L’Ishtar du Louvre

Il n’y a pas que des taureaux ailés au département des Antiquités orientales du Musée du Louvre, il y a aussi la statuette du fameux démon Pazuzu quand elle n’est pas prêtée aux États Unis pour une exposition et puis cette ravissante figurine d’Ishtar, la déesse mésopotamienne de l’Amour et de la Guerre.

Image © R.M.N. / P. Bernard

Elle a été réalisée en albâtre peut-être à l’époque d’ Alix Senator, entre le IIe siècle av. J.-C. et le Ier siècle ap. J.-C. en tout cas. Ses bijoux sont or. Ses yeux sont des rubis ainsi que l’ornement de son nombril. J’avoue qu’il lui donnent un peu l’aspect d’une vampire. D’ailleurs, c’est dans une tombe qu’elle a été découverte. Elle aurait vraiment tout pour inspirer Anne Rice, non ?

Les Calendriers de l’Avent

Amis bédéphiles, vous pouvez voir ci-dessous le calendrier de l’Avent réalisé par le génial Chris Ware pour À la mère de famille, la plus vieille chocolaterie parisienne. En plus d’être très joli, il respecte bien la tradition avec ses 24 petits compartiments qui dissimulent chacun une surprise chocolatée. Ses heureux possesseurs pourront en ouvrir un chaque jour d’aujourd’hui 1er décembre à Noël.

Calendrier de l’Avent créé par Chris Ware pour La Mère de famille en 2020.

Ce calendrier tire son nom de la période de l’Avent, du latin « adventus », l’avénement (du Messie), c’est-à-dire la naissance du Christ. Pour les catholiques de nos régions, l’Avent commence le quatrième dimanche avant Noël et se termine le 24 décembre. Au départ, c’était une période de jeûne, comme celle du Carême qui précède la fête de Pâques. Aujourd’hui, c’est plutôt un moment d’espoir et d’attente joyeuse.

L’idée du calendrier lui-même est né en Allemagne au XIXe siècle. On donnait alors des images pieuses aux plus jeunes. En 1908, un éditeur de Munich eut l’idée de commercialiser un cartonnage où étaient attachées ces petites images. Mais ce n’est qu’à partir de 1920 qu’elles sont cachées par des fenêtres ou des portes à ouvrir chaque jour. En 1958, a lieu un dernier changement majeur : à côté des illustrations apparaissent chez certains commerçants des surprises plus gourmandes : chocolats, bonbons…

Aujourd’hui, on trouve des calendriers de l’Avent de toutes les formes, de toutes les matières et avec toutes sortes de cadeaux. Beaucoup de grandes marques en proposent et c’est devenu un enjeu commercial comme beaucoup des traditions entourant Noël. En 2017, il s’était vendu plus de 11,6 millions de calendriers renfermant des chocolats en France pour un montant de 64,5 millions d’euros.

Les Enquêtes du Louvre

Le dernier Alix Senator a donné une excellente idée à Martin Quenehen : m’inviter à participer à une de ses Enquêtes du Louvre, le podcast autour des œuvres majeures du musée. Elle était bien sûr consacrée aux taureaux ailés de Khorsabad que l’on voit sur la couverture.

La semaine dernière, j’ai donc eu le grand plaisir de me rendre au Musée du Louvre. Il était fermé donc vide (qui n’a jamais rêvé de se retrouver seul ou presque dans le Louvre vide ?). Martin et moi avons discuté plusieurs heures devant les fameux taureaux et les bas-reliefs assyriens du département des Antiquités Orientales. Je les avais déjà vus, mais j’ai redécouvert, comme à chaque fois, à quels points ils étaient impressionnants. Je ne peux que vous inviter à aller les admirer aussi dès que le Louvre sera réouvert et… à écouter notre podcast quand il sera disponible.

Surtout ne pas Kraken

Il a fallu attendre aujourd’hui pour que j’ai cette révélation : le Kraken du film “Le Choc des Titans” de 1981 n’est pas un monstre mythologique grec. Ça ne vient pas non plus de “Krakenos” comme osait le suggérer il y a encore 5 minutes mon helléniste maison. Non, en fait le Kraken est un monstre issu des légendes scandinaves. Voilà, maintenant vous aussi vous connaissez la vérité, Hollywood nous a tous trompés ! Fake news !
En bonne antiquisante, je ne pourrai donc plus jamais utiliser le mème « Release The Kraken » comme avant… Que vais-je donc pouvoir dire quand notre voisin ouvrira sa porte pour libérer son caniche de combat ?

