La mort de Félix Faure ou le danger de vouloir assurer à tout prix

Ce vieux monsieur respectable est Félix Faure, président de la République de 1895 à 1899. Plus que pour ses actions politiques, il est connu pour les circonstances de sa mort le 16 février 1899.

Ce jour-là, il fit venir, comme de coutume, sa maîtresse, Marguerite Steinheil, dans le salon bleu de l’Élysée. Au même moment, il terminait un entretien avec l’archevêque de Paris et le prince de Monaco venus intercéder pour le capitaine Dreyfus, la grande affaire judiciaire de l’époque.
Les discussions ayant sans doute refroidi ses ardeurs, le président prit une dose massive d’aphrodisiaque (son habituel à base de quinine ou bien un autre, plus puissant, à base de cantharide). Hélas, peu de temps après son entrée dans le salon où l’attendait son amie des cris, et pas de plaisir, se firent entendre.
Vous devinez la suite. Son chef de cabinet retrouva Félix Faure à l’agonie et dénudé sur un canapé. Selon la tradition, c’est une fellation qui aurait eu raison de son cœur déjà fragile.
Vous imaginez le scandale à l’époque…

Cette version des faits a d’ailleurs été très contestée par la suite: les tenant de la théorie du complot pensent que Félix Faure a été empoisonné par des Dreyfusards (des pro-Dreyfus) tandis que des historiens de la médecine penchent, plus sérieusement, pour un simple accident vasculaire cérébral sans rapport avec ses activités sexuelles. On ne saura sans doute jamais la vérité.

Ci-dessous:
– portait officiel de Félix Faure (Pierre Petit photographe)
– la mort de Félix Faure, représentée dans Le petit Journal

 

 

Publié le Catégories Éphéméride, Histoire contemporaine
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Les Lupercales ou Marc Antoine tout nu (enfin presque…)

À la mi-février, on célébrait dans la Rome antique les Lupercales, des fêtes de purification en l’honneur du dieu Faunus lupercus, « Faunus qui repousse les loups » loin des troupeaux.

On lui sacrifiait un bouc à l’intérieur de la grotte dans laquelle la louve était censée avoir allaité Romulus et Remus, les fondateurs légendaires de la ville. Puis, le prêtre apposait son sang sur le front de deux adolescents vêtus de peaux d’animaux. Il éclataient de rire et, après s’être armés de lanières taillées dans le cuir du bouc sacrifié, rejoignaient les 22 autres luperques et allaient fouetter (!) tous ceux et surtout toutes celles qu’ils croisaient sur leur passage. Le fête de la purification était aussi une célébration de la fécondité retrouvée au sortir de l’hiver.

Mais le rapport avec Marc Antoine me direz-vous ? En 44 av JC, c’est lui, alors consul de Rome, qui était le premier des luperques. Cette mauvaise langue de Cicéron le décrit comme « nudus, unctus, ebrius », nu, huilé et ivre. Couvert de sa seule peau de bouc, il tenta par deux fois de poser un diadème sur la tête de César et par deux fois, César le repoussa… sous les acclamations de ses partisans qui espéraient peut-être le voir devenir le monarque de Rome.
Un mois plus tard, c’était les ides de mars. Après le meurtre de César, Marc Antoine s’enfuit pour échapper à ses assassins. Il se dépouilla de ses insignes de consul pour ne pas être reconnu et se retrouva donc une fois de plus tout nu ou presque… Comme quoi, à Rome, du tragique au grotesque, il n’y a jamais qu’un pas souvent vite franchi.

Ci-dessous :
– Les Lupercales, vers 1635, musée du Prado © Andrea Camassei
– Richard Burton en Marc Antoine dans le Cléopâtre de Joseph L. Mankiewicz en 1963 (je vous laisse l’imaginer en peau de bouc)

Saint Valentin

Les reliques de saint Valentin de Terni et moi souhaitons une joyeuse fête à tous les amoureux.

Pour les curieux, saint Valentin était, selon la tradition catholique, un prêtre du IIIe siècle après Jésus-Christ. Il mariait les amoureux chrétiens contre la volonté de l’empereur Claude II le Gothique qui avait besoin d’hommes célibataires pour ses armées.
Dénoncé, Valentin fut envoyé en prison où il rendit miraculeusement la vue à Julia, la fille de son geôlier. Furieux de l’aventure, Claude ordonna alors l’exécution du prêtre. Il fut battu puis décapité sur la via Flaminia, à Terni, un 14 février.
Bien sûr, toute la famille de Julia se convertit alors au christianisme et la jeune fille planta un amandier près de la tombe de Valentin, faisant de cet arbre le symbole de tout amour.

