Saint Valentin

Les reliques de saint Valentin de Terni et moi souhaitons une joyeuse fête à tous les amoureux.

Pour les curieux, saint Valentin était, selon la tradition catholique, un prêtre du IIIe siècle après Jésus-Christ. Il mariait les amoureux chrétiens contre la volonté de l’empereur Claude II le Gothique qui avait besoin d’hommes célibataires pour ses armées.
Dénoncé, Valentin fut envoyé en prison où il rendit miraculeusement la vue à Julia, la fille de son geôlier. Furieux de l’aventure, Claude ordonna alors l’exécution du prêtre. Il fut battu puis décapité sur la via Flaminia, à Terni, un 14 février.
Bien sûr, toute la famille de Julia se convertit alors au christianisme et la jeune fille planta un amandier près de la tombe de Valentin, faisant de cet arbre le symbole de tout amour.

Plusieurs villes conservent ses reliques. Le crâne que vous voyez ci-dessous se trouve à Rome, dans la basilique Sainte-Marie de Cosmedin.

Publié le Catégories Éphéméride, Histoire antique
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Très riches Heures du duc de Berry : les frimas de février

Je ne vais pas attendre à nouveau la fin du mois pour vous montrer cette miniature. Totalement opposée à celle du mois de janvier qui offrait un duc de Berry donnant un somptueux festin pour des invités de marque, elle montre des paysans passer tant bien que mal l’hiver.

Le soleil, toujours présent dans le ciel sous la forme d’un Apollon inspiré de l’art byzantin, n’arrive pas à réchauffer le paysage de neige, un des premiers de la peinture médiévale.

Les châteaux habituels ont laissé la place à une ferme avec une bergerie, un pigeonnier et quatre ruches. Dans la maison, des personnages se réchauffent devant le feu. Un jeune couple soulève ses vêtements pour mieux profiter des flammes et les sexes des deux personnages sont clairement visibles. Certains critiques y ont vu une volonté des frères Limbourg, les auteurs de la peinture, ou de leur aristocratique commanditaire de ridiculiser ces pauvres gens. Leur grossièreté supposée, leur manque de pudeur les rapprocheraient symboliquement des animaux qu’ils côtoient. En tout cas, on est bien loin de l’image flatteuse donnée des nobles dans les autres mois de l’année.

Cette miniature semble avoir bien influencé les enlumineurs postérieurs.
Ci-dessous, à côté d’elle, vous pouvez voir une peinture sortie du Bréviaire Grimani réalisé entre 1510 et 1520 et rapidement entré dans la famille éponyme avant d’être légué à la république de Venise où il se trouve toujours aujourd’hui.


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Un étonnant “homme zodiacal”

La Chandeleur

Aujourd’hui, comme tous les 2 février, c’était la Chandeleur, la fête des crêpes mais aussi des chandelles.

Selon la tradition, c’est le pape Gélase 1er qui, en 472, a mené la première procession aux flambeaux un 2 février. À cette date, les Chrétiens célébraient la Présentation de Jésus au Temple et la Purification de la Vierge. Dans le récit biblique, quarante jours après son accouchement, Marie, comme toutes les mamans juives qui venaient d’avoir leur premier garçon, offrit un sacrifice à son Dieu et lui présenta son fils. Au Temple, elle fut reçue par Siméon, un vieillard, qui reconnut dans le nouveau-né la « lumière d’Israël ».

Ces idées de « lumière » et de « purification » étaient présentes aussi dans les fêtes religieuses d’autres cultures célébrées en février. « Februarius », février en latin, est d’ailleurs dérivé du verbe « februare » qui veut dire « purifier ». Chaque 15 février avaient lieu à Rome les Lupercales, des fêtes qui visaient à purifier la ville et à lui assurer une année de prospérité. De même, les Celtes célébraient au début du mois, la déesse Brigit (devenue la sainte Brigitte fêtée… le 1er février) qui devait purifier les champs et y ramener la fertilité.

Je vous laisse apprécier le fait que les femmes venant d’accoucher ainsi que la terre nourricière devaient être purifiées… D’autant que ces cérémonies prenaient parfois un tour extrêmement violent comme les Lupercales dont je vous reparlerai sans doute ou les fêtes de l’ours célébrées à l’origine chez les Germains ou les Scandinaves. La sortie du plantigrade de son hibernation hivernale marquait le retour de la lumière. Elle était fêtée par des déguisements en ours, des feux de joie… et des simulacres d’agressions sexuelles qui dégénéraient à l’occasion en vrais viols.

