Alix senator 10 : premières pages

Le tome 10 d’Alix senator, La Forêt carnivore, sera disponible dans toutes les bonnes librairies le 3 juin prochain.

Un petit rappel de l’intrigue ?

Après les terribles événements des Spectres de Rome, notre sénateur préféré a décidé de retourner en Gaule . Il veut retrouver ses racines et renouer avec la famille de son cousin Vanik. Mais il va découvrir que, si tout ou presque a changé depuis la conquête de César, le passé est loin d’être mort. La guerre des Gaules ne sera jamais vraiment terminée tant que des revenants hanteront la forêt d’Alésia.

En attendant tout pouvoir lire, voici les premières pages pour vous mettre définitivement l’eau à la bouche. Comme vous voyez, la première page fonctionne en écho avec la couverture ou plutôt c’est la couverture qui fonctionne comme en écho avec elle, comme si la même scène se reproduisait avec plusieurs dizaines d’années d’écart.

Le Chant des sirènes

Je vous montre souvent la mort comme un squelette effrayant mais elle peut aussi être très séduisante, au moins en donner l’illusion, ainsi les fameuses sirènes de la mythologie grecque.

Depuis l’Antiquité, ces femmes fatales sont le symbole d’une sensualité toxique qui vise à détruire l’autre et d’un érotisme mortifère qui consume entièrement celui qu’il possède. (Bon, je ne m’attarderai pas sur le fait que ce sont de méchantes femmes qui séduisent des hommes sans défense comme des rapaces se jettent sur de pauvres petits lapins, les Grecs de l’Antiquité ne sont pas vraiment connus pour leur féminisme).

Détail d’un stamnos attique à figures rouges du Peintre de la Sirène, vers 480-470 av. J.-C. British Museum. © Jastrow (un stamnos est un vase qui servait surtout à mélanger et conserver le vin)

Homère nous apprend dans l’Odyssée que les sirènes sont des créatures marines qui vivaient à l’entrée du détroit de Messine, en Sicile. Elles s’allongeaient sur le rivage – oui, c’était l’époque bénie où on pouvait avoir des activités statiques sur les plages – et se mettaient à chanter ou à jouer de la lyre. Les marins qui les entendaient en perdaient le sens de l’orientation et fracassaient leur bateau sur les rochers affleurants, quand ils ne sautaient pas directement à l’eau pour les rejoindre. De toutes façons, ils finissaient dévorés par les sirènes et leurs ossements demeuraient à jamais sur leurs rives où ils se transformaient à leur tour en poussière/sable.

Sirène sur une stèle funéraire grecque, vers 330 av. J.-C., musée archéologique d’Athènes. © Codex

Homère ne s’attarde pas sur le physique des sirènes mais ses successeurs décrivent des femmes-oiseaux. Parfaitement normales à l’origine, elles auraient été punies par une ou plusieurs déesses : Héra parce que la première d’entre elles aurait séduit Zeus (oui, la jalouse ne pouvait pas punir son mari alors il fallait bien se lâcher sur quelqu’un), Aphrodite parce qu’elles auraient refusé de perdre leur virginité (un comble pour ces femmes fatales) ou encore les Muses parce qu’elles les auraient défiées au chant (il ne faut jamais défier des déesses, jamais, c’est un principe de base).

Une interprétation moderne du mythe : John William Waterhouse, Ulysse et les Sirènes, 1891, National Gallery of Victoria, Melbourne.

Seuls de rares mortels parvinrent à échapper aux sirènes : les Argonautes grâce à Orphée dont la musique couvrit leur chant et les marins d’Ulysse qui avaient mis de la cire dans leurs oreilles. Le roi d’Ithaque réussit lui aussi à éviter leurs serres mais de justesse. Curieux d’entendre leur chant, il demanda à ses hommes de l’attacher au mat de son navire. Ils lui obéirent et il put satisfaire sa curiosité. Heureusement pour lui, ils ne l’entendirent pas quand il les supplia de le détacher pour qu’il puisse rejoindre les merveilleuses jeunes femmes qui l’attendaient sur leur terre paradisiaque.

Bonne nuit avec Dionysos

Dionysos et moi vous souhaitons une bonne nuit.

Vase cérémonial grec, vers 580-570 avant notre ère, conservé au Louvre.
Un comaste, un buveur participant aux processions rituelles de Dionysos, le dieu grec de l’Ivresse, serre contre lui un skyphos, un vase à boire, aussi grand que lui.