Plusieurs villes conservent ses reliques. Le crâne que vous voyez ci-dessous se trouve à Rome, dans la basilique Sainte-Marie de Cosmedin.

Très riches Heures du duc de Berry : les frimas de février

Je ne vais pas attendre à nouveau la fin du mois pour vous montrer cette miniature. Totalement opposée à celle du mois de janvier qui offrait un duc de Berry donnant un somptueux festin pour des invités de marque, elle montre des paysans passer tant bien que mal l’hiver.

Le soleil, toujours présent dans le ciel sous la forme d’un Apollon inspiré de l’art byzantin, n’arrive pas à réchauffer le paysage de neige, un des premiers de la peinture médiévale.

Les châteaux habituels ont laissé la place à une ferme avec une bergerie, un pigeonnier et quatre ruches. Dans la maison, des personnages se réchauffent devant le feu. Un jeune couple soulève ses vêtements pour mieux profiter des flammes et les sexes des deux personnages sont clairement visibles. Certains critiques y ont vu une volonté des frères Limbourg, les auteurs de la peinture, ou de leur aristocratique commanditaire de ridiculiser ces pauvres gens. Leur grossièreté supposée, leur manque de pudeur les rapprocheraient symboliquement des animaux qu’ils côtoient. En tout cas, on est bien loin de l’image flatteuse donnée des nobles dans les autres mois de l’année.

Cette miniature semble avoir bien influencé les enlumineurs postérieurs.
Ci-dessous, à côté d’elle, vous pouvez voir une peinture sortie du Bréviaire Grimani réalisé entre 1510 et 1520 et rapidement entré dans la famille éponyme avant d’être légué à la république de Venise où il se trouve toujours aujourd’hui.


Dans les très riches Heures, vous pouvez découvrir aussi :

les autres mois : janvier, février, mars, avril, mai, juillet, août, septembre, octobre, novembre , décembre

une fête chrétienne illustrée dans le livre : l’Ascension

Un étonnant “homme zodiacal”

Nouvel an chinois

Ce mardi, on fête le premier jour de l’année chinoise. Il coïncide avec le début de la fête du printemps qui va durer quinze jours. Sa date dans notre propre calendrier varie chaque année car le calendrier chinois est luni-solaire (il est basé sur les mois lunaires mais des mois intercalaires sont ajoutés de temps en temps pour rester en phase avec l’année solaire).

Beaucoup de traditions sont liées à ce début d’année. La semaine passée a déjà eu lieu le « petit Nouvel An ». On a déposé de la nourriture devant le dieu du foyer placé dans la cuisine pour qu’il ne rapporte à l’Empereur de Jade, le maître du ciel, que les bonnes actions accomplies par la famille pendant l’année passée et pas les mauvaises. Puis, le portrait du dieu a été brûlé et il s’est envolé vers l’Empereur.
On a aussi pris soin de disposer dans la maison des souhaits écrits sur papier rouge pour que la nouvelle année les voit se réaliser.

Le passage d’une année à l’autre lui-même a lieu pendant la nuit car Le mot « année », « nian » est censé provenir du nom d’un monstre qui venait hanter les villages une nuit par an et obligeait les habitants à veiller enfermés chez eux.
Ainsi chaque Nouvel An est marqué par un réveillon pendant lequel on sert des plats aux noms évocateurs de bonne fortune. Le dessert coutumier, est le « niangao ». « Gao », gâteau, étant homophone du verbe signifiant « grandir », le manger est censé garantir une bonne croissance dans tous les domaines. On veille ensuite toute la nuit car ce serait un gage de longue vie. Les plus âgés offrent des enveloppes rouges avec de l’argent aux plus jeunes qui font des vœux en leur faveur. Vers 11 heures ou minuit, les enfants allument une chaîne de pétards.

Le lendemain matin, le plus tôt possible toujours pour avoir le plus de chance possible, on va au temple puis sur les tombes de la famille. On rend ensuite visite à ses proches et à ses connaissances les plus importantes. Dans certaines grandes villes hors de Chine des parades sont organisées. La première le fut à San Francisco dans la deuxième moitié du XIXe siècle. On y réalise les fameuses danses du lion et du dragon qui représentent à la fois la noblesse, le courage et, bien sûr, la chance.