Pour le pape et les évêques chrétiens, mettre en avant la fête des chandelles, c’était autant lutter contre le paganisme que contre ces violences ritualisées. Mais, me direz-vous, on est toujours loin des crêpes. Pas tant que cela en fait. La tradition raconte que c’est le même pape, Gélase 1er qui institua les processions aux flambeaux et les crêpes. Il faisait distribuer ces gâteaux aux pèlerins qui étaient arrivés trop tard à Rome pour y fêter Noël. Rondes et dorées, les crêpes rappellent, comme les galettes des rois, le soleil et sa chaude lumière. De plus, les paysans les confectionnaient avec de la farine provenant de leur récolte précédente alors même qu’ils entamaient les semailles d’hiver qui devaient leur amener la suivante. C’était à nouveau un rituel liant retour de la lumière et de la fécondité, mais beaucoup plus pacifique que les précédents.

Ci-dessous :
– La présentation de Jésus au Temple, fresque de Fra Angelico, vers 1437-1446, Florence.
– Crêpes de la Chandeleur ©Helena-Zolotuhina

Dé à 20 faces antique

On dirait que les anciens Grecs pratiquaient le jeu de rôle eux aussi : voici un magnifique dé à 20 faces de l’époque ptolémaïque, quand les Grecs dominaient l’Égypte. Il est conservé au Metmuseum.

En fait, non, bien sûr, ce dé n’était pas utilisé pour savoir quel PNJ se cachait derrière la porte du tombeau ultime ou si vous alliez survivre à votre chute dans la fosse aux crocodiles…
Mais presque : ce dé servait à la divination. Chaque face comportait une lettre et, avec un peu de chance, on arrivait à former un mot au bout de quelques lancers. Bon, la réponse devait souvent n’avoir aucun rapport avec la question mais plus un oracle est mystérieux, plus il dit de vérités, c’est bien connu.

Très riches Heures du duc de Berry : le festin de janvier

Mieux vaut tard que jamais : voici l’illustration du mois de janvier des Très Riches heures du duc de Berry.

©Photo. R.M.N. / R.-G. Ojéda
Le duc lui-même est représenté sur la droite, en bleu, avec une coiffe en fourrure brune. A côté de lui, on voit l’inscription « Approche approche », sorte de « bulle » avant l’heure et, effectivement, des proches, prélats et laïcs avancent vers lui.
Devant la table, deux serviteurs, des écuyers tranchants (chargés de découper la viande) portent l’écharpe blanche des partisans des Armagnacs.
La France est alors en pleine guerre civile. Suite à la folie du roi Charles VI, le pays est dirigé par un conseil de régence. Outre la reine Isabeau, ses membres les plus influents sont Jean sans Peur, duc de Bourgogne, et Louis d’Orléans, frère du souverain et gendre de Bernard VII d’Armagnac. Deux hommes aussi puissants et ambitieux ne peuvent pas s’entendre longtemps et leur conflit personnel dégénère très vite en véritable guerre. Les « Bourguignons » et les « Armagnacs » s’affrontent donc pendant 25 ans, de 1410 à 1435 !
Le duc de Berry appartient au parti des Armagnacs. Le festin représenté ci-dessus est peut-être celui qu’il a organisé le 1er janvier 1415 pour tenter de réconcilier ses alliés avec leurs ennemis bourguignons dans le cadre de la paix d’Arras qu’ils vont signer le mois suivant. Malheureusement, cette paix se révélera n’être qu’une trêve et les hostilités reprendront très vite.
L’idée de guerre est d’ailleurs présente dans le motif d’arrière-plan de la scène: de grandes tapisseries qui montrent des scènes de la mythique guerre de Troie.

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Un étonnant “homme zodiacal”

 

 

William Prout, spécialiste de la digestion

Né le 15 janvier 1785, William Prout était un savant britannique dont la spécialité était la chimie.

On lui doit, entre autres, beaucoup d’analyses des sécrétions des organismes vivants, dont il croyait qu’elles étaient produites par la ruptures des tissus (!). Ainsi, en 1823, il découvrit que les sucs de l’estomac renfermaient de l’acide chlorhydrique qui pouvait être séparé des sucs gastriques au moyen de la distillation. En 1827, ce fut lui qui établit la classification lipides, protides, glucides. Elle lui valut la médaille Copley de la Royal Society de Londres.