L’Homme au masque de fer

Le 19 novembre 1703, un étrange prisonnier meurt à la Bastille au bout de 34 ans d’incarcération. Nul ne connaît ni son nom, ni son visage, ni pourquoi il est là.

Bien sûr, cela enflamme les imaginations et, en 1751, Voltaire lui-même parle, dans son Siècle de Louis XIV, de cet « homme au masque de fer ». Il ajoute de nombreux détails croustillants aux simples faits connus et le prisonnier devient le symbole des dérives de l’absolutisme royal. La légende est lancée. Elle ne fera que s’amplifier par la suite.

Louis XIV par Hyacinthe Rigaud en 1701, Musée du Louvre.

Mais qui était le « masque de fer » finalement ? Voici les hypothèses les plus romanesques. Il s’agirait :
– selon Voltaire, du frère jumeau de Louis XIV, du frère aîné, bien sûr, qui aurait pu lui disputer le trône.
– de l’enfant adultérin de la reine Anne d’Autriche et du duc de Buckingham
– d’un autre amant de la même Anne d’Autriche qui serait le vrai père de Louis XIV
– du surintendant Nicolas Fouquet, victime de la jalousie de Louis XIV
– de Molière, qui ne serait pas mort sur scène mais aurait été arrêté car les jésuites ne lui pardonnaient pas le Tartuffe.
– de d’Artagnan que le masque aurait dissimulé aux regards des mousquetaires qui le gardaient et auraient voulu libérer leur ancien capitaine.
– du nain Nabo, un esclave noir appartenant à l’épouse de Louis XIV et avec qui elle aurait eu une fille.
– du chirurgien Auger, un des protagonistes de l’Affaire des poisons.
– d’un simple valet sans importance mais Saint-Mars, le gouverneur de la prison, voulait faire croire à tout le monde qu’il gardait un prisonnier important.

Je vous laisse en inventer d’autres maintenant 🙂

Tibère et Agrippa Postumus

Tibère, fils de Livie et successeur d’Auguste, est né à Rome le 16 novembre 42 avant notre ère.

Vous le voyez ci-dessous en buste ainsi que dans une page du tome 3 d’Alix senator. Elle parle d’une autre naissance, celle d’Agrippa Postumus, dernier petit-fils d’Auguste et donc futur rival de Tibère au trône impérial. Inutile de dire que le nourrisson devenu jeune homme fut éliminé dès la mort de son grand-prêtre, peut-être sur l’ordre de celui-ci qui ne l’aimait pas ou bien sur celui de Tibère et Livie qui voulaient assurer leur tranquillité future.

 

Khorsabad

Après le désastre de Carrhes, Alix est emmené comme esclave à Khorsabad. Ce n’est pas une cité inventée par Jacques Martin mais une vraie ville antique disparue.

Appelée plus justement aujourd’hui Dur-Sharrukin, la « Forteresse de Sargon », elle était située au nord de l’Irak actuel et avait été fondée par un peuple beaucoup plus ancien que les Parthes : les Assyriens.

Extrait de l’Esclave de Khorsabad, Alix senator 11, éditions Casterman

Malgré son nom, Dur-Sharrukin était une vraie ville destinée à devenir la capitale de son créateur, Sargon II. Murailles, palais royal, temples, ziggourat, maisons avaient été construits très rapidement : de 717 à 705 av. J.-C. Le roi avait financé ce chantier colossal en obtenant des prêts de ses dignitaires, en vendant une partie du Trésor royal et… en pillant en 714 le temple de la cité sainte de Musasir. Il s’était même vanté d’en avoir ramené plus de trois cent mille objets de valeur et plusieurs tonnes de métal précieux ! Bien sûr, ce qu’il en a fait dans L’Esclave de Khorsabad est une invention de ma part.