Chaque année est associée à l’un des signes du zodiaque chinois ainsi qu’à l’un des cinq éléments : aujourd’hui c’est l’année du cochon et de la terre qui commence.

Ci-dessous :
– Danse du lion, Paris, 2014 ©Pascal Vu

– Danse du dragon, © pariszigzag.fr

La Chandeleur

Aujourd’hui, comme tous les 2 février, c’était la Chandeleur, la fête des crêpes mais aussi des chandelles.

Selon la tradition, c’est le pape Gélase 1er qui, en 472, a mené la première procession aux flambeaux un 2 février. À cette date, les Chrétiens célébraient la Présentation de Jésus au Temple et la Purification de la Vierge. Dans le récit biblique, quarante jours après son accouchement, Marie, comme toutes les mamans juives qui venaient d’avoir leur premier garçon, offrit un sacrifice à son Dieu et lui présenta son fils. Au Temple, elle fut reçue par Siméon, un vieillard, qui reconnut dans le nouveau-né la « lumière d’Israël ».

Ces idées de « lumière » et de « purification » étaient présentes aussi dans les fêtes religieuses d’autres cultures célébrées en février. « Februarius », février en latin, est d’ailleurs dérivé du verbe « februare » qui veut dire « purifier ». Chaque 15 février avaient lieu à Rome les Lupercales, des fêtes qui visaient à purifier la ville et à lui assurer une année de prospérité. De même, les Celtes célébraient au début du mois, la déesse Brigit (devenue la sainte Brigitte fêtée… le 1er février) qui devait purifier les champs et y ramener la fertilité.

Je vous laisse apprécier le fait que les femmes venant d’accoucher ainsi que la terre nourricière devaient être purifiées… D’autant que ces cérémonies prenaient parfois un tour extrêmement violent comme les Lupercales dont je vous reparlerai sans doute ou les fêtes de l’ours célébrées à l’origine chez les Germains ou les Scandinaves. La sortie du plantigrade de son hibernation hivernale marquait le retour de la lumière. Elle était fêtée par des déguisements en ours, des feux de joie… et des simulacres d’agressions sexuelles qui dégénéraient à l’occasion en vrais viols.

Pour le pape et les évêques chrétiens, mettre en avant la fête des chandelles, c’était autant lutter contre le paganisme que contre ces violences ritualisées. Mais, me direz-vous, on est toujours loin des crêpes. Pas tant que cela en fait. La tradition raconte que c’est le même pape, Gélase 1er qui institua les processions aux flambeaux et les crêpes. Il faisait distribuer ces gâteaux aux pèlerins qui étaient arrivés trop tard à Rome pour y fêter Noël. Rondes et dorées, les crêpes rappellent, comme les galettes des rois, le soleil et sa chaude lumière. De plus, les paysans les confectionnaient avec de la farine provenant de leur récolte précédente alors même qu’ils entamaient les semailles d’hiver qui devaient leur amener la suivante. C’était à nouveau un rituel liant retour de la lumière et de la fécondité, mais beaucoup plus pacifique que les précédents.

Ci-dessous :
– La présentation de Jésus au Temple, fresque de Fra Angelico, vers 1437-1446, Florence.
– Crêpes de la Chandeleur ©Helena-Zolotuhina

Très riches Heures du duc de Berry : le festin de janvier

Mieux vaut tard que jamais : voici l’illustration du mois de janvier des Très Riches heures du duc de Berry.

©Photo. R.M.N. / R.-G. Ojéda
Le duc lui-même est représenté sur la droite, en bleu, avec une coiffe en fourrure brune. A côté de lui, on voit l’inscription « Approche approche », sorte de « bulle » avant l’heure et, effectivement, des proches, prélats et laïcs avancent vers lui.
Devant la table, deux serviteurs, des écuyers tranchants (chargés de découper la viande) portent l’écharpe blanche des partisans des Armagnacs.
La France est alors en pleine guerre civile. Suite à la folie du roi Charles VI, le pays est dirigé par un conseil de régence. Outre la reine Isabeau, ses membres les plus influents sont Jean sans Peur, duc de Bourgogne, et Louis d’Orléans, frère du souverain et gendre de Bernard VII d’Armagnac. Deux hommes aussi puissants et ambitieux ne peuvent pas s’entendre longtemps et leur conflit personnel dégénère très vite en véritable guerre. Les « Bourguignons » et les « Armagnacs » s’affrontent donc pendant 25 ans, de 1410 à 1435 !
Le duc de Berry appartient au parti des Armagnacs. Le festin représenté ci-dessus est peut-être celui qu’il a organisé le 1er janvier 1415 pour tenter de réconcilier ses alliés avec leurs ennemis bourguignons dans le cadre de la paix d’Arras qu’ils vont signer le mois suivant. Malheureusement, cette paix se révélera n’être qu’une trêve et les hostilités reprendront très vite.
L’idée de guerre est d’ailleurs présente dans le motif d’arrière-plan de la scène: de grandes tapisseries qui montrent des scènes de la mythique guerre de Troie.