(Cet article est dédié à Thibaud De Rochebrune, mon futur co-auteur)

Ci-dessous :
William Prout d’après une miniature de Henry Wyndham Philips, XIXe siècle.

Orange mécanique

… Ou harcèlement et auto-censure avant les réseaux sociaux.

Le 13 janvier 1971 sortait en salle, Orange mécanique, de Stanley Kubrick.Film de science-fiction autant que satire sociale, il raconte les dérives d’un sociopathe ultra-violent que son gouvernement va tenter de réhabiliter au moyen de séances de conditionnement extrêmement malsaines.

Le film ne fut pas censuré à sa sortie comme on le voit souvent écrit mais Kubrick reçut beaucoup de lettres de menaces et d’insultes. Des attroupements d’opposants virulents au film eurent même lieu devant sa maison.
Lassé de ce harcèlement et craignant pour la sécurité des siens, le réalisateur finit par demander à Warner Bros, qui diffusait le film, de le retirer des salles anglaises. Ce qui fut fait. Kubrick empêcha aussi toute diffusion en vidéo ou à la télévision britannique de son œuvre. Cette auto-censure dura jusqu’à la mort du réalisateur : Orange mécanique ne fut projeté à nouveau à Londres qu’en l’an 2000 !

À méditer à l’heure où la critique des œuvres vire de plus en plus souvent au harcèlement sur les réseaux sociaux. Avec, en réponse, l’autocensure des auteurs. Espérons que la colère des foules de tous bords n’en vienne pas à nous priver des Orange mécanique de demain.

Janus, le dieu du premier jour

Hier, 1er janvier, on célébrait dans la Rome antique le dieu qui a donné son à notre mois de janvier : Janus.
Avec ses deux visages qui regardent l’un vers le passé et l’autre vers l’avenir, il préside aux commencements, aux fins, aux passages et aux portes (bref, il aurait tout aussi pour être la divinités préférées des rôlistes).
Censé avoir régné avec Saturne, fêté le mois dernier, sur l’Âge d’or du Latium, il dispose du premier prêtre de Rome, le « rex sacrorum » et c’est toujours à lui qu’on sacrifie la première bête du troupeau.

Son temple est situé près du forum: ses portes sont ouvertes en temps de guerre et fermées en temps de paix, contrairement à celles des autres sanctuaires de la ville. Bon, connaissant un peu les Romains, je pensais bien qu’elles n’avaient pas dû être fermées souvent mais c’est encore pire que ce que je pensais : de la construction du temple au VIIe siècle à Auguste, ses portes ne furent fermées que deux fois ! et pas pour longtemps.
Sous le premier empereur, la paix gagna en importance et les fameuses portes furent fermées trois fois en quelques dizaines d’années.

Auguste accordait d’ailleurs une importance particulière à Janus et au mois de janvier. Voyant son règne comme le passage entre deux époques et surtout soucieux de devenir lui aussi « le premier », le « princeps », il fit même déplacer son anniversaire officiel de septembre à janvier.

– Un buste de Janus, Musée du Vatican. © Fubar Obfusco

– Le Temple de Janus par Pierre Paul Rubens, 1635, Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg. © Abcgallery.com


– L’ « arc de Janus », eau-forte de Piranèse, 1748-1774.
Toujours debout aujourd’hui ce monument n’est ni un vrai arc de triomphe, ni un monument dédié à Janus. Edifié au IVe siècle de notre ère, ce tétrapyle monumental servait surtout aux marchand du forum boarium – un marché aux bestiaux – voisin pour faire leurs transactions. Il fut transformé en forteresse au Moyen-Âge par la famille des Frangipani (oui, comme la « frangipane » de la galette que vous allez bientôt manger, je vous en reparlerai si vous voulez)

Bûche du solstice

Mon dernier souvenir de 2018 fut une succulente bûche aux amandes.
En son honneur, je vais vous parler aujourd’hui de l’origine de ce dessert de fin d’année.

Parmi les rites archaïques marquant le solstice d’hiver, on trouve un peu partout le fait de faire brûler un tronc d’arbre en offrande aux dieux afin qu’ils donnent en retour de bonnes récoltes l’année suivante.

