia Likens

J’ai un peu hésité avant de vous raconter cette terrible histoire aujourd’hui car il s’agit vraiment du « pire crime commis dans l’État d’Indiana », comme le qualifient les journaux de l’époque.

C’est le 26 octobre 1965 que la police d’Indianapolis découvre le corps torturé de la jeune Sylvia Likens, née le 3 janvier 1949, chez la femme chargée de veiller sur elle, Gertrude Baniszewski.

Effondrée celle-ci montre aux enquêteurs un mot écrit par Sylvia juste avant sa mort à l’attention de ses parents. Elle dit avoir accepté de coucher avec tout un groupe de garçons en échange d’argent mais l’affaire a dégénéré. Ils l’ont brûlée, battue, torturée. Les hommes, horrifiés, s’empressent de partir à la recherche des bourreaux de Sylvia… mais juste avant qu’ils ne quittent la maison, Jenny, la sœur de la victime, a le temps de leur chuchoter à l’oreille : « Sortez-moi d’ici et je vous dirai tout »

Son récit est encore plus glaçant que celui fait par Sylvia dans sa lettre. La malheureuse n’a pas été victime d’une bande de jeunes hommes mais de Gertrude, des enfants de celle-ci et plusieurs autres adolescents du quartier !

Tout commence trois mois plus tôt quand les parents de Sylvia et de Jenny, des forains, décident de repartir sur les routes en laissant leurs filles à Indianapolis, la ville où elles ont toujours vécu et ont tous leurs amis. C’est d’autant plus facile que Gertrude Baniszewski, la mère d’une de ces amies, Paula, est prête à les accueillir contre 20 $ par semaine. Au départ tout se passe bien. Mais un paiement arrive en retard, puis un autre…

Gertrude commence alors à battre les deux filles. Plus qu’après Jenny, c’est après Sylvia qu’elle en a. On ne saura jamais vraiment pourquoi. En tout cas, les mauvais traitements ne s’arrêtent plus. Pire, Gertrude y associe très vite ses enfants dont la fameuse Paula. Pour se justifier, elles n’hésitent pas à accuser Sylvia de méfaits imaginaires : elle a volé des bonbons ou un costume de gymnastique, elle a humilié Gertrude en admettant en public avoir déjà eu un petit ami. Pire elle a accusé Paula et Stéphanie, une autre fille de Gertrude, de se prostituer alors que, « bien sûr » c’est elle, Sylvia, qui se prostitue. Pour tout cela, elle doit être punie. Elle est battue, humiliée, brûlée à la cigarette. On lui grave même sur le ventre « Je suis une prostituée et j’en suis fière ». Et je vous dispense de lire le reste.

Enfermée au sous-sol, la malheureuse dépérit progressivement. Elle tente bien de s’échapper après avoir entendu Gertrude et ses enfants parler de l’abandonner dans les bois pour l’y laisser mourir, mais elle est rattrapée à la porte d’entrée. Aux mauvais traitements qui continuent s’ajoute alors la privation presque totale de nourriture. À peine trois mois après son arrivée dans la maison, Sylvia est à bout. Gertrude n’a plus qu’à la forcer à écrire la fameuse lettre qui confirmera à quel point elle était « une mauvaise fille, une prostituée » et donnera une explication plausible de sa mort.

Ci-dessous : Sylvia Likens, Gertrude Baniszewski et la maison où tout se déroula.

Le procès de la famille Baniszewski et de ses complices a lieu quelques mois plus tard. Gertrude plaide l’aliénation mentale. Elle échappe à la peine de mort mais est condamnée à perpétuité en mai 1966. Elle obtiendra la liberté conditionnelle 29 ans plus tard. Ses complices écopent également de peines de prison, notamment Paula (qui, pour l’anecdote, est enceinte d’un homme marié au moment du procès). Condamnée aussi à vie, elle verra sa peine commuée ensuite et sortira en 1972.

L’affaire fera couler beaucoup d’encre aux États-Unis, d’autant plus qu’on est à une époque où le féminisme cherche particulièrement à s’affirmer. En 1979, Kate Millett écrit ainsi un livre sur cette sinistre histoire : The Basement: Meditations on a Human Sacrifice. Pour elle, en résumant très vite, le meurtre de Sylvia Likens est le symbole de toute l’histoire de la répression des femmes, comme si Gertrude avait voulu apprendre à sa victime ce que c’était vraiment qu’en être une.