Ce petit objet sympathique était aussi amusant qu’il en avait l’air.
On pouvait verser du vin dans le vase, puis on débouchait deux ouvertures situées sur le comaste et selon le principe des vases communicants, celui-ci se remplissait donnant l’impression de « boire » la moitié du vin.
On pouvait aussi faire l’inverse et selon le même principe, le vin coulait du comaste dans le vase donnant l’impression d’une arrivée « miraculeuse » de vin jusqu’à ce que les niveaux se soient équilibrés des côtés.

Les deux visages d’Artémis

Il y a une déesse dont je n’ai pas encore parlé dans Alix senator mais qui le mériterait bien, c’est Diane/Artémis, la déesse gréco-romaine de la chasse, sœur d’Apollon, le dieu sauvage cher à Jacques Martin.

Comme son frère elle a de multiples visages, du plus classique au plus inquiétant.
Ci-dessous, je vous montre l’Artémis grecque telle qu’on se l’imagine : la chasseresse accompagnée d’une biche à la beauté sans défaut.

Statue d’Artémis à la biche, dite Diane de Versailles, peut-être inspirée d’un original grec du IVe siècle av. J.-C. par Léocharès. Œuvre romaine d’époque impériale. Son nom Diane de Versailles lui vient du fait que Louis XIV fait transférer la statue dans le château de Versailles, lieu qu’elle occupera jusqu’à son retour au Louvre en 1798.

Ci-dessous en revanche, on a une autre Artémis, plus orientale et étrange : l’Artémis priée dans le temple d’Éphèse, en Turquie actuelle.

Accompagnée de lions, elle porte sur son vêtement toutes sortes d’animaux qui témoignent de son statut de maîtresse des bêtes sauvages. Parfois on trouve aussi des plantes, des insectes, des animaux fantastiques (griffons, sphinx…)sur ses jambes ainsi que sur le nimbe divin qui entoure sa tête.

Mais le plus étonnant est peut-être le grand nombre de « mamelles » qui ornent sa poitrine. On les interprète souvent plutôt comme des testicules des taureaux qui lui ont été sacrifiés, symboles à la fois de fécondité et de domination de la déesse sur les mâles en tout genre.

Je vous laisse maintenant deviner celle que je préfère. 🙂

Statue de l’Artémis d’Éphèse, premier siècle avant notre ère, musée archéologique d’Éphèse (Turquie)

Mourir à Pompéi

Je suis tombée par hasard la nuit dernière sur France 5 sur l’excellent documentaire Les dernières heures de Pompéi qui retrace la destruction d’un quartier de la ville au travers des dernières fouilles initiées en 2018. Si vous ne l’avez pas encore vu, n’hésitez pas à aller y jeter un coup d’œil sur le site de la chaîne. Il est encore disponible jusqu’au 26 avril (Ici : Les dernières heures de Pompéi )

La reconstitution de la vie quotidienne des habitants de Pompéi ainsi que de leur fin dramatique en octobre 79 sont vraiment réussies. Un peu trop même peut-être. Je vous avoue que je me suis encore laissée émouvoir par le triste sort des victimes du volcan ensevelies sous leur maison ou brûlées par les nuées ardentes.

Moulage photographié par Ken Thomas lors de l’exposition « A day in Pompeii », Charlotte, États-Unis.

Cela m’a donné envie de vous montrer ce soir le moulage du corps d’une des victimes de Pompéi. Il a été réalisé vers 1863 selon la méthode initiée par Giuseppe Fiorelli alors directeur des fouilles. On a versé du plâtre liquide dans l’espace laissé vide par la décomposition du corps dans les couches de pierre ponce et de cendres. On peut donc voir cet homme dans la position exacte dans laquelle il est mort, recroquevillé sur lui-même et sans doute conscient de vivre ses derniers instants. Enfin, je n’en sais rien… Mais j’ai du mal à ne pas me projeter devant un témoignage aussi émouvant de la catastrophe.

Pazuzu

Oui, amis amateurs de culture pop, le démon Pazuzu existait bien avant Adèle Blanc-Sec et le film L‘Exorciste.

Voici sa statuette conservée au musée du Louvre. Vous pouvez admirer sa tête de dragon, ses (quatre) ailes et ses pattes de rapace. Elle date du début du Ier millénaire avant notre ère.