Cette habitude s’est ensuite christinianisée : lors de la veillée de Noël on enflammait une grosse bûche qui devait, dans l’idéal, brûler douze jours, jusqu’à l’Épiphanie. Le bois devait provenir d’un arbre porteur de fruits comestibles : arbre fruitier, châtaignier… On l’arrosait de vin ou de lait et on la bénissait avec une branche de buis. Le but final était le même qu’autrefois : s’assurer que les prochaines récoltes seraient bonnes. Les tisons et les cendres étaient ensuite conservées pour assurer la protection de la maison contre les sorcières ou autre esprits malfaisants.

Dans certaines régions comme la Normandie, les parents cachaient des friandises dans la bûche en disant aux enfants d’aller prier dans un coin de la pièce. A leur retour, la bûche leur avait donné des bonbons 🙂

Mais l’invention de la bûche « gâteau » est beaucoup plus récente. Elle date du XIXe siècle sans qu’on connaisse le nom de son inventeur. Peut-être est-elle née à Lyon vers 1860 ou un peu plus tôt chez un pâtissier de Saint-Germain-en-Laye. Quoi qu’il en soit, elle n’est devenue populaire comme dessert de Noël ou de nouvel an qu’après la deuxième Guerre Mondiale.

Sa consommation entraîne-t-elle de bonnes récoltes l’année suivante ? La question est ouverte. J’attends vos futurs témoignages.

Bonne année 2019

Le 21 juillet 1969 , un homme posait pour la première fois le pied sur la Lune. En pleine guerre froide, la compétition entre l’URSS et les USA avait permis en moins de deux décennies de passer des tous premiers missiles balistiques inspirés des V2 de l’Allemagne nazi à de gigantesques fusées civiles.

Le projet Apollo, c’est un budget cumulé de plus de 18 milliards de dollars de l’époque, environ 150 milliards d’aujourd’hui. Au plus fort du programme, 400 000 personnes travaillaient pour la NASA, qui consommait à elle seule 4,5% du budget fédéral des USA. Le projet Apollo, c’est 17 lancements de fusées Saturn V, dont 6 des 7 derniers vols ont été se poser sur la Lune. Le projet Apollo, c’est donc 12 astronautes qui ont pu fouler le sol lunaire et en ramener 382 Kg de roches qui enchantent depuis les laboratoires et musées du monde entier. C’est 3 réflecteurs posés sur ce sol lunaire qui permettent encore aujourd’hui de mesurer la distance qui nous sépare de notre satellite avec un simple laser.

Et pourtant, lentement, a commencé à monter la rumeur que tout cela n’aurait pas eu lieu. Que les images télévisées des hommes sur la Lune étaient réalisées en studio. Que tout n’était qu’une gigantesque conspiration aux buts variés et aux contours protéiformes. Au début, on se disait que ce déni venait d’une rupture de confiance  d’une partie des Américains envers leur gouvernement fédéral, en particulier depuis qu’ils avaient découvert les pratiques obscures de la CIA, du complexe militaro-industriel et même de leur président avec l’affaire du Watergate. Aujourd’hui, cette défiance s’est mondialisée : en 2018, un sondage de l’IFOP révélait que 16% des Français doutaient que les Américains aient jamais marché sur la Lune.

C’est toute la science voire la rationalité qui sont maintenant menacées par cette vague de rejet. Tous les faits ou preuves scientifiques peuvent se retrouver contestés comme si c’était juste des opinions parmi d’autres. Sachant que toutes les études montrent que ce rejet est particulièrement marqué pour les plus jeunes générations. En 2018, en France, près d’un sondé sur dix était d’accord avec l’affirmation « il est possible que la Terre soit plate et non pas ronde comme on nous le dit depuis l’école ».

Si nous avons un souhait pour l’avenir, c’est que la défiance, légitime, envers les autorités ne tourne pas à l’obscurantisme généralisé. Car, contrairement à ce que pensent ceux qui doutent de tout, ce n’est pas leur liberté de penser qu’ils défendent, mais un grand fatras sans queue ni tête qui ne peut que profiter à ceux qui sauront en abuser : les systèmes totalitaires, les seigneurs de guerre, les intégristes religieux de tous bords… Bref, à tous ceux qui exigeront, eux, que nous nous soumettions vraiment à une seule et unique vision du monde : la leur.

Alors, en ces 50 ans des premiers pas de l’humanité sur la Lune, souhaitons-nous une bonne et rationnelle année 2019 !

Valérie Mangin et Denis Bajram