Malheureusement pour lui, Sargon mourut mystérieusement peu après l’inauguration de sa ville. Son fils, Sennachérib, ne s’y intéressa pas. Il préféra s’installer à Ninive, une cité toute proche, beaucoup plus ancienne et prestigieuse. La ville fondée par Sargon ne se développa donc jamais vraiment. Elle fut sans doute été abandonnée dès 612, quand le royaume assyrien s’effondra.

Marcus Licinius Crassus

Né vers 115 av. J.-C., Crassus est le général romain qui entraînera Alix et son père dans la calamiteuse bataille de Carrhes. Considéré comme l’homme le plus riche de Rome, il est aussi un des principaux hommes politiques de la fin de la République.

Sa carrière commence pendant la seconde guerre civile (de – 82 à – 81) dans laquelle il prend le parti du futur vainqueur, Sylla. Mais c’est dix ans plus tard, au moment de la révolte de Spartacus, que Crassus se fait remarquer.

Crassus contre Spartacus

Chargé par le Sénat de mettre fin à la rébellion, le général coupe l’armée des esclaves de son ravitaillement puis l’empêche de fuir en Sicile. Après quelques déboires, il obtient une victoire totale sur ses adversaires. Plus de soixante mille sont tués. Six mille autres sont crucifiés le long de la Via Appia. Crassus espère obtenir le triomphe pour sa victoire mais on ne lui accorde que l’ovation. Or, au même moment, Pompée, revenu d’Hispanie où il a écrasé une autre révolte menée par un général romain reçoit, lui, le triomphe. C’est le début d’une inimitié grandissante entre les deux hommes. Cela ne les empêche pas de devenir des alliés politiques objectifs. Ils partagent le consulat en – 70. Puis, en – 59, ils s’allient à l’autre homme fort du moment, César, pour former le premier triumvirat et dominer la République romaine.

Le Fils de Spartacus, extrait pg 25, Jacques Martin, éditions Casterman

Crassus contre les Parthes

En – 55, Crassus devient une seconde fois consul. L’année suivante, il gagne la province syrienne qu’il doit diriger. Mais sa jalousie envers Pompée l’incite à vouloir lui aussi se couvrir de gloire. Il entreprend donc une grande campagne contre l’empire parthe. Elle se termine en juin 53 avec le désastre de Carrhes. Plus de vingt mille soldats romains et alliés y perdent la vie. Au moins dix mille sont faits prisonniers. Crassus lui-même est tué lors d’une entrevue en vue d’un armistice avec les Parthes deux jours plus tard. Il laisse César et Pompée face à face et prêts à commencer une nouvelle guerre civile pour le pouvoir.

La mort de Crassus

L’historien Dion Cassius évoque avec réserve ce qui aurait pu être les derniers instants de Crassus. Comme sa soif d’or était fameuse à Rome comme dans l’empire parthe, son vainqueur, le général Suréna aurait fait couler de l’or fondu dans sa bouche en lui disant : « Rassasie-toi de ce métal dont tu es si avide ! ». L’horreur de ce châtiment le fit ensuite entrer dans la légende. Mais, il est plus probable que le général romain mourut pendant une bousculade entre ses hommes et les Parthes. Il fut peut-être même tué par ses propres lieutenants qui redoutaient l’humiliation qu’aurait constitué sa captivité pour la République.

Tête de Crassus, 1er avant notre ère, trouvée en Italie, exposée au Louvre

Agrippine la Jeune

Julia Agrippina dite Agrippine la Jeune est née le 6 novembre 15 apr. J.-C. bien loin de Rome, à Ara Ubiorum, la future Cologne. Mais on la connaît davantage pour sa mort tragique. Elle fut assassinée à 44 ans par son propre fils, le fameux empereur Néron.

Une enfance tragique

J’aimerais pouvoir vous dire que, pourtant, tout avait bien commencé pour elle. Mais non, sa mort tragique ne fut que la conclusion logique d’une vie qui le fut tout autant. Agrippine était née en Germanie inférieure car ses parents craignaient que leur oncle Tibère, devenu empereur l’année précédente, n’en profite pour éliminer son père, Germanicus, qu’il jalousait depuis longtemps. Il faut dire que le général était jeune, beau et très populaire, surtout auprès des soldats. Bref, il avait toutes les qualités requises pour s’emparer du trône impérial. Mais Tibère ne tenta finalement rien en 15.