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Un étonnant “homme zodiacal”

 

 

William Prout, spécialiste de la digestion

Né le 15 janvier 1785, William Prout était un savant britannique dont la spécialité était la chimie.

On lui doit, entre autres, beaucoup d’analyses des sécrétions des organismes vivants, dont il croyait qu’elles étaient produites par la ruptures des tissus (!). Ainsi, en 1823, il découvrit que les sucs de l’estomac renfermaient de l’acide chlorhydrique qui pouvait être séparé des sucs gastriques au moyen de la distillation. En 1827, ce fut lui qui établit la classification lipides, protides, glucides. Elle lui valut la médaille Copley de la Royal Society de Londres.

(Cet article est dédié à Thibaud De Rochebrune, mon futur co-auteur)

Ci-dessous :
William Prout d’après une miniature de Henry Wyndham Philips, XIXe siècle.

Orange mécanique

… Ou harcèlement et auto-censure avant les réseaux sociaux.

Le 13 janvier 1971 sortait en salle, Orange mécanique, de Stanley Kubrick.Film de science-fiction autant que satire sociale, il raconte les dérives d’un sociopathe ultra-violent que son gouvernement va tenter de réhabiliter au moyen de séances de conditionnement extrêmement malsaines.

Le film ne fut pas censuré à sa sortie comme on le voit souvent écrit mais Kubrick reçut beaucoup de lettres de menaces et d’insultes. Des attroupements d’opposants virulents au film eurent même lieu devant sa maison.
Lassé de ce harcèlement et craignant pour la sécurité des siens, le réalisateur finit par demander à Warner Bros, qui diffusait le film, de le retirer des salles anglaises. Ce qui fut fait. Kubrick empêcha aussi toute diffusion en vidéo ou à la télévision britannique de son œuvre. Cette auto-censure dura jusqu’à la mort du réalisateur : Orange mécanique ne fut projeté à nouveau à Londres qu’en l’an 2000 !

À méditer à l’heure où la critique des œuvres vire de plus en plus souvent au harcèlement sur les réseaux sociaux. Avec, en réponse, l’autocensure des auteurs. Espérons que la colère des foules de tous bords n’en vienne pas à nous priver des Orange mécanique de demain.

Bûche du solstice

Mon dernier souvenir de 2018 fut une succulente bûche aux amandes.
En son honneur, je vais vous parler aujourd’hui de l’origine de ce dessert de fin d’année.

Parmi les rites archaïques marquant le solstice d’hiver, on trouve un peu partout le fait de faire brûler un tronc d’arbre en offrande aux dieux afin qu’ils donnent en retour de bonnes récoltes l’année suivante.

Cette habitude s’est ensuite christinianisée : lors de la veillée de Noël on enflammait une grosse bûche qui devait, dans l’idéal, brûler douze jours, jusqu’à l’Épiphanie. Le bois devait provenir d’un arbre porteur de fruits comestibles : arbre fruitier, châtaignier… On l’arrosait de vin ou de lait et on la bénissait avec une branche de buis. Le but final était le même qu’autrefois : s’assurer que les prochaines récoltes seraient bonnes. Les tisons et les cendres étaient ensuite conservées pour assurer la protection de la maison contre les sorcières ou autre esprits malfaisants.

Dans certaines régions comme la Normandie, les parents cachaient des friandises dans la bûche en disant aux enfants d’aller prier dans un coin de la pièce. A leur retour, la bûche leur avait donné des bonbons 🙂

Mais l’invention de la bûche « gâteau » est beaucoup plus récente. Elle date du XIXe siècle sans qu’on connaisse le nom de son inventeur. Peut-être est-elle née à Lyon vers 1860 ou un peu plus tôt chez un pâtissier de Saint-Germain-en-Laye. Quoi qu’il en soit, elle n’est devenue populaire comme dessert de Noël ou de nouvel an qu’après la deuxième Guerre Mondiale.

Sa consommation entraîne-t-elle de bonnes récoltes l’année suivante ? La question est ouverte. J’attends vos futurs témoignages.