À cette époque, Pazuzu était considéré par les Assyriens, un peuple vivant notamment dans l’Irak actuel, comme un démon maléfique. Il était lié aux vents d’ouest censés amener la peste. Mais cela ne l’empêchait pas d’être aussi souvent invoqué comme un bienfaiteur: il avait le pouvoir de chasser d’autres créatures maléfiques, notamment sa femme, Lamashtu, réputée apporter elle aussi bien des maladies.

Fdj : la reine Musa

Si vous êtes lecteur d’ Alix senator, vous commencez à bien connaître Livie, la « douce et tendre » épouse d’Auguste. Mais ce n’est pas la seule forte femme de cette époque. Comme elle, Musa était dotée d’une ambition proportionnelle à son manque de scrupules.

Musa entre dans l’Histoire en 20 avant notre ère comme… cadeau offert au roi parthe Phraatès IV par l’empereur Auguste.

Les deux hommes viennent de conclure un traité de paix qui fixe la frontière de leur sphères d’influence respectives au fleuve Euphrate. De plus, Phraatès a accepté de rendre à Auguste les enseignes prises aux légions de Crassus lors de la bataille de Carrhes, une des pires défaites romaines qui a eu lieu une quarantaine d’années plus tôt.

Cela mérite bien quelques petits cadeaux en retour du chef de l’État romain. Il offre donc des esclaves au roi parthe. Musa, une jeune italique, en fait partie. Elle séduit rapidement son maître et devient son épouse favorite. Sous son emprise, il se met à mener une politique pro-romaine et accepte même d’envoyer ses fils issus d’autres unions en Italie pour qu’ils soient éduqués « à la romaine ».

Cela laisse le champ libre à Musa, ou plutôt « Thea Musa », « déesse Musa », comme elle commence à sa faire appeler. Elle a accouché d’un fils elle aussi et elle a de grandes ambitions.

En 2 av. J.-C., elle fait empoisonner Phraatès devenu inutile et met son fils sur le trône. Elle règne au travers de l’adolescent, mais cela ne lui suffit pas : quelques années plus tard, elle officialise sa prise de pouvoir… en l’épousant.

C’est aller trop loin : ce genre d’inceste royal entre parent et enfant, qui existe en Égypte ou bien chez les Perses, n’est pas du tout accepté par les Parthes. Le conseil des anciens désavoue le nouveau couple. Les grands aristocrates se rallient à Orodès, un parent de l’ancien monarque assassiné Phraatès. Musa et son fils, abandonnés par leurs partisans, doivent prendre la fuite. Ils sont finalement tués à leur tour en 4 apr. J.-C.

Tête de la reine Musa, Ier siècle av. J.-C., Musée national d’Iran (Téhéran).

Les Ides de mars 2020

Bon les amis, c’est aujourd’hui les ides de mars… Je sais bien que vous avez d’autres choses à penser vu l’actualité. Moi aussi et c’est pourquoi vous avez pu constater que mes statuts portraits ou autres se faisaient plus rares ces temps-ci.

Mais, pour conserver un lien avec l’Histoire, le peplum, l’Art et tout ce qui n’est pas justement dans l’actualité immédiate, voici “La Mort de César” par Jean-Léon Gérôme (1859-1867, Walters art museum).

Bon courage à tous.

Les Ides de Mars

Au matin des ides de mars 44 avant Jésus-Christ, Jules César, mon dictateur perpétuel préféré, était assassiné de 23 coups de couteau par une conjuration de sénateurs au pied de la statue de Pompée, son meilleur ennemi.

Menés par Marcus Junius Brutus et Caius Cassius Longinus, ces grands aristocrates romains s’opposaient à la dérive autocratique de César. Ils ne se rendaient pas compte que leur défense désespérée de la République romaine traditionnelle allait relancer les guerres civiles et surtout ouvrir la voie au petit-neveu de César, le futur Auguste.

J’ai toujours voulu représenter ce tragique événement dans une de mes BD. Cela paraissait difficile dans Alix Senator qui se déroule une trentaine d’années après. Mais j’ai trouvé une solution dans la lignée de Jacques Martin. Ne pouvant raconter directement l’aventure de Spartacus, il consacre un album à son fils où un ancien révolté évoque ses souvenirs de la guerre servile. Dans Alix Senator, j’imagine donc que Césarion a survécu à la chute de l’Égypte, complote contre Auguste et connaît la même fin tragique que son père supposé.

Ci-dessous, la mort de Césarion dans Alix Senator, tome 3 : La Conjuration des Rapaces.