Pourtant, quatre ans plus tard, Germanicus mourut subitement à Antioche. Les mauvaises langues s’empressèrent de dire qu’il avait été empoisonné. Sa veuve, Agrippine l’Aînée, prit très mal sa mort. Elle s’impliqua dans les intrigues politiques romaines et Tibère commença à se méfier aussi d’elle. Il lui interdit de se remarier de peur qu’elle ne pousse son second mari à le renverser. Les mauvais sentiments de l’empereur s’amplifièrent encore quand il perdit son fils et unique héritier. De fait, les enfants d’Agrippine devenaient alors ses successeurs potentiels, chose insupportable pour l’empereur de plus en plus misanthrope. En 29, il finit par faire arrêter Agrippine l’Aînée avec ses deux premiers fils. Tous trois moururent de façon atroce. Battue par des soldats au point d’en perdre un œil, la veuve de Germanicus fut contrainte de se laisser mourir de faim.

Statue d’Agrippine la Jeune en prêtresse, 54-59 apr. J.-C., Rome, © Carole Raddato

Premiers mariages, inceste et premiers empoisonnements

Heureusement, sa fille, Agrippine la Jeune, était à l’abri depuis l’année précédente : elle avait épousé un homme choisi par Tibère lui-même : Cneius Domitius Ahenobarbus. Violent et débauché, celui-ci apprécia d’emblée les qualités de sa jeune épouse. Selon la légende, il proclama que de leur couple ne pouvait naître qu’un monstre. Effectivement, en décembre 37, Agrippine accoucha du futur Néron, son seul enfant. Là aussi la légende s’empara de l’événement : les mages qu’elle aurait consultés pour connaître l’avenir du nouveau-né lui auraient dit qu’il serait empereur mais qu’il la tuerait. Et elle aurait répondu : « Qu’il me tue, pourvu qu’il règne ».

À la même époque, la rumeur accusa Agrippine d’entretenir une relation incestueuse avec le successeur de Tibère : son propre frère Caligula. Mais ce dernier était très versatile et, deux ans plus tard, Agrippine perdit sa faveur. Accusée d’adultère (eh oui…) et d’avoir pris part à un complot, elle fut exilée avec une de ses sœurs et autre maîtresse de Caligula, sur une des îles Pontines. Elles ne purent rentrer au Palatin qu’après l’accession surprise à l’empire de leur oncle Claude.

Devenue veuve, Agrippine se remaria en 41 avec un des hommes les plus riches de Rome… qui mourut opportunément six ans plus tard en laissant toute sa fortune au petit Néron. Bien sûr, la rumeur accusa Agrippine de l’avoir empoisonné. Mais cela ne l’empêcha pas de candidater l’année suivante pour devenir la nouvelle épouse de Claude… qui venait de faire exécuter la précédente, Messaline.

Meurtrière de l’empereur Claude

Agrippine parvint, bien sûr, à ses fins malgré le problème que posait cette union à la morale romaine : le mariage d’un oncle et d’une nièce était jugé incestueux. Parvenue au fait des honneurs, notre héroïne en profita largement. Elle élimina ses rivales potentielles, s’empara des biens de riches romains, prit un riche affranchi pour amant et… fit revenir d’exil le philosophe Sénèque dont on chuchotait qu’il avait été et était toujours lui aussi son amant. Aveugle, Claude adopta tout de même Néron comme son fils en 49, si bien qu’en 54 c’est celui-ci qui lui succéda après qu’il eut mangé un plat de champignons dont Agrippine avait amoureusement préparé l’assaisonnement.

Assassinée par Néron

Les cinq années qui suivirent furent assez calmes. Mais Néron ne supporta pas plus longtemps l’autorité de sa mère, devenue bien encombrante depuis qu’elle ne lui servait plus à rien. En 59, l’empereur décida donc d’assassiner Agrippine en maquillant sa mort en naufrage. Heureusement (ou malheureusement ?), elle survécut à cette première tentative. Néron, furieux, dût envoyer des soldats pour l’exécuter en bonne et due forme. On raconte qu’au moment où elle vit le centurion sortir son glaive, elle s’écria seulement « Frappe au ventre ! », ce ventre qui avait porté